Les administrateurs de régimes de retraite à cotisation déterminée (CD) ont traditionnellement concentré leur attention et leurs efforts presque exclusivement sur la phase d’accumulation de capital. Des ressources importantes sont investies en vue d’encourager l’épargne, de sélectionner des options de placement appropriées et d’offrir aux participants de l’information et des outils en matière de placement. Toutefois, le rôle de l’administrateur lors de la phase de décaissement se résume dans plusieurs cas à fournir aux participants l’information prescrite par la législation (ex. : relevé de cessation de participation) et à transférer les fonds accumulés selon les instructions reçues. Cette réalité explique peut-être en partie le principal point faible des régimes CD, c’est-à-dire le manque de prévisibilité des prestations à la retraite.

Les tendances récentes suggèrent que les promoteurs de régimes CD sont maintenant plus ouverts à soutenir les participants au cours de leur carrière à préparer la phase de décaissement. Les administrateurs mettent de plus en plus à la disposition de ces derniers divers guides, séminaires et outils de planification pour les aider à identifier l’option de décaissement la plus appropriée pour leur assurer un revenu de retraite adéquat.

Du point de vue de la gestion des ressources humaines, il existe de bonnes raisons de soutenir activement les participants à préparer le décaissement des fonds accumulés (un sujet qui dépasse le cadre du présent article). Ceci étant dit, les régimes CD sont souvent mis en place en raison de leur administration simple et des responsabilités réduites incombant à l’administrateur. Certains se demanderont donc jusqu’à quel point l’administrateur doit soutenir les participants sur le plan du décaissement. S’agit-il maintenant d’une véritable exigence légale ?

Le devoir d’information

Chacun sait que l’administrateur du régime CD a une responsabilité fiduciaire vis-à-vis les participants. Cette obligation implique notamment la communication d’informations pertinentes. Selon les tribunaux, il s’agit là des informations susceptibles d’influencer le comportement du participant si elles étaient divulguées. Malgré les principes généraux qui peuvent être dégagés de la jurisprudence, il n’existe toujours pas de directive claire concernant l’étendue du devoir de l’administrateur d’informer le participant au sujet du décaissement.

Or, ces renseignements devraient au minimum inclure une description des options de décaissement et de remboursement qui s’offrent aux participants, les mesures que ceux-ci doivent prendre au moment de la cessation de participation, les dates limites auxquelles les mesures doivent avoir été prises et l’option par défaut qui s’appliquera automatiquement s’ils ne prennent aucune décision. Au-delà de ce type d’information, l’étendue de l’obligation d’information de l’administrateur devient moins évidente.

Les pratiques « raisonnables »

Lorsque le comportement d’un administrateur de régime de retraite est remis en cause, le tribunal est appelé à comparer ce comportement par rapport à celui de l’administrateur dit « raisonnable » afin de déterminer si une faute a été commise. En l’absence de courants jurisprudentiels bien établis, il est fort probable qu’un tribunal se baserait sur les lignes directrices publiées par les organismes de réglementation afin de déterminer si un administrateur a communiqué une information adéquate aux participants en matière de décaissement. Les promoteurs ont donc tout intérêt à se familiariser avec ces lignes directrices, même si celles-ci n’ont pas force de loi.

Le 28 mars 2014, l’Association canadienne des organismes de contrôle des régimes de retraite (ACOR) a publié sa ligne directrice n° 8 (Ligne directrice sur les régimes de retraite à cotisation déterminée). Cet organisme, qui inclut notamment la Régie des rentes, est d’avis que « l’administrateur est censé renseigner le participant sur tous les produits de retraite réglementés dont il peut se prévaloir à la période de paiement ». Selon l’ACOR, « les renseignements fournis devraient aider le participant à prendre des décisions éclairées qui assurent l’équilibre entre la protection contre les risques inhérents aux divers produits et le taux souhaité de remplacement de son revenu ». L’ACOR résume ainsi le type d’information que les administrateurs devraient fournir aux participants qui approchent de la retraite :

  • Explication des produits de décaissement et de transfert disponibles;
  • Où et comment le produit peut être acheté (ou mis en place);
  • Toutes restrictions relatives aux placements autorisés;
  • Explication des règles découlant de la Loi de l’impôt sur le revenu qui s’appliquent au produit de décaissement;
  • Formule de calcul du montant maximum que l’on peut retirer chaque année;
  • Explication des règles concernant le remboursement une fois que les fonds sont transférés au produit de décaissement;
  • Options relatives à la désignation d’un bénéficiaire et à la disposition de l’actif à la suite d’un décès;
  • Droits et protection du conjoint; et
  • Protection contre les créanciers.

Dans le fascicule n° 5 du recueil Bien administrer un régime de retraite : L’information aux participants et aux bénéficiaires, la Régie des rentes du Québec ajoute qu’« il est également souhaitable de fournir [aux participants] l’assistance de personnes compétentes pour leur expliquer les différentes options, répondre à leurs questions et s’assurer qu’ils comprennent bien les conséquences de leurs choix ». La Régie précise que « ces moyens d’aider les participants et leur conjoint ne sont pas explicitement prévus par la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, mais constituent toutefois de bonnes pratiques administratives ».

Ces lignes directrices démontrent clairement que les organismes de réglementation au Canada considèrent que l’administrateur a un rôle proactif à jouer dans le cadre de la transition des participants de la phase d’accumulation à la phase de décaissement.

Même si on ne peut pas encore délimiter avec certitude l’étendue du devoir d’information des administrateurs en ce qui concerne la phase de décaissement, il serait prudent pour ceux-ci de s’assurer que leurs communications et outils de planification sont conformes aux lignes directrices de l’ACOR et de la Régie des rentes. Ils s’exposeront autrement à un risque de litige pour ne pas s’être conformés aux pratiques de l’administrateur « raisonnable ».

Julien Ranger est avocat et sociétaire chez Osler, Hoskin & Harcourt LLP.

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