Même si c’est surtout la volatilité des marchés boursiers qui a retenu l’attention des caisses de retraite au cours des dernières semaines, les effets de la pandémie se feront également sentir sur les placements non traditionnels, prévient Mercer.

« Bien que les répercussions sur les actifs non traditionnels soient moins observables à ce stade-ci, elles seront sans doute aussi importantes que sur les marchés publics », écrit la firme dans un document d’opinion.

Les investissements non traditionnels effectués entre 2016 et 2019 seront les plus touchés par la conjoncture actuelle compte tenu des importants portefeuilles non réalisés. Mercer juge que le capital engagé avant 2016 ne subira pas de conséquences aussi graves, puisqu’il repose sur de bonnes assises.

Les périodes de détention pourraient être prolongées en attendant le rétablissement des prix. Dans les marchés secondaires, les évaluations de décembre ne tiennent plus la route et, de ce fait, le volume des opérations pourrait diminuer au cours des prochaines semaines.

De manière plus générale, si la crise est résolue à court terme, son incidence sur les catégories d’actifs non traditionnels pourrait être modérée. Par contre, si elle perdure, il y a fort à parier que les évaluations de nombreux actifs non traditionnels seront mises à rude épreuve, peut-on lire dans le document.

Les placements privés sous pression

Les sociétés privées qui disposent de modèles de revenus récurrents pourraient mieux s’en tirer, du moins à court terme, que ceux ayant des modèles de revenus ponctuels, estime Mercer. En revanche, les rachats d’entreprises et le capital de croissance pourraient être plus rapidement touchés que les autres secteurs compte tenu de leur plus grande corrélation avec les marchés publics.

En ce qui concerne le marché du capital de risque, les entreprises en démarrage sont généralement moins sensibles aux cycles de marché. Les entreprises en croissance utilisent par ailleurs peu ou pas de levier financier et n’ont donc pas ce fardeau supplémentaire que représentent les créanciers qui demandent un remboursement lorsque les liquidités commencent à manquer. Sur le plan sectoriel, les entreprises en démarrage des secteurs de la consommation risquent d’être les plus durement touchées à court terme, tandis que les entreprises de logiciels s’en tireront probablement mieux.

En Europe, les analystes de Mercer s’attendent à des ventes massives d’actifs et à des réductions de l’effectif au sein des sociétés privées en portefeuille les plus touchées. Les gestionnaires ciblent habituellement les entreprises non cycliques qui génèrent des flux de trésorerie élevés. Cette stratégie devrait se révéler avantageuse, mais elle n’est pas universelle. Les contractions des multiples rendront les sorties difficiles, même pour les sociétés en portefeuille très performantes dans lesquelles les fonds ont investi récemment.

En matière de dette privée, la mobilisation de capitaux pourrait ralentir, et certaines opérations risquent d’être interrompues à mesure que les gestionnaires réévalueront les prix et leurs placements. De plus, le paysage concurrentiel des titres de créance privés risque fort de changer, après une longue période au cours de laquelle les emprunteurs avaient le gros bout du bâton par rapport aux prêteurs.

Immobilier et infrastructures ne sont pas épargnés

Les hypothèses concernant les flux de trésorerie et les risques qui sont utilisées pour déterminer la valeur des actifs immobiliers subiront sans doute les répercussions négatives des événements récents. La prime de risque appliquée aux actifs à risque augmentera. La croissance des activités de location sera touchée dans un avenir prévisible, et les types de propriétés qui ont été rapidement touchées par les quarantaines et les mesures de distanciation sociale pourraient subir des conséquences plus graves. Les actifs de grande qualité qui affichent un bon taux d’occupation et un niveau d’endettement modéré offriront la meilleure protection. Comme c’est souvent le cas en période de perturbation, le marché immobilier pourrait présenter de belles occasions, juge Mercer.

Du côté des infrastructures, les entreprises d’expédition et les installations portuaires européennes ont été directement touchées par les fermetures d’usines et les restrictions de voyage. Les grands aéroports d’Europe devraient observer une baisse radicale du nombre de voyageurs en raison du confinement gouvernemental et des interdictions de voyager aux États-Unis. À l’opposé, les sociétés de télécommunications devraient faire partie des plus résilientes dans la conjoncture défavorable. La pandémie de COVID-19 aura des répercussions importantes sur le secteur des infrastructures sociales, tandis qu’elle pourrait favoriser certaines installations de soins de santé et poser des défis pour d’autres, comme les centres de soins pour personnes âgées.

La solvabilité des régimes de retraite chute

Au terme d’un premier trimestre des plus pénibles pour les investisseurs, les régimes de retraite à prestations déterminées canadiens ont vu leur ratio de solvabilité chuter de 14 points de pourcentage entre le 31 décembre 2019 et le 31 mars 2020, selon Mercer.

Le ratio de solvabilité médian des régimes de retraite des clients de Mercer se situait à 84 % à la fin du premier trimestre, comparativement à 98 % à la fin de 2019. À la mi-mars, ils ont même atteint leur pire niveau de santé financière depuis 2013, mais la situation s’est quelque peu améliorée par la suite.

« Le fait que les marchés ont été secoués au tout début de l’année laisse aux promoteurs la flexibilité nécessaire pour décider des mesures à prendre d’ici la fin de 2020, explique F. Hubert Tremblay, conseiller principal au sein du domaine Avoirs de Mercer Canada. Effectuer une évaluation actuarielle à la fin de 2019 permettra aux promoteurs de s’assurer d’un niveau de cotisations fixes allant jusqu’en 2022, ce qui, nous l’espérons, laissera le temps aux marchés de s’en remettre. »

De plus, Mercer et bon nombre d’autres parties prenantes militent pour l’adoption de plusieurs formes d’allègements administratifs et de financement pour les promoteurs de régimes de retraite et leurs participants. Ces mesures visent à s’assurer que le système de retraite canadien puisse faire face aux défis que pose la COVID-19, en stabilisant la sécurité de la retraite des Canadiens en ces temps incertains.

Sur les marchés, on note un écart de rendement accru pour les obligations provinciales et celles d’entreprises, au même moment où le rendement des obligations à long terme du gouvernement du Canada a chuté. Ce phénomène sera probablement temporaire, mais une incertitude à court terme plane désormais au-dessus de l’évaluation du passif des régimes de retraite PD.