Droits de rachat, réduction des contributions de l’employeur,
modifications au régime, droits acquis, surplus, etc., autant de sujets
qui peuvent porter à litige. Et lorsque survient un litige, où
doivent s’adresser les participants syndiqués à un régime
de retraite? Qui des tribunaux d’arbitrage ou des tribunaux de droit communs,
tels que la Cour supérieure, sont compétents pour en décider
l’issue?

Une tendance se dessine clairement : à l’exclusion de tout autre
tribunal, c’est l’arbitre de grief qui détient la compétence
voulue pour trancher toute question relative à un régime de retraite
en milieu syndiqué.

C’est ainsi que dans l’affaire Hydro-Québec c. Syndicat
des techniciennes et techniciens d’Hydro-Québec, section locale
957(SCFP),1 la Cour d’appel du Québec devait décider si
l’arbitre de griefs avait compétence
pour interpréter un règlement adopté par la société
d’état lequel visait la modification du régime de retraite
de ses salariés quant aux conditions de rachat des périodes de
non-cotisation. En effet, la direction avait adopté un nouveau règlement,
le Règlement numéro 681 d’Hydro-Québec sur le régime
de retraite, subséquemment approuvé par décret gouvernemental,
qui précisait les nouvelles conditions de rachat.

Hydro-Québec mettait en doute devant la Cour d’appel la compétence
de l’arbitre de griefs d’interpréter le nouveau Règlement
681, faisant valoir qu’il ne faisait pas partie de la convention collective
et ajoutant que le régime de retraite visé ne devait pas son existence
à la convention collective, mais bien à la Loi sur Hydro-Québec.

Selon la Cour, quels que soient le mode de création d’un régime
de retraite ou ses modalités, il doit être considéré
comme étant une des composantes de la rémunération des
participants au régime. Par ailleurs, pour l’employeur, le régime
de retraite fait partie du coût global de la maind’oeuvre. Lorsque
le participant est syndiqué, les droits individuels sont écartés
et le contenu du contrat qui naît de la mise sur pied d’un régime
de
retraite est, comme les autres aspects du contrat de travail, négocié
dans un cadre collectif impliquant
uniquement l’employeur et le syndicat. Selon la Cour d’appel, les
dispositions du régime de retraite constituent donc, en somme, l’une
des composantes de la convention collective.

La compétence exclusive de l’arbitre de griefs sur les questions
reliées au régime de retraite a toujours fait couler beaucoup
d’encre. Autrefois, elle dépendait davantage de ce que l’on
appelait «l’incorporation par référence» ou
non des textes du régime à la convention collective et de l’intention
des parties à cet égard. Cet éternel débat est-il
maintenant définitivement mort et enterré? Faut-il donc maintenant
conclure que même en l’absence de toute référence
au régime de retraite dans une convention collective, l’arbitre
de griefs a compétence pour en faire l’interprétation, en
vertu du simple fait que le régime de retraite fait partie de la rémunération
globale des salariés? En sera-t-il ainsi même si les parties n’ont
jamais eu l’intention de soumettre les modalités du régime
de retraite à
la négociation collective?

Les pouvoirs de l’arbitre de griefs eu égard aux régimes
de retraite sont appelés à croître. L’exclusivité
de la compétence de l’arbitre de griefs semble devenir de plus
en plus la règle, ce qui implique que le grief est le seul recours approprié,
tant pour l’employeur(grief patronal)que pour les participants syndiqués
qui devront recourir à leur syndicat.

La Cour d’appel ne s’est toutefois pas penchée sur les conséquences
d’une telle tendance, notamment
en ce qui a trait aux régimes de retraite qui regroupent des participants
tant syndiqués que non syndiqués, aux risques de décisions
contradictoires de tribunaux différents dans un tel cas, aux complexités
inhérentes à la gestion et l’interprétation de régimes
de retraite, aux diverses possibilités de recours collectifs qui relèvent
exclusivement de la Cour supérieure, et aux moyens à la disposition
des retraités pour faire valoir leurs droits lorsqu’ils ont été
autrefois syndiqués. Ces questions feront sûrement l’objet
de litiges futurs. C’est à suivre!

Cour d’appel, Montréal