La gouvernance des régimes de retraite demeure depuis plusieurs années à l’avant-plan de l’actualité. Par gouvernance, on entend l’ensemble de la structure et des processus établis pour administrer et superviser les régimes de retraite de manière à assurer, entre autres, le respect des obligations fiduciaires.
Reconnaissant la nécessité d’améliorer le fonctionnement et la gouvernance des régimes complémentaires de retraite, l’Assemblée nationale du Québec a introduit des mesures de gouvernance dans la Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, notamment en matière de financement et d’administration, mieux connue sous l’appellation «projet de loi30», laquelle a été sanctionnée le 13décembre dernier. Le législateur québécois est ainsi devenu le premier à légiférer sur la gouvernance au Canada. Ces nouvelles balises visent à inciter les comités de retraite à disposer de pratiques plus rigoureuses, ce qui facilitera le respect de leurs obligations fiduciaires, dont les devoirs de prudence et de diligence. L’obligation pour chaque comité de retraite de se doter d’un règlement intérieur au plus tard le 13décembre 2007 constitue la principale mesure à mettre en œuvre sur le plan de la gouvernance.
Cette nouvelle exigence législative vient s’ajouter aux lignes directrices développées par l’Association canadienne des organismes de contrôle des régimes de retraite(l’«ACOR»)en 2004. Ces lignes directrices, bien qu’étant des règles de conduite facultatives, représentaient et représentent toujours les attentes des organismes de surveillance envers les comités de retraite au chapitre de la gouvernance. Elles constituent ainsi un guide dont les comités de retraite devraient s’inspirer pour élaborer leur règlement intérieur.
L’échéance législative du 13décembre 2007 pour la rédaction du règlement intérieur est l’occasion pour tout comité de retraite de faire le point sur ses pratiques de gouvernance et de revoir l’ensemble de la structure et des processus établis pour administrer et superviser le régime de retraite dont l’administration lui est confiée. Les comités de retraite devraient d’ailleurs profiter de leur obligation d’établir un règlement intérieur pour faire un exercice menant à l’adoption d’un programme de gouvernance complet, portant sur l’ensemble des sujets traités dans les lignes directrices de l’ACOR, plutôt que de se limiter aux exigences imposées par la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (la «Loi RCR»), telle qu’elle est modifiée par le projet de loi30.
Le règlement intérieur énonce les règles de fonctionnement et la structure de gouvernance du comité de retraite. Par conséquent, si ce n’est déjà fait, il est maintenant temps pour les comités de retraite de recenser les pratiques administratives, d’identifier les lacunes dans l’administration, de décrire clairement les rôles et responsabilités des intervenants s’occupant de l’administration des régimes de retraite, et de les documenter. Les comités de retraite doivent également veiller à ce que des mécanismes de surveillance et de reddition de comptes soient en place et fonctionnent efficacement.
Plus particulièrement, le règlement intérieur doit aborder les dixsujets suivants, soit:
1. les fonctions et obligations respectives des membres du comité;
2. les règles de déontologie qui régissent ces personnes;
3. les règles à suivre pour désigner le président, le vice-président et le secrétaire;
4. la procédure applicable lors des réunions et la fréquence de celles-ci;
5. les mesures à prendre pour former les membres du comité;
6. les mesures à prendre pour gérer les risques;
7. les contrôles internes;
8. les livres et registres à tenir;
9. les règles à suivre pour choisir, rémunérer, surveiller et évaluer les délégataires, les représentants et les prestataires de services;
10. les normes concernant les services que rend le comité, entre autres celles relatives aux communications avec les participants et les bénéficiaires.
On constate que le règlement intérieur comprend des éléments de base que tous les comités de retraite avaient probablement déjà. Il ajoute cependant des éléments nouveaux, dont les mesures à prendre pour gérer les risques et l’établissement de contrôles internes. La liste qui précède n’est certes pas limitative, et la Régie des rentes du Québec encourage les comités de retraite à y ajouter d’autres sujets, s’ils le jugent à propos. À titre d’exemple, un règlement intérieur pourrait inclure des dispositions sur la collecte et l’utilisation de renseignements personnels, ou encore sur l’archivage des dossiers des participants.
Beaucoup de latitude est accordée aux comités de retraite dans le cadre de la rédaction de leur règlement intérieur puisque, de façon générale, la Loi RCR ne précise pas les règles applicables à chaque sujet énuméré ci-dessus, ni le niveau de détails devant paraître dans ce document.
La gestion de risques et l’établissement de contrôles internes sont les deux sujets du règlement intérieur qui demanderont certainement le plus de réflexion de la part des divers intervenants s’occupant de l’administration de régimes de retraite.
L’identification des risques devra être effectuée en collégialité par les différents intervenants s’occupant de l’administration de chaque régime de retraite afin que cet exercice soit complet et efficace. À chaque risque devrait correspondre une ou des mesures de gestion ou de prévention appropriées. Par risques, on entend les événements ou circonstances internes et externes pouvant influencer la capacité du régime à remplir ses obligations ou toucher le comité de retraite.
De manière générale, on peut regrouper les principaux risques associés à l’administration des régimes de retraite de la façon suivante:
1. risques associés aux placements;
2. risques associés aux obligations statutaires imposées à l’administrateur du régime;
3. risques associés à l’administration du régime, en général;
4. risques associés à l’information communiquée aux participants;
5. risques associés à la situation financière du régime;
6. risques associés au passif(notamment la démographie et le choix des hypothèses actuarielles);
7. risques associés à l’employeur et au contexte dans lequel il opère.
De leur côté, les mesures de contrôle interne permettront aux comités de retraite de se doter d’un processus et d’outils de suivi et de surveillance de l’administration du régime. Puisque l’administration des régimes est, le plus souvent, essentiellement déléguée ou confiée à l’employeur ou à des tiers, la surveillance constitue l’élément essentiel de l’activité d’un comité de retraite. Enfin, il faut voir dans les règles relatives au choix, à la surveillance et à l’évaluation des délégataires et des fournisseurs de services l’occasion de documenter adéquatement les relations entre ces intervenants et le comité de retraite.
Cette nouvelle exigence législative survient à un moment où la responsabilité personnelle des membres de comités de retraite devient une source de préoccupation de plus en plus grande pour ces derniers. Le règlement intérieur et les mesures de gouvernance qui y sont associées ne doivent pas être considérés comme une simple exigence législative, mais plutôt comme des mesures destinées à protéger les membres des comités de retraite. Si l’on analyse les réclamations reliées à l’administration des régimes de retraite, on constate qu’elles sont fondées sur un manquement aux devoirs fiduciaires(prudence, diligence, compétence, honnêteté et loyauté)ou sur le non-respect des lois applicables. Pour contrer de telles réclamations, les personnes qui en feront l’objet devront, entre autres, démontrer qu’elles ont fait preuve de la diligence requise dans les circonstances. Or, il y a fort à parier que les tribunaux appelés à se prononcer sur la responsabilité fiduciaire des membres de comités de retraite chercheront tout d’abord à déterminer si un règlement intérieur et des mesures de gouvernance adéquates ont été adoptés et, le cas échéant, s’ils ont été respectés. Cette approche s’applique tant aux régimes de retraite à prestations déterminées qu’aux régimes de retraite à cotisations déterminées, mais elle est d’autant plus pertinente pour les régimes de retraite à cotisations déterminées, car dans le cas de ces derniers, ce sont les participants qui doivent composer personnellement avec les aléas liés à leur régime.
L’exigence relative à l’adoption d’un règlement intérieur avant le 13décembre 2007 doit donc être envisagée de façon positive. Nous croyons que cet exercice profitera non seulement aux participants et bénéficiaires mais également à l’ensemble des intervenants s’occupant de l’administration d’un régime de retraite. Une approche multidisciplinaire devrait être adoptée dans le cadre de l’élaboration du règlement intérieur; cependant, puisqu’il s’agit en définitive de la responsabilité personnelle des membres de comités de retraite, une attention particulière devrait être apportée aux aspects juridiques du processus. De plus, comme cet exercice comporte un certain degré de complexité, les comités de retraite auraient avantage à consulter des professionnels ayant une expertise particulière en la matière.