À l’ère des technologies de l’information, le sujet du respect de la vie privée n’a jamais été autant d’actualité. Il est de la nature même du contrat de travail qu’il y ait une position d’inégalité entre les parties. En effet, en se portant partie à un contrat de travail, le salarié accepte qu’une distance naturelle se crée entre lui et son employeur. C’est ce que l’on appelle le lien de subordination. C’est en raison de ce lien que l’employé a l’obligation d’effectuer sa prestation de travail sous la direction et le contrôle de l’employeur.

L’employeur est donc en droit de contrôler et surveiller la gestion de son entreprise au nom de son droit de gérance. Ceci dit, encore ­faut-il que ce droit soit exercé dans le respect des droits fondamentaux des salariés, notamment celui à la vie privée consacré dans la ­Charte des droits de la personne.

Il faut également comprendre que dans le cadre de l’exécution de leurs fonctions, les employés ont bel et bien une expectative de vie privée, mais que ­celle-ci est plus limitée qu’ailleurs. En d’autres mots, l’employé jouit effectivement de la protection de son droit à la vie privée dans le cadre de l’exécution de ses fonctions, mais cette expectative en milieu professionnel diffère de celle à laquelle il peut s’attendre dans son domicile.

En vertu de son droit de gérance, l’employeur est en droit d’exiger que le matériel qu’il met à la disposition des employés soit utilisé pour les fins de leur prestation de travail uniquement. En effet, considérant que la plupart du temps, les employés utilisent un ordinateur, un courriel, voire un téléphone appartenant à l’entreprise, cela va de soi que l’employeur a un droit de regard sur l’utilisation qu’on fait de ses biens. Nous verrons, cependant, que ce droit n’est pas absolu et qu’il a été bien balisé par les tribunaux.

Le ­Code civil du ­Québec prévoit que l’employé a un devoir de loyauté envers son employeur. D’ailleurs, c’est généralement parce qu’il a un doute sur ladite loyauté qu’un employeur sera tenté d’investiguer davantage sur les faits et gestes du présumé fautif. L’employeur risque d’utiliser les outils disponibles mis à sa disposition, notamment les biens de l’entreprise qu’utilise l’employé, pour effectuer cette surveillance.

Ceci dit, l’employeur ­a-t-il le droit de surveiller un employé à son insu ? ­La réponse est « oui », mais seulement s’il y a des motifs sérieux de le faire. En d’autres mots, on ne peut pas systématiquement surveiller l’ordinateur des employés pour assouvir une quelconque forme de curiosité, par exemple. Il faut des motifs de se méfier d’un employé en particulier. On peut penser notamment à une baisse flagrante et marquée de la productivité, des objectifs non atteints sans raison apparente ou encore des heures supplémentaires
non justifiées.

Un élément important sera de vérifier les politiques sur l’utilisation des biens de l’entreprise et des ressources technologiques en milieu de travail. ­Celles-ci comprendront généralement des clauses indiquant que l’employé n’a pas d’expectative de vie privée dans le cadre de ses fonctions. A contrario, l’absence d’une telle politique a été considérée comme un facteur qui réduit la sanction disciplinaire pouvant être imposée par l’employeur.

En d’autres mots, si une politique claire est mise en place, que ­celle-ci est connue des employés et qu’elle leur a été expliquée, l’employeur n’aura pas besoin d’aviser l’employé de son intention de procéder à la cybersurveillance puisque l’employé savait d’emblée ce qui lui était interdit.

Ceci dit, encore ­faut-il que les motifs soient raisonnables.

À ce sujet, il faut noter qu’une certaine tolérance est généralement de mise de la part d’un employeur. Un usage raisonnable d’internet ou des réseaux sociaux ne devrait pas occasionner une sanction disciplinaire grave puisqu’on ne saurait qualifier un tel usage de vol de temps. La situation pourrait être différente si un employé passait de nombreuses heures de travail à consulter un site web pour des besoins personnels,
par exemple.

Un employeur a donc tout avantage à instaurer des politiques au sein de son entreprise afin de limiter les abus. ­Celles-ci lui permettront également de sévir au besoin ainsi qu’exercer son droit de gérance et sa supervision dans les limites imposées par la loi afin de respecter l’expectative de vie privée minimale à laquelle est en droit de s’attendre le salarié.

Me ­Maxime ­Alepin et ­Me ­Dominique ­Bougie sont avocats au cabinet ­Alepin ­Gauthier ­Avocats ­Inc.

Cette chronique contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat qui tiendra compte des particularités de votre situation.