En raison de la bonification du Régime de rentes du Québec (RRQ), plusieurs promoteurs pourraient être tentés de réduire les prestations versées par leur régime de retraite. Ils devraient toutefois privilégier le statu quo, croit l’actuaire Marc-Antoine Vaillant.

Lors du Séminaire FTQ 2018 sur la retraite et les assurances, il a affirmé que la bonification du RRQ ne justifiait pas des réductions supplémentaires des bénéfices dans les régimes complémentaires, déjà amputés au cours des dernières années.

Dans les secteurs municipal et universitaire par exemple, les récentes modifications législatives ont eu un impact majeur. « Dans bien des régimes, la bonification du RRQ ne vient pas compenser toutes les pertes subies par les participants », affirme-t-il.

Il tient d’ailleurs à préciser que le projet de loi 3 (secteur municipal) et le projet de loi 75 (secteur universitaire) touchent à la fois le service passé et le service futur, alors que la bonification du RRQ ne concerne que le service futur.

Dans le secteur privé, de nombreux régimes sont moins généreux qu’auparavant, ce qui fait en sorte que le RRQ bonifié ne mènera pas forcément à un revenu de remplacement plus élevé qu’autrefois pour les retraités, ajoute-t-il.

Marc-Antoine Vaillant, qui est associé à la firme Les Services actuariels SAI, rappelle également qu’à partir de 2011, la pénalité qui s’applique aux bénéficiaires qui demandent le versement de leur rente avant 65 ans a été augmentée progressivement. Or, peu de syndicats ont à l’époque demandé des bonifications aux régimes complémentaires.

« Pourquoi alors, suite à une bonification du RRQ, faudrait-il nécessairement que les droits aux régimes complémentaires soient diminués? Ce serait du deux poids deux mesures », soutient-il.

Et même dans les régimes où la bonification du RRQ donnerait lieu à une hausse nette du revenu des retraités, l’amélioration de leur qualité de vie devrait primer sur la baisse des coûts, poursuit M. Vaillant. « Même en considérant la bonification du RRQ, certains régimes complémentaires n’assurent pas un taux de remplacement du revenu de 70 %, qui est généralement l’objectif visé. »

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Arrimer les régimes

Les promoteurs qui tiennent absolument à modifier leur régime devraient à tout le moins s’assurer d’arrimer dans le temps les diminutions des prestations ou des cotisations avec les bonifications et les hausses de cotisation progressives du RRQ. La fin de cette période de transition est prévue pour 2025, note Marc-Antoine Vaillant.

À terme, la formule pour calculer la nouvelle rente d’un régime complémentaire pourrait représenter 2 % multiplié par le salaire, auquel on soustrairait le crédit de rente du RRQ. Celui-ci, qui se situe actuellement à 0,7 % multiplié par le salaire (25 % / 35 ans), serait alors modifié pour prendre en considération le nouveau taux de remplacement du revenu assuré par le RRQ, soit 33 %. Le nouvelle réduction du crédit serait alors de 0,9 % (33 % / 35 ans) multiplié par le salaire, limité au Maximum supplémentaire des gains admissibles (MSGA).

Si elle est bien appliquée, une telle formule permet de conserver le même taux de remplacement du revenu en réduisant les prestations du régime complémentaire de façon à compenser la bonification du RRQ.

Comme le RRQ et les régimes complémentaires ne fonctionnent pas de la même manière, il est tout de même possible que malgré un taux de remplacement du revenu combiné identique à ce qu’il était auparavant, l’impact sur les cotisations combinées du RRQ et du régime complémentaires ne soit pas nul. Une baisse nette pourrait par exemple s’expliquer par l’efficience supérieure du RRQ, alors qu’une hausse nette pourrait être attribuable à la prestation de décès versée par le RRQ et au fait que les rentes y sont indexées.

« Il faut faire attention quand on analyse les coûts. Il importe de comparer les hausses de cotisation au RRQ aux baisse de cotisation au régime complémentaire pour déterminer la hausse ou la baisse nette, et ainsi mesurer les économies réalisées », ajoute Marc-Antoine Vaillant.

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