La publication du rapport de la commission nationale sur la participation marché du travail des travailleuses et travailleurs de 55 et plus a suscité plusieurs réactions, mais on remarque néanmoins un certain consensus : il faut encourager les travailleurs expérimentés à demeurer sur le marché du travail, mais pas à n’importe quel prix.

Pour la Fédération des chambres de commerce du Québec, le document expose avec clarté les enjeux associés aux changements démographiques que va bientôt connaître le Québec. « Les pistes d’action avancées sur la gestion des ressources humaines et sur la nécessité de cesser de subventionner la retraite hâtive sont, dans l’ensemble, fort pertinentes », mentionne Françoise Bertrand, présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ). Par contre, elle soutient que la suggestion d’obliger, à moyen terme, les employeurs à cotiser à un régime de retraite représenterait un fardeau inacceptable pour les entreprises du Québec.

La FCCQ ne partage cependant pas le point de vue de la Commission à l’effet de porter graduellement de 1 % à 2 % de la masse salariale l’investissement des entreprises dans la formation de la main-d’œuvre. « Plusieurs entreprises investissent déjà davantage en formation, et l’imposer à toutes les entreprises, dans le contexte de précarité actuelle, risquerait de leur poser un important préjudice », a expliqué Mme Bertrand.

Par ailleurs, la FCCQ salue les propositions de la Commission visant à transformer les mesures des régimes de retraite qui incitent à la retraite hâtive en dispositions qui bonifieraient les rentes futures pour ceux et celles qui acceptent de retarder leur départ à la retraite. « Nous sommes surpris de constater que certains régimes de retraite sont à ce point généreux, surtout dans les municipalités et certaines universités, que les retraités ont un revenu net plus élevé à la retraite que lorsqu’ils étaient au travail (un revenu net de 112 % et même au-delà) », a déclaré Mme Bertrand. « Selon nous, il faut examiner dans les prochains mois le problème du déficit des nombreux régimes de retraite en lien avec les bénéfices offerts aux retraités. »

Comme d’autres experts avant elle, la Commission constate que les Québécois n’épargnent pas suffisamment en prévision de la retraite et qu’en conséquence, une forte proportion d’entre eux risque fort de subir une importante diminution de leur niveau de vie à la retraite. « La solution à ce problème ne réside pas dans la mise en place de régimes de retraite obligatoire dans les entreprises, compte tenu de la pression qu’une telle décision exercerait sur la masse salariale », a ajouté Mme Bertrand. « Quand on taxe l’emploi, on fait disparaître l’emploi. »

Le CPQ émet certaines craintes
Le Conseil du patronat du Québec abonde dans le même sens et s’inquiète pour sa part des coûts que pourrait engendrer pour les employeurs du Québec l’application de certaines des mesures proposées, notamment en matière de régimes de retraite et de formation. Le Conseil du patronat invite la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Mme Julie Boulet, à garder cette préoccupation à l’esprit dans la mise en œuvre des recommandations du rapport.

« Avec le vieillissement démographique et le choc causé par la hausse des départs à la retraite que connaîtra le Québec dès l’an prochain, il est impératif comme société d’offrir plus d’incitatifs à nos travailleurs d’expérience pour garder ceux qui le désirent sur le marché du travail et bénéficier ainsi de leur expertise, ainsi que d’encourager les travailleurs à épargner davantage en prévision de leur retraite. Cependant, il est également essentiel de tenir compte de la capacité de payer des employeurs dans la mise en œuvre de propositions pour affronter ce défi », a réagi le président du Conseil du patronat du Québec, M. Yves-Thomas Dorval.

Le Conseil du patronat se montre particulièrement préoccupé par la recommandation formulée par la Commission, qui obligerait les employeurs et les travailleurs à verser une cotisation minimale (appelée à augmenter graduellement) dans de nouveaux régimes d’épargne retraite pourtant considérés comme volontaires. « Nous avions salué le caractère volontaire de l’initiative et continuons de penser qu’il y a une limite à l’imposition de nouvelles obligations aux employeurs. Compte tenu des hausses à venir des taux de cotisation à la Régie des rentes du Québec, une nouvelle taxe sur la masse salariale ne ferait qu’alourdir le fardeau fiscal et financier des employeurs du Québec, qui paient déjà 30 % plus cher que leurs concurrents ontariens », a enchaîné M. Dorval.

Par ailleurs, bien que favorable à un plus grand investissement dans la formation de la main-d’œuvre, le Conseil du patronat reste perplexe quant à la proposition de la Commission visant à augmenter de 1 % à 2 % la part de la masse salariale des employeurs consacrée à la formation en comptabilisant à 200 % l’argent consacré aux travailleurs de 50 ans et plus. « Devant l’incertitude liée à la situation économique actuelle, une telle mesure pourrait avoir en effet un impact néfaste sur la compétitivité des entreprises et sur les investissements au Québec. Des outils incitatifs privilégiant la sensibilisation des employeurs à l’importance d’investir davantage dans la formation de leur capital humain seraient beaucoup plus indiqués », a-t-il ajouté.

Le Conseil du patronat trouve néanmoins intéressantes plusieurs autres pistes de solution proposées par la Commission, notamment en ce qui a trait à l’octroi de crédits d’impôt pour la formation continue, les incitatifs financiers pour favoriser la gestion prévisionnelle de la main-d’œuvre, la valorisation des travailleurs d’expérience, les mesures fiscales pour encourager le maintien en emploi, de même que l’intégration des immigrants sur le marché du travail et la croissance de la productivité des entreprises.

La CSQ souhaite une retraite décente
Enfin, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et l’Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec (AREQ-CSQ) accueillent favorablement plusieurs des pistes d’action proposées. « Il est temps, comme société, de discuter des enjeux concernant la participation volontaire des travailleurs âgés au marché du travail et la nécessité d’assurer une autonomie financière décente aux retraités », affirment le président de la CSQ, Réjean Parent, et le président de l’AREQ-CSQ, Pierre-Paul Côté.

La CSQ est d’avis, tout comme le groupe de travail, que ce sont les conditions de travail des travailleuses et travailleurs de 55 ans et plus qui leur sont défavorables et les incitent à une retraite hâtive. « Si nous voulons maintenir en emploi volontaire les travailleurs au-delà de l’âge de la retraite, nous plaidons depuis longtemps qu’il faut intervenir sur l’organisation du travail et sur la gestion des ressources humaines », renchérit Réjean Parent.

La Centrale est extrêmement soucieuse de la nécessité d’offrir un revenu décent aux travailleuses et aux travailleurs à la retraite. Faut-il rappeler que ce sont les deux tiers des travailleurs qui ne bénéficieront pas d’un revenu décent ? D’où la pertinence de la réflexion entamée par les membres de la Commission à ce sujet.

Par ailleurs, l’AREQ-CSQ rappelle que certains travailleurs expérimentés souhaitent continuer à travailler à un âge avancé, d’autres n’en sont plus capables ou préfèrent réaliser d’autres projets. « Nous accueillons favorablement toute mesure incitative visant à permettre aux personnes aînées qui le souhaitent de demeurer sur le marché du travail ou d’y retourner. Nous nous opposons cependant aux mesures coercitives ou encore à celles visant à décourager les travailleurs de prendre leur retraite », a souligné le président de l’AREQ-CSQ, Pierre-Paul Côté.