Une véritable bible d’information!
Jean-Paul Albert est une figure bien connue du domaine financier de la gestion des ressources humaines dans le monde universitaire québécois. Il a récemment publié le Guide sur les régimes de retraite et les avantages sociaux au Québec, une véritable biblepour les administrateurs de ces domaines. Nous lui avons récemment posé quelques questions sur la situation des avantages sociaux au Québec.

  1. AVANTAGES À la lueur des nombreuses conversions de régimes, croyez-vous, qu’à long terme, seuls les régimes gouvernementaux demeureront à prestations déterminées?

JPA – Pour un participant, la promesse de rente d’un régime à prestations déterminées est plus avantageuse, à long terme, que l’accumulation d’un capital dans un régime à cotisation déterminée. C’est pourquoi ces régimes continueront d’être présents dans les milieux fortement syndiqués, privés ou publics.

Le législateur devra cependant apporter sa contribution pour que les régimes à prestations déterminées demeurent viables: les limites fiscales à l’accumulation d’excédents d’actif devront être haussées et les congés de cotisation devront être mieux encadrés, dans un souci d’équité intergénérationnelle. Aussi, les retraités devront être dotés de moyens plus efficaces pour que leurs intérêts dans leur patrimoine de retraite soient mieux protégés.

  1. AVANTAGES – Les régimes de retraite sont-ils suffisamment financés?

JPA – Le financement des régimes est souvent occultée. On devrait plutôt assurer un caractère plus équitable au financement. L’absence d’indexation suffisante des rentes, tant avant qu’après la retraite, est un moyen d’interfinancement qui dépouille certains du maintien du pouvoir d’achat de leur rente au profit d’autres. Plusieurs régimes permettent la retraite anticipée sans réduction actuarielle pour l’anticipation. Il s’agit d’un avantage de grande valeur qui, s’il était supprimé ou atténué, permettrait de financer une meilleure indexation des rentes.

Le risque d’insuffisance de fonds dans un régime de retraite existe, même s’il est faible. Les organismes de réglementation doivent donc assurer un suivi serré des régimes dont la solvabilité chancelle. En même temps, les promoteurs doivent rester prudents avant d’ajouter une charge nouvelle et durable à un régime de retraite. Les syndicats doivent, quant à eux, montrer de la retenue. Rien n’est gratuit et les avantages d’un régime de retraite doivent toujours être financés d’une manière ou d’une autre.

  1. AVANTAGES – Les régimes d’assurance collective sont-ils trop généreux?

JPA – Certains régimes couvrent des situations tellement prévisibles que leur occurrence est quasi certaine; un porteur de lunettes voudra les renouveler à mesure que son handicap évoluera par exemple. Ces régimes sont trop généreux.

Des régimes d’assurance-vie rendent possible une couverture de plusieurs fois le salaire, même pour un employé d’un âge avancé qui n’a pas de personnes à charge. En cas de sinistre, cette générosité entraînera un enrichissement soudain financé par le régime. Trop d’employés sont encore exposés à des risques dont l’occurrence peut mettre en péril leur situation financière.

Par ailleurs, les risques couverts par les régimes d’assurance collective existent, que les employés et leur famille soient assurés ou non. Malheureusement, trop d’employeurs n’offrent encore aucune assurance collective à leurs employés.

Il faut distinguer la mise en commun des risques et la part du financement des risques assumée par l’employeur, comme partie de la rémunération globale. Dans une société pluraliste, l’équité devrait cependant conduire à la prise en charge du financement de la protection des familles par l’employé qui en a la charge.

  1. AVANTAGES – Les règles en vigueur au Québec favorisent-elles l’offre de bons avantages sociaux?

Dans le cas des régimes de retraite, les règles en vigueur devraient permettre des excédents d’actifs plus importants, afin d’atténuer la variabilité de la cotisation d’exercice. Elles devraient aussi permettre aux participants retraités de jouer un rôle plus grand dans la gestion de leur patrimoine de retraite.

Dans le cas des régimes d’assurance collective, les règles en vigueur au Québec sont neutres : elles traitent les régimes d’assurance collective comme un élément de la rémunération globale.

  1. AVANTAGES – De quelle manière les avantages sociaux évolueront dans les prochaines années selon vous?

JPA – La frontière entre les périodes d’accumulation du capital et la période d’utilisation de ce capital cessera d’être un point de non-retour. Avant longtemps, les gens seront en partie au travail et en partie à la retraite. Pour plusieurs, la transition sera plus progressive. Les personnes invalides qui peuvent travailler seront en partie des employés actifs, en partie des prestataires.

La tendance à l’impartition de l’administration des régimes d’assurance collective et des régimes de retraite prendra de l’ampleur. La complexité des règles, l’investissement dans les moyens technologiques et leur volonté de se concentrer sur leur mission principale conduiront plus d’employeurs à recourir à des firmes spécialisées.

Enfin, la reconnaissance des rapports personnels entre adultes pourraient évoluer au-delà de la conjugalité. Des personnes de l’entourage d’un employé pourraient toucher des prestations sans avoir avec cet employé des liens de conjugalité ou de dépendance parentale; la tarification et le financement seraient alors ajustés en conséquence.