L’abandon graduel des régimes à prestations déterminées (PD), au cours des dernières années, en faveur des régimes à cotisations déterminées (CD) a caractérisé le secteur canadien des régimes de retraite. Plusieurs raisons expliquent cette tendance, dont le fait que les régimes CD comportent, pour les répondants, un moins grand fardeau financier ainsi que des coûts administratifs moins élevés que les régimes PD.

Les régimes CD ne sont pas sans risques, cependant. Notons par exemple la difficulté de former adéquatement les participants et de contrer leur apathie à l’égard de leurs placements et, peut-être le plus important, les inquiétudes quant à la capacité des régimes CD à offrir un revenu de retraite suffisant. Les répondants de régimes de retraite aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Canada cherchent à doter leurs régimes CD de différents types de dispositifs automatiques pour essayer de répondre à certaines de ces préoccupations.

Préoccupations concernant les régimes CD
Nombre de participants à un régime CD constatent que le rendement des placements est trop faible pour leur permettre d’accumuler suffisamment de fonds en vue de la retraite. De plus, l’imputation de frais de gestion et d’administration élevés au compte des participants peut aggraver le problème. Bien que les frais élevés aient mené à un nombre croissant de poursuites pour violation d’obligation fiduciaire aux États-Unis, il reste à savoir si on intentera de tels procès au Canada. En plus des rendements bas et, dans certains cas, des frais élevés, l’insuffisance de l’épargne-retraite dans les régimes CD est également attribuable aux faibles taux de cotisation, notamment dans les régimes où les cotisations de contrepartie versées par l’employeur sont fonction du pourcentage de cotisation choisi par le participant au régime.

Les répondants de régimes CD sont préoccupés par la capacité de leur régime à offrir un revenu de retraite adéquat. Dans le cadre du cinquième sondage annuel de Watson Wyatt sur le risque inhérent aux régimes de retraite, mené en collaboration avec Le Conference Board du Canada, on a demandé aux chefs des finances et aux cadres dirigeants responsables de ressources humaines un certain nombre de questions sur les enjeux et préoccupations à l’égard de leur régime CD. Cinquante‑huit pourcent des répondants ont indiqué que l’incapacité des régimes CD à offrir une épargne-retraite suffisante en raison de rendements trop faibles est la principale menace à leur viabilité. De surcroît, l’éventuelle responsabilité de l’employeur en cas de mauvais rendements des placements est une source de préoccupation majeure pour 54% des répondants.

L’inquiétude des répondants s’explique peut-être par la conception de leur régime. Cinquante‑huit pourcent des 171répondants au sondage sur le risque inhérent aux régimes de retraite disposent d’une forme quelconque de régime CD. Le taux moyen de cotisations de l’employeur pour la majorité de ces régimes CD s’établit à moins de 6%. De ceux qui ne permettent pas aux participants de verser des cotisations facultatives, près de 80% n’ont pas de taux de remplacement du revenu cible, et seulement 4% des répondants ont indiqué que les rentes prévues de leur régime CD pourraient remplacer plus de la moitié du revenu d’avant la retraite des participants. La situation est un peu meilleure pour ceux qui permettent aux participants au régime CD de verser les cotisations facultatives qui donnent lieu à une cotisation maximale de l’employeur. Par ailleurs, seulement 15% de ces répondants prédisent un taux de remplacement supérieur à 50%.

Malgré les préoccupations des répondants de régimes, leurs efforts sont gênés par le manque d’intérêt apparent des participants pour leur propre régime de retraite. Dans le sondage 2008 sur le risque inhérent aux régimes de retraite, 45% des répondants ont affirmé que le manque d’intérêt des participants à l’égard de leurs instruments de retraite menace sérieusement la viabilité des régimes CD. Dans d’autres pays, l’adhésion automatique a été utilisée pour aider à compenser le manque d’intérêt des participants et peut faire partie d’une stratégie de conception d’un régime CD visant à accroître le revenu de retraite.

Pourquoi l’adhésion automatique?
L’adhésion automatique (à ne pas confondre avec l’adhésion en ligne) intéresse de plus en plus les répondants de régimes CD du Canada. Ce terme fait référence à la pratique qui consiste à inscrire tous les employés admissibles à un régime et à commencer à percevoir les retenues salariales ou les cotisations sans que les employés n’aient à le demander ou à présenter un formulaire d’adhésion. Toutefois, bien que cette pratique soit possible aux États-Unis et au Royaume-Uni, la mise en application d’un système d’adhésion automatique pour les régimes CD au Canada pourrait se heurter à des obstacles législatifs.

Traditionnellement, les employeurs qui parrainent des régimes d’épargne-retraite doivent transmettre aux nouveaux employés une trousse d’adhésion au régime CD qui renferme des formulaires et présente des options en matière de placement. Dans le cas de la plupart des régimes de retraite au Canada, la participation est obligatoire. Dans le domaine des régimes CD, cela signifie que les employés doivent «choisir de participer» au régime CD en remplissant tous les documents requis et en prenant des décisions de placement. La situation est différente aux États‑Unis, où l’adhésion aux régimes 401(k) est en grande partie facultative.

À la différence du processus d’adhésion où l’employé doit «choisir de participer», l’adhésion automatique donne lieu à l’inscription automatique au régime CD facultatif du répondant de tous les nouveaux employés et même des employés de plus longue date qui ne sont pas encore inscrits à ce régime, et leurs cotisations sont investies automatiquement dans un fonds de placement par défaut. Plutôt que d’avoir à «choisir de participer», les employés inscrits automatiquement peuvent «choisir de ne pas participer» s’ils le désirent. Bien que subtil, le passage à l’adhésion automatique peut être très utile pour accroître la participation à un régime et compenser quelques-unes des conséquences du manque d’intérêt des participants à l’égard de leur régime CD.
Bien qu’il ne permette peut-être pas en soi d’augmenter le niveau d’engagement des participants envers leur régime CD, l’adhésion automatique s’est répandue rapidement aux États-Unis et au Royaume-Uni. Des études effectuées aux États‑Unis révèlent que le taux de participation a augmenté de façon spectaculaire après la mise en place du système d’adhésion automatique, particulièrement chez les travailleurs à faible salaire et les femmes.

La situation aux États-Unis
À la fin de 2007, le Internal Revenue Service (IRS) a fait adopter un règlement visant les modalités à l’égard des cotisations automatiques qui a éliminé plusieurs des barrières juridiques et législatives à l’adhésion automatique. Ce règlement impose des restrictions aux mesures de non-participation et aux types de placements admissibles relativement aux qualified automatic contributions arrangements (QACA, soit des modalités relatives aux cotisations automatiques admissibles). Pour l’essentiel, un régime peut être considéré comme un QACA s’il offre un barème des taux de cotisations automatiques débutant à 3% de la rémunération, au minimum.

Un sondage réalisé par Watson Wyatt en 2006 auprès de répondants de régimes aux États-Unis révèle qu’un tiers des organisations participantes avaient mis en application un système d’adhésion automatique à l’intention de tous les employés ou des nouveaux employés seulement. Un taux élevé de roulement, la responsabilité légale à l’égard du rendement des placements par défaut et le coût élevé des cotisations de contrepartie sont parmi les raisons mentionnées par ceux qui n’ont pas mis en application l’adhésion automatique. Les entreprises dont les régimes de retraite CD sont plus importants sont plus susceptibles d’avoir mis en application l’adhésion automatique. Aucune différence n’a été constatée en fonction du nombre d’employés.

La situation au Royaume-Uni
À l’instar des États-Unis, le Royaume-Uni autorise l’adhésion automatique à l’heure actuelle et prend des mesures pour qu’elle devienne une exigence législative fondamentale. En décembre 2007, le gouvernement a proposé le projet de loi sur les pensions (Pensions Bill), qui imposerait l’adhésion automatique à tous les régimes CD. Le projet de loi est actuellement à l’étude au Parlement et exigerait, s’il était adopté, l’adhésion automatique de tous les nouveaux employés à un régime de retraite admissible établi par l’employeur. Si l’employeur n’a pas établi son propre régime de retraite, les travailleurs seraient automatiquement inscrits à un «régime personnel», un instrument d’épargne-retraite destiné aux travailleurs à revenu faible ou modeste administré par le gouvernement. Le projet de loi prévoit un droit de non-participation qui permettrait aux employés qui le désirent de mettre fin à leur participation. Certains employeurs seraient exemptés de cette exigence, y compris ceux qui offrent déjà un régime PD ou CD qui satisfait à des exigences minimales.
Adhésion automatique: Bientôt au Canada?

La situation du Canada en matière d’adhésion automatique est différente de celle des États-Unis et du Royaume-Uni. À la différence des États-Unis, les normes de l’emploi et de la retraite sont sous réglementation provinciale, ce qui donne lieu à des dispositions législatives et réglementaires distinctes dans chaque province. La législation en matière de normes d’emploi qui, dans la plupart des provinces, interdit toute retenue salariale sans le consentement écrit de l’employé, complique encore les choses. Le prélèvement automatique de cotisations de retraite sans le consentement écrit de l’employé pourrait dépendre du libellé des lois provinciales.

Certains employeurs ont constaté qu’ils peuvent obtenir une adhésion automatique partielle en obtenant le consentement à participer au régime de retraite et aux retenues salariales dans le contrat de travail de leurs employés. Toutefois, cette méthode ne permet l’adhésion au régime que des nouveaux employés au moment de leur embauche, et n’aide pas à inscrire les personnes déjà en poste qui n’ont pas profité du régime au moment de leur embauche. Il sera nécessaire d’apporter des modifications aux lois en matière d’emploi de la plupart des provinces afin qu’il soit possible de mettre en application un système d’adhésion automatique partout au Canada. La réalisation de ces changements par les gouvernements dépendra vraisemblablement des pressions exercées par les répondants de régimes et d’autres intervenants.