Dans un document rendu public L’indépendance des conseils : un enjeu de légitimité, l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) propose que toute organisation dotée d’un conseil d’administration cherche à constituer un conseil qui soit à la fois légitime et crédible.

L’enjeu n’est pas tellement l’indépendance des conseils, mais bien leur légitimité et leur crédibilité. La qualité d’indépendance ne prend son sens que si elle contribue à rehausser la légitimité d’un conseil. C’est par sa légitimité qu’un conseil acquiert le droit et l’autorité de s’imposer à la direction d’une organisation.

Les conseils d’organisations publiques ou privées, sans actionnaire ou sans actionnaire actif détenant plus de 10 % du capital-actions ordinaire, devraient être composés d’une majorité nette d’administrateurs indépendants. De plus, tous leurs comités statutaires devraient être composés exclusivement de membres indépendants.

Toutefois, pour les entreprises cotées en bourse comptant des actionnaires significatifs, la légitimité des membres du conseil provient de deux sources distinctes :

1. L’indépendance des membres vis-à-vis de la direction et des actionnaires significatifs;

2. L’engagement financier et professionnel de l’actionnaire.

Dans ces entreprises, ces deux formes de légitimité doivent être représentées au conseil et aux comités statutaires du conseil.

L’enjeu est important au Québec et au Canada. En effet, la majorité (133) des 253 firmes composant l’indice S&P/TSX, soit les plus grandes entreprises cotées en bourse canadienne, ont au moins un actionnaire détenant plus de 10% des votes. Pour près du tiers de l’ensemble des grandes entreprises canadiennes, au moins un membre du conseil d’administration est un actionnaire significatif ou un de ses représentants.

Or, en vertu des règles et directives actuelles, la majorité des membres du conseil et la totalité des membres des comités statutaires devraient être indépendants non seulement de la direction mais aussi des actionnaires importants. Or, au Québec comme ailleurs au Canada, plusieurs grandes entreprises comptent un ou plusieurs actionnaires significatifs : Alimentation Couche-Tard, Bombardier, CGI, Power Corp., Groupe Jean Coutu, Groupe Transcontinental…

L’engagement économique de ces actionnaires, le temps et l’énergie qu’ils ont consacrés à l’entreprise leur confèrent légitimité et crédibilité.

Dans le document de 22 pages, l’Institut propose une série de recommandations :

– Toute organisation dotée d’un conseil d’administration doit chercher à constituer un conseil à la fois légitime et crédible; ce n’est qu’ainsi que les conseils pourront assumer le rôle de gouvernance que l’on attend d’eux.

– La légitimité des conseils sera renforcée par un processus de sélection, de mise en nomination et d’élection garantissant que les administrateurs n’ont pas d’autres intérêts que ceux des partiesprenantes, en particulier ceux des actionnaires dans le cas des entreprises cotées en bourse.

– Dans le cas des organisations publiques ou privées ne comptant aucun actionnaire ou aucun actionnaire significatif, les conseils doivent être composés d’une majorité de personnes indépendantes; tous les membres des comités statutaires doivent être entièrement indépendants de la direction de l’entreprise;

– Le conseil doit analyser les relations professionnelles et personnelles entre les administrateurs, d’une part, et l’entreprise, sa direction et ses actionnaires importants, d’autre part. Le conseil et son comité de gouvernance doivent faire cette démarche sérieusement afin d’octroyer le statut d’indépendant uniquement aux administrateurs libres de toute contrainte dans leurs analyses et leurs décisions.

– Le conseil et son comité de gouvernance doivent être sensibles au caractère circonstanciel de l’indépendance, qui pourrait faire en sorte qu’un administrateur indépendant par définition ne le soit pas entièrement dans certaines situations.

– Pour les entreprises cotées en bourse comptant des actionnaires importants (10 % et plus des actions ordinaires) jouant un rôle actif dans la gestion ou la gouvernance de l’entreprise, leurs conseils d’administration et leurs comités statutaires devraient compter une proportion de membres désignés par ces actionnaires qui soit équivalente à la part d’actions ordinaires détenues par ces actionnaires (leurs intérêts économiques).

– Dans le cas des entreprises où des actionnaires détiennent des droits de vote qui dépassent leurs intérêts économiques en raison d’une catégorie d’actions avec droit de vote supérieur, les recommandations présentées dans le document de politique no 1 de l’Institut demeurent hautement pertinentes.

– Les entreprises ayant un actionnaire important (détenant plus de 10 % des actions ordinaires) jouant un rôle actif dans la gestion ou la gouvernance de l’entreprise devraient former un comité permanent composé exclusivement d’administrateurs indépendants, chargé de revoir toutes les transactions entre parties apparentées, en particulier entre l’entreprise et cet actionnaire important. Comme c’est le cas pour les autres comités statutaires du conseil, ce comité ferait rapport annuellement aux actionnaires sur ces transactions, le cas échéant.

Ces recommandations donnent au concept d’indépendance un rôle précis dans la gouvernance des organisations; un rôle restreint, certes, mais essentiel. En effet, l’indépendance des membres assure aux conseils une forme de légitimité qui leur est nécessaire pour pouvoir s’acquitter pleinement de leurs responsabilités fiduciaires.