La Cour du banc de la Reine de l'Alberta a récemment décidé qu’elle n’annulerait pas la décision du surintendant des régimes de retraite dans le dossier Halliburton Group Canada Inc. c. Alberta, en vertu de laquelle un employeur ayant un régime de retraite à prestations déterminées (PD) fondé sur les gains moyens de fin de carrière ne peut pas geler les gains futurs qui s’appliquent à des années de service accumulées avant la transformation du régime.

Cette décision a un impact important pour tout répondant de régime qui planifie ou qui a récemment mis en œuvre un gel de son régime PD fondé sur les gains moyens de fin de carrière.

Les faits
À la suite d’une acquisition, Halliburton Group Canada Inc. a hérité de ce qui est devenu le Halliburton Group Canada Inc. Retirement Income Plan (le « régime ») en 1999. Le régime était un régime PD agréé en Alberta, bien qu’un volet à cotisations déterminées (CD) s’appliquant à un groupe restreint de participants y ait été rajouté par la suite. Les participants actifs au régime PD ont été avisés qu’à compter du 1er janvier 2002, ils devaient participer au volet CD du régime.

Ces modifications ont alors été autorisées par Alberta Finance et ont entraîné la transformation du régime PD en régime CD. En plus d'instituer l’accumulation de prestations au titre du volet CD, les modifications entraînaient le gel des gains en vertu des dispositions du régime PD à compter de la date de la transformation. Halliburton a administré le régime de cette façon depuis le dépôt des modifications, ce qui s'est traduit dans les rapports d’évaluation actuarielle et les certificats actuariels déposés depuis 2002.

Halliburton a aussi mis en place un régime excédentaire non agréé afin de traiter des différences possibles entre les prestations du volet PD préalables à la transformation et celles du volet CD postérieures à celle-ci au titre du régime. L’Equalizer Payment Plan (« régime compensatoire ») non capitalisé devait verser des sommes forfaitaires (une fois la retenue d’impôt appliquée) directement aux employés admissibles au moment de leur cessation d’emploi en reconnaissance de leurs nombreuses années de service. Les sommes forfaitaires payables à un employé sont déterminées en fonction d’une formule de calcul qui comprend des projections salariales et une estimation du montant des prestations déterminées gelées pour ce participant. La Cour a fait remarquer que le régime compensatoire n’est pas un régime de retraite agréé et que pour cette raison, il ne relève pas du surintendant. Par conséquent, la Cour ne semble pas tenir compte du régime compensatoire en vue de déterminer si Halliburton a réduit les prestations accumulées.

En mars 2005, Alberta Finance a rendu une décision sur un nouveau projet de modification du régime, déclarant que la modification serait refusée puisqu’elle était censée changer la définition de « gains maximaux moyens » à l'égard des rentes PD des participants au titre du régime de sorte qu’elle ne tiendrait pas compte de la rémunération touchée par un participant après que celui-ci ait commencé à accumuler des prestations au titre du volet CD du régime. Alberta Finance était d’avis que ce changement constituait une réduction rétroactive des prestations, ce qui est contraire à l’article 81 de l’Employment Pension Plans Act (EPPA) de l’Alberta.

Halliburton a par la suite déposé une autre version de sa modification sans le paragraphe en cause et celle-ci a été approuvée par Alberta Finance le 20 janvier 2007. Cependant, Alberta Finance a refusé d’autoriser l’une des dispositions de cette modification, qui était censée geler le plafond en dollars du volet PD du régime à 1 722 22 $ par année de service, bien que le régime ait auparavant autorisé la majoration de ce plafond au fil du temps comme le prévoit la Loi de l'impôt sur le revenu.

Après un examen, le surintendant a publié une directive initiale et une directive révisée concluant que deux éléments de la modification de 2005 enfreignaient les dispositions de l’EPPA, qui comporte une interdiction de réduire de façon rétroactive les prestations des participants.

En raison de ces directives, Halliburton était aussi tenue de déposer des certificats actuariels révisés en ce qui a trait aux évaluations de 2002, de 2005 et de 2006, de déposer une évaluation actuarielle révisée pour l’année 2006 et d’assurer le provisionnement du régime conformément à ces évaluations révisées. Halliburton s’est adressée à la Cour pour obtenir une ordonnance exigeant que le surintendant autorise les dispositions de la modification, puisqu’elles ne contrevenaient pas à l’EPPA. Halliburton a aussi prétendu qu’elle subirait des pertes si elle était forcée de se plier aux directives.

La décision
La Cour a conclu que la norme de contrôle judiciaire appropriée pour l’examen de la décision du surintendant devait être le caractère raisonnable plutôt que le bien-fondé. En l’absence de raisons écrites pour appuyer les directives, la Cour a examiné des lettres du surintendant en vue de juger du caractère raisonnable de sa décision.

Dans une lettre datée de novembre 2006, le surintendant a déclaré que, bien qu’il ait convenu avec Halliburton que les modifications visant à transformer le régime entraîneraient le gel de la durée de service accumulée au titre du volet PD du régime, il n’était pas d’accord avec le fait que les modifications puissent entraîner le gel du salaire qui est utilisé pour le calcul des prestations accumulées au sein du volet PD. Au contraire, le surintendant a déclaré que la formule du volet PD du régime « devait, en ce qui a trait au calcul des prestations, permettre que le montant de la rémunération utilisé dans la formule corresponde à la rémunération la plus élevée au cours de cinq années parmi leurs dernières années de travail ». Le surintendant a soutenu que le fait de ne pas inclure de tels gains dans le calcul de la rente définitive au titre du volet PD constituerait une révocation rétroactive des prestations.

La Cour a conclu que la décision du surintendant était raisonnable, et qu’il n’y avait donc pas lieu de s’y opposer.

Conséquences
Puisque la Cour a confirmé la décision du surintendant dans ce dossier, l’Alberta semble emboîter le pas au Québec en vue d’éviter qu’une modification ou une transformation de régime entraîne le gel des gains futurs en ce qui concerne les années de service déjà accumulées au titre d’un régime PD fondé sur les gains moyens de fin de carrière avant la prise d’effet de la modification ou de la transformation du régime. En utilisant la norme de contrôle judiciaire moins rigoureuse, soit « le caractère raisonnable », afin d’évaluer la décision du surintendant, la Cour a indiqué qu’elle accordera un égard considérable aux conclusions du surintendant sur les questions relatives aux rentes.

La décision de la Cour est par ailleurs importante pour tout régime PD fondé sur les gains moyens de fin de carrière qui compte des participants en Alberta et dont l’employeur prévoit geler le régime ou l’a fait récemment. Nous concluons que le surintendant demande que le régime continue de tenir compte de la croissance future des gains en ce qui concerne les années de service déjà accumulées, même si les prestations futures sont accumulées au titre d'un régime CD ou en fonction du salaire moyen de carrière de l’employé, ou si les prestations futures sont accumulées au titre d'un autre régime de l’employeur. De plus, une projection salariale est attendue si les prestations pour services passés sont transférées au volet CD. Cependant, aucune projection salariale n’est nécessaire si l’employeur met fin au régime, même si les participants continuent à travailler pour lui. Bien que les lois de la Colombie-Britannique sur cette question soient pratiquement identiques à celles de l’EPPA, l’organisme de contrôle de cette province estime qu’elles permettent une modification qui entraînerait le gel des gains pour services accumulés.

L’avocat d’Halliburton a interjeté appel de la décision de la Cour le 18 août 2009. Ainsi, il est possible que la décision de la Cour ne constitue pas la conclusion définitive dans ce dossier.

Source : Watson Wyatt