Une enquête menée récemment à l’échelle nationale indique que malgré leurs répercussions sur la vie quotidienne des personnes atteintes de dépression, les symptômes fonctionnels invalidants – la difficulté à se concentrer ou à prendre des décisions, le manque de motivation et la perte d’intérêt ou de plaisir pour presque toutes les activités – passent après les symptômes émotionnels dans les discussions entre les médecins et leurs patients.

« Avec leur médecin, la plupart des patients évoquent les sentiments de découragement ou de tristesse généralement associés à la dépression, mais ils ne mentionnent pas toujours les conséquences qu’ont les symptômes fonctionnels sur leur vie », selon le Dr Denis Audet, omnipraticien.

Selon les résultats de l’enquête, la grande majorité des médecins canadiens (96 %) perçoivent la dépression comme l’une des trois principales causes d’incapacité. La dépression est d’ailleurs la cause d’incapacité la plus souvent évoquée par les médecins. Malgré la sensibilisation des médecins à cet égard, seulement la moitié des patients (50 %) affirment avoir des discussions fréquentes sur l’incapacité fonctionnelle avec leur médecin.

Moins de quatre personnes sur dix estiment discuter souvent avec leur médecin de leur capacité de se charger de leurs responsabilités familiales (38 %), de leur capacité de fonctionner au travail (31 %) ou des conséquences de la dépression sur leurs relations interpersonnelles (28 %). Ces résultats sont étonnants puisque neuf patients sur dix se disent au moins un peu préoccupés par l’effet de la dépression sur la capacité fonctionnelle, et que 62 % des personnes interrogées affirment être très préoccupées à ce sujet.

La dépression en milieu de travail
Dans la plupart des cas, la dépression survient entre l’âge de 24 et 44 ans, soit au cours de la période d’activité professionnelle. De nombreux médecins ne semblent pas reconnaître que la dépression peut avoir de profondes répercussions sur le rendement au travail, si l’on en croit les résultats de l’enquête.

Lorsqu’elles présentent des symptômes de dépression, les personnes interrogées occupant un emploi déclarent consacrer deux heures de leur journée de travail à des activités qui ne sont pas liées au travail. De plus, 42 % d’entre elles quittent le travail plus tôt. Malgré tout, seulement 23 % des médecins déclarent avoir discuté de ce mécanisme d’adaptation avec des patients.

Chez les personnes interrogées occupant un emploi, 55 % craignent que la diminution de leur rendement soit perçue à tort comme un manque d’intérêt envers leurs fonctions, et 73 % d’entre elles croient que cela les rend vulnérables aux mises à pied dans le contexte économique actuel.

La majorité des Canadiens atteints de dépression interrogés (70 %) affirment que les symptômes de la maladie ont entraîné des bouleversements importants, à un moment ou à un autre, dans leur carrière professionnelle, tels que la démission (35 %), un congé d’invalidité de courte ou de longue durée (respectivement 33 % et 29 %) ou le congédiement (25 %).
Isabelle Moreau, déléguée commerciales chez Shepell.fgi, estime qu’il est malheureux que la dépression, une maladie qui se traite, ait une incidence sur les conditions de vie, par exemple par la perte de revenus. « Les employeurs doivent absolument trouver des solutions pour aider leurs employés à maîtriser leurs symptômes émotionnels, physiques et fonctionnels au travail », note-t-elle.

Les symptômes fonctionnels de la dépression dépassent le cadre de la vie professionnelle et se manifestent également sur les relations personnelles et les activités sociales. Pas moins de 80 % des Canadiens atteints de dépression affirment que leurs activités préférées leur apportent moins de plaisir et qu’ils se sentent seuls ou ne s’investissent pas dans les relations avec la famille et les amis (74 %).