
La volatilité des marchés n’est pas près de disparaître et les ratios de capitalisation demeurent bas. Quelles solutions les caisses de retraite peuvent-elles mettre en œuvre pour assurer la pérennité des régimes durant les périodes difficiles?
Après une embellie des marchés en 2009 et 2010, les rendements se sont dégradés en 2011. L’indice S&P/TSX a décliné de 11 % et la baisse des taux d’intérêt a fait grimper le passif au titre des retraites. D’après l’indice Mercer sur la santé financière des régimes de retraite, le régime de retraite type était capitalisé à 60 % à la fin de 2011, contre 73 % un an plus tôt. Bien que cet indicateur se soit légèrement redressé (à 63 % à la fin du premier trimestre de 2012), les caisses de retraite, qui doivent faire face à des engagements croissants, ne comptent pas sur l’économie pour que les choses s’améliorent.
« La décennie a été marquée par l’incertitude, souligne Paul Forestell, associé principal chez Mercer. Les caisses de retraite finissent par se rendre compte que cette incertitude n’est pas près de disparaître et que le mieux à faire est d’essayer de la gérer le mieux possible. »
La façon de le faire dépend de plusieurs facteurs. En 2011 toutefois, selon M. Forestell et d’autres spécialistes du secteur, la majorité des caisses de retraite ont envisagé ou mis en œuvre des modifications touchant la conception et la gouvernance des régimes, en plus d’apporter des ajustements à leur façon de communiquer avec les participants et aux renseignements qu’elles leur transmettent.
Gestion du risque axée sur la conception des régimes
Selon Ian Markham, chef canadien de l’innovation en matière de retraite chez Towers Watson, la plupart des changements apportés à la conception des régimes en 2011 étaient motivés par le désir de réduire le risque. Les résultats du Sondage 2012 sur le risque lié aux régimes de retraite de Towers Watson en témoignent : plus de la moitié (53 %) des régimes à prestations déterminées (PD) ont déclaré qu’ils seraient prêts à accepter un rendement des placements plus faible en échange d’une diminution du risque, contre 36 % l’année précédente.
« À mesure que les régimes PD arrivent à échéance et que les participants partent à la retraite, on verra s’accentuer la volatilité à long terme, explique-t-il. Celle-ci deviendra donc plus préoccupante que la volatilité à court terme, à moins que des mesures ne soient prises. »
Pour bon nombre de régimes, ces mesures ont notamment consisté à augmenter la pondération des titres à revenu fixe par rapport à celui qu’ils occupent actuellement (40 %, contre 60 % pour les actions). M. Forestell estime que cette décision pourrait avoir profité à de nombreux régimes en 2011. Quant à savoir si cela continuera d’être le cas à long terme, à mesure que les taux d’intérêt remontent, c’est une autre histoire.
« Le défi avec les titres à revenu fixe, c’est que les taux obligataires sont faibles par rapport à leurs niveaux historiques, et les caisses de retraite se demandent si le moment est bien choisi pour en acheter, explique-t-il. Mais les marchés boursiers suscitent également certaines craintes. Aucun placement n’est sûr, à 100 % et il faudra attendre un an ou deux pour savoir si l’on a pris la bonne décision. Dans certains cas, on ne le saura peut-être pas avant 20 ans. »
Une décision capitale
Pour un nombre croissant de régimes PD, cette incertitude, ainsi que les efforts nécessaires pour conserver un bon ratio de capitalisation, finit par exercer une pression excessive sur le bénéfice net. Si l’on y ajoute les règles comptables adoptées au Canada le 1er janvier 2011 en vertu des Normes internationales d’information financière (qui rendent le passif au titre des retraites plus visible dans l’état de la situation financière des sociétés ouvertes), rien d’étonnant à ce que certaines entreprises envisagent de fermer leurs régimes aux nouveaux employés. Si seulement 2 % des régimes PD ayant répondu au Sondage sur le risque lié aux régimes de retraite ont indiqué qu’elles envisageaient de passer à un régime à cotisations déterminées (CD) ou à un régime d’accumulation du capital pour les nouveaux employés au cours des 12 prochains mois, 8 % envisagent de le faire à une date ultérieure.
M. Forestell s’attend à ce que davantage de régimes CD soient améliorés à mesure que ce passage s’opère. « Les régimes CD mis en place il y a quelques années étaient sans doute beaucoup moins complexes que ceux que nous connaissons maintenant. On verra davantage d’innovation dans ce secteur », explique-t-il.
Nouvelles priorités
Selon Ian Markham, vu les considérations liées à la conception des régimes, les nouvelles règles comptables et le désir croissant des sociétés d’éliminer le risque, le fait de donner aux comités de retraite les connaissances nécessaires pour comprendre les répercussions des décisions liées aux régimes a pris une importance renouvelée en 2011.
« Il faut un effort considérable pour comprendre comment les informations financières des régimes de retraite s’intègrent dans le portait financier global d’une société, explique-t-il. Le secteur privé est très porté sur les résultats à court terme, mais la diminution progressive du niveau de risque lié à un régime est quelque chose qui se déroule sur un grand nombre d’années. »
M. Markham ajoute que, traditionnellement, les comités de retraite s’efforcent surtout d’avoir une idée précise de l’actif et des options de placement, tandis que le passif et son lien avec l’actif sont plus difficiles à cerner. M. Forestell est d’accord sur ce point, mais les deux spécialistes s’entendent aussi pour dire que les membres des comités sont déterminés à comprendre les deux aspects du tableau. « La formation est donnée dans une optique plus holistique de nos jours. Et je pense que les comités – qu’ils soient ou non formés de professionnels – sont mieux renseignés sur ces questions. Les journaux en parlent quotidiennement », souligne M. Forestell.
Les participants jouent peut-être aussi un rôle plus actif dans leur régime de retraite. Selon Ofelia Isabel, chef du secteur Rémunération globale, talent et communication chez Towers Watson au Canada, de plus en plus d’employés pensent qu’il leur appartient de veiller à épargner suffisamment pour la retraite. En revanche, ils ont l’impression de ne pas avoir les outils nécessaires pour ce faire.
Les caisses de retraite semblent prendre conscience de cette lacune : selon le Sondage 2011-2012 de Towers Watson sur l’administration des régimes de retraite, 79 % d’entre elles comptent améliorer la façon dont elles communiquent avec les participants. Selon Mme Isabel, les caisses ont commencé à modifier le langage utilisé dans les communications relatives aux régimes afin de rendre celles-ci compréhensibles et agréables à lire. « Traditionnellement, l’importance de la conformité à la réglementation fait qu’une grande partie de ces communications ont été rédigées par des actuaires et des avocats, qui faisaient primer l’exactitude technique sur la convivialité », explique-t-elle.
Trouver des façons plus efficaces de communiquer implique peut-être aussi de faire appel aux nouveaux médias, comme la vidéo, pour compléter les brochures et les relevés papier qui constituent traditionnellement la majeure partie des communications relatives aux régimes, souligne Jackie Gallant, vice-présidente adjointe, marketing et communications, à la Financière Sun Life. « Les communications écrites ne disparaîtront pas. Mais nous devons reconnaître que la main-d’œuvre actuelle englobe trois générations », qui ont toutes des façons différentes d’apprendre et d’intégrer l’information.
Que les solutions envisagées touchent la conception, les communications ou les deux, l’enjeu commun est le coût croissant de ces régimes – et l’incidence grandissante de celui-ci sur le bénéfice des entreprises, déjà soumis à de fortes pressions. Selon Mme Isabel, il est plus important que jamais pour les caisses de retraite d’accroître l’engagement des employés afin de s’assurer qu’ils apprécient et comprennent les ressources, financières ou autres, que leur employeur consacre à leur régime – et, avant toute chose, qu’ils se servent de leur régime pour épargner en vue de la retraite. « À défaut d’avoir plus d’argent à faire fructifier, nous pouvons peut-être optimiser les ressources existantes en intéressant davantage les employés à ce dont ils disposent déjà, et en les encourageant à en profiter. »