Les Canadiens sont habitués aux situations difficiles : nos hivers rigoureux en sont un bel exemple. Les promoteurs de régimes de retraite canadiens guidés par le passif ne font pas exception à la règle. Ceux-ci doivent également affronter des défis de taille, en particulier quant à l’offre réduite de titres à revenu fixe au pays. L’adaptabilité des Canadiens a toujours été un facteur clé dans leur capacité à surmonter les obstacles; les promoteurs de régimes de retraite qui adoptent des stratégies d’investissement guidé par le passif (IGP) peuvent également bénéficier d’une telle attitude.
On ne peut pas dire que les investisseurs obligataires canadiens ont l’embarras du choix. Au 31 décembre 2013, l’univers des obligations de premier ordre au pays ne représentait que 2 % des obligations émises dans le monde. Malgré la petite taille du marché, la demande d’obligations canadiennes est vigoureuse, en raison du grand nombre d’investisseurs – institutionnels et de détail – et de l’intérêt grandissant des investisseurs étrangers, lesquels sont attirés par la solide cote de crédit du Canada. Ce contexte peut créer des déséquilibres sur le plan de l’offre et de la demande, qui ont une incidence sur les prix des obligations et les taux correspondants, surtout du côté des obligations à long terme, lesquelles sont privilégiées par les investisseurs guidés par le passif.
Obligations du gouvernement fédéral
Les besoins d’emprunt du gouvernement fédéral sont moins grands alors que le déficit canadien diminue. Ainsi, à moyen terme, le gouvernement fédéral devrait émettre moins de titres de créance, ce qui réduira davantage l’offre déjà limitée.
De plus, notons que les échéances des titres de créance souverains sont assez courtes au Canada. Le gouvernement a commencé à prolonger l’échéance moyenne de ses titres de créance, émettant récemment sa première obligation à 50 ans. Cependant, les obligations souveraines demeurent au deuxième rang des échéances les plus courtes parmi les pays du G-7. Il est donc difficile pour les promoteurs de régime d’accéder aux obligations à long terme dont ils ont besoin. Dans les marchés obligataires plus importants, des instruments synthétiques sont offerts et peuvent combler le fossé créé par le manque d’obligations à long terme. Le marché canadien, toutefois, ne dispose pas de certains des mêmes instruments que d’autres pays, comme un contrat à terme sur obligations du gouvernement à 30 ans par exemple, et certaines de ceux qui existent sont peu négociés, tel le swap de taux d’intérêt sur 30 ans.
Obligations des gouvernements provinciaux
Les provinces prolongent les échéances de leurs obligations, ce qui leur a permis de fixer un coût de financement réduit et de répondre à une partie de la demande de réduction des risques des investisseurs institutionnels. En outre, le marché provincial des obligations à coupons détachés offre aux investisseurs des instruments personnalisés pouvant satisfaire leurs objectifs de gestion des risques liés aux taux d’intérêt. Il est toutefois important de noter que certaines peuvent être moins liquides et leur valeur peut dépendre de leur rareté, non pas de paramètres fondamentaux.
Obligations de sociétés
Bien que 2013 ait été une solide année pour les émissions d’obligations de sociétés, l’offre à long terme pour les investisseurs guidés par le passif demeure insuffisante. Étant donné la nature à long terme de leurs engagements, les investisseurs guidés par le passif ont souvent tendance à privilégier les obligations de qualité supérieure. Malheureusement, il n’y a pas eu d’émission d’obligations à long terme cotées AA en 2013. Il s’agissait surtout d’obligations cotées A, suivies d’obligations cotées BBB.
Élargir l’univers de placement
Heureusement, les investisseurs guidés par le passif qui font preuve de souplesse peuvent chercher à surmonter ces défis en explorant la gamme complète de produits à revenu fixe. Ils peuvent tirer parti des solutions de rechange suivantes.
Obligations cotées A et BBB
Rappelons qu’une stratégie de placement qui privilégie le passif comptable a tendance à préférer les obligations de sociétés cotées AA, en raison des hypothèses formulées lors de la construction de la courbe d’actualisation du passif comptable. Les investisseurs qui privilégient le passif de solvabilité s’intéressent davantage aux obligations provinciales. Toutefois, étant donné le nombre réduit d’émetteurs d’obligations à long terme cotées AA et d’obligations provinciales, il importe de prendre en considération d’autres volets du marché des titres à revenu fixe lors de la création d’un portefeuille de couverture du passif.
Bien que certains promoteurs de régime aient tendance à ne pas investir dans les obligations de sociétés dont la cote est inférieure, ces dernières peuvent constituer une partie importante d’un portefeuille à revenu fixe. Les recherches menées par Gestion de Placements TD indiquent que d’autres segments du marché obligataire offrent des titres fortement corrélés avec les obligations de sociétés cotées AA ou les obligations provinciales. Ils peuvent donc servir de substitut. Par exemple, entre 2004 et 2013, la corrélation entre un ensemble de rendements du passif comptable et les rendements des obligations à long terme cotées A et BBB était d’environ 94 % et 88 %, respectivement. Non seulement ces obligations offrent-elles une protection de qualité, mais la compensation pour le risque de crédit offerte par un ensemble plus vaste de possibilités de placement peut, dans bien des cas, réduire les coûts de couverture prévus.
Stratégies synthétiques
Les stratégies de superposition de produits dérivés peuvent être utiles dans la construction d’un portefeuille de couverture de bonne qualité, surtout si les promoteurs de régime détiennent également des actifs axés sur le rendement comme des actions. Cependant, comme il a été mentionné ci-dessus, le Canada, pour certains instruments courants tels que les swaps sur taux d’intérêt, fait face à une liquidité limitée sur l’ensemble des échéances, sauf celles de 10 ans. Les stratégies de superposition d’obligations qui ont recours à des contrats à terme ou à des mises en pension peuvent constituer, pour les promoteurs de régime, une façon bien plus pragmatique de construire leur portefeuille de couverture des engagements que, par exemple,une stratégie d’achat d’obligations physiques. Les stratégies synthétiques de superposition d’obligations peuvent nettement augmenter l’appariement, sur le plan de la durée, avec les bases d’évaluation à la valeur du marché comme la solvabilité et la comptabilité. Elles s’avèrent également une bonne source de revenu supplémentaire grâce aux coupons supérieurs rattachés aux obligations sous-jacentes, déduction faite du coût de financement – l’écart positif entre les taux longs et les taux courts.
Gestion active
En travaillant en étroite collaboration avec un gestionnaire qui privilégie la réduction des risques à l’égard du passif plutôt que les mesures de rendement traditionnelles, les promoteurs de régime peuvent mieux se retrouver dans le contexte de plus en plus complexe et incertain des risques futurs. Le fait de donner au gestionnaire la liberté de tirer parti des occasions du marché à mesure qu’elles se présentent peut aussi s’avérer bénéfique. Un gestionnaire qui a moins de contraintes peut tenter d’ajouter de la valeur par le biais de divers outils de gestion active, y compris la recherche sur le crédit et la sélection des titres, l’analyse des courbes des taux et du crédit, et la construction de portefeuille.
Un gestionnaire chevronné disposant d’une gamme diversifiée de solutions à moindre coût peut avoir une incidence importante sur les résultats de l’IGP. Si les investisseurs peuvent obtenir un meilleur rendement ajusté en fonction du risque inhérent à leurs engagements, ils peuvent s’attendre à réaliser un rendement bien plus stable et satisfaisant. Ainsi, ils auront plus de confiance quant à leur capacité de respecter leurs engagements au fil du temps.
L’IGP représente un cadre qui favorise la prise de décisions de placement d’une caisse de retraite. Bien comprendre l’ensemble des possibilités de placement offertes fait donc partie intégrante de sa conception. Cela est particulièrement important au Canada où le marché des titres à revenu fixe peut représenter un obstacle. Au lieu d’investir uniquement dans des placements de premier plan comme les obligations d’État et les obligations cotées AA, les promoteurs de régime qui font preuve de souplesse et reconnaissent les avantages de toutes les options de placement offertes ont plus de chance de créer un portefeuille efficace.
Michael Augustine est vice-président et directeur à Gestion de Placements TD.
Rachna de Koning est vice-présidente et directrice à Gestion de Placements TD.