Les coûts élevés, et la tendance encore et toujours à la hausse, ressortent sans cesse dans les discussions sur les régimes d’assurance collective. Tout le secteur s’affaire à trouver des solutions pour mieux y faire face. L’adoption d’un régime flexible s’avère-t-elle une stratégie efficace à cet égard ? Malgré une histoire d’une trentaine d’années, l’option « flex » est loin de faire l’unanimité et ce ne sont certainement pas toutes les organisations qui emboitent le pas. Examinons alors les points forts ainsi que les limitations de ce modèle d’assurance collective.

Pour Louise Dufour, vice-présidente, Stratégies de gestion des talents et de rémunération globale à la Banque de développement du Canada, le nom même des régimes indique leur intérêt. « Ils donnent de la flexibilité pour répondre aux besoins des employés qui ont évolué et qui sont aujourd’hui très différents de ceux qu’on observait il y a quelques années, explique-t-elle. Dans des environnements qui subissent des changements de façon régulière, la possibilité d’ajuster les options permet d’arriver à un bon équilibre dans l’offre global. »

Mario Clusiau, vice-président régional, Développement des affaires, Assurance pour les groupes et les entreprises chez Desjardins Assurances, note de son côté le nombre de différentes générations qui œuvrent au sein d’une seule organisation. « Jamais auparavant les employeurs n’ont dû faire face à des différences aussi marquées entre les besoins des groupes de travailleurs. Le régime flexible permet de répondre à cela, explique-t-il. Un employé jeune et en forme, par exemple, pourrait trouver sont compte grâce aux soins de physiothérapeutes ou d’ostéopathes plutôt que par les soins plus traditionnels. »

M. Clusiau constate aussi que le régime flexible pourrait palier le besoin chez certains employés de rester en poste au-delà de l’âge habituel du départ à la retraite. « Les régimes sont souvent prévus pour se terminer vers l’âge de 65 ans, mais certaines personnes devront travailler plus longtemps. Celles-ci peuvent revendiquer de maintenir les mêmes avantages sociaux qu’avant, alors que le régime d’assurance collective n’y est peut-être pas adapté, dit-il. Dans le cadre d’un régime flexible, on pourrait envisager la création de modules qui compenseront certains besoins plus spécifiques à ce groupe d’âge, mais qui ne touchent pas tout le monde. »

Combien ça coûte ?
L’un des atouts du régime flexibles serait, à première vue, une plus grande prévisibilité sur le plan des coûts. Selon le type de régime escompté, le promoteur déterminerait le montant qu’il souhaite accorder aux couvertures et services; l’employé fait alors des choix en conséquence. Or, cette façon de faire se traduit par un régime plus complexe, ce qui nécessite davantage de communication avec les participants et donc des coûts additionnels.

Dans le cadre d’un régime traditionnel, on présentera la couverture aux employés dès l’embauche. Le modèle flexible préconise une révision des options sur une base régulière. « Il faut s’assurer que les gens comprennent leurs choix; plus on change l’offre, plus il y a de communication et d’administration à faire, dit Louise Dufour. Bien que l’employé soit responsable de ses choix, l’employeur maintient son rôle de fiduciaire et il doit s’assurer que les effectifs disposent des éléments nécessaires pour prendre de bonnes décisions. »

Ce contexte limite peut-être une adoption plus répandue des régimes flexibles. « Ils correspondent peut-être davantage à des employeurs d’une certaine taille qui peuvent se permettre l’infrastructure, dit Mme Dufour. Ça prend une certaine masse critique. » On en verrait également davantage dans le secteur non-syndiqué et du côté des entreprises avec une certaine stabilité d’emploi. « Cela implique du travail et de l’administration. Pour que l’employé apprécie son régime il faut bien qu’il soit présent un certain temps, observe Mario Clusiau. On pourrait aussi imaginer qu’un régime flexible serait moins adapté à la réalité des travailleurs dont la rémunération est très faible et qui vont de toute manière se limiter à la couverture de base. »

Valeur ajoutée
Jean-Paul Ranno, directeur principal, Ventes et gestion de portefeuille, Assurance collective pour la région du Québec à la Financière Manuvie, souligne l’importance de se questionner sur le rôle du régime pour l’entreprise dans son ensemble. « On voudrait bien chercher à retenir ses employés en offrant quelque chose qu’ils ne trouveront pas ailleurs, mais en quoi un régime flexible m’est-il avantageux ?, demande-t-il. Les frais d’administration ajoutent au fardeau du régime, donc il faut que celui-ci offre de la valeur ajoutée. »

Par ailleurs, bien que l’inscription annuelle représente une belle occasion de promouvoir la valeur des avantages sociaux auprès des employés, on peut se demander si ces derniers interagissent suffisamment avec le régime. L’expérience en matière de retraite et la tendance vers les régimes à cotisation déterminée nous enseignent que responsabilité accrue n’est pas toujours synonyme de plus d’intérêt. « Oui, c’est un régime flexible, mais c’est rare que les gens modifient leurs options, dit M. Ranno. Ils en choisissent souvent une au début et y reste. » Mario Clusiau ajoute que dans une situation où une entreprise passe d’un régime traditionnel à un flexible « ceux qui ne savent pas quoi choisir optent souvent pour le forfait d’options qui ressemble le plus à leur couverture précédente ».

Comme pour tout changement aux conditions d’emploi, on voudrait éviter de mauvaises surprises qui mineront les relations avec la main-d’œuvre. L’une des clés de la réussite d’un régime flexible serait la tarification correcte des différentes options. La stratégie se conçoit peut-être dans une optique de gérer les frais en assurance collective, mais les tarifs doivent tout de même être réalistes.

« Il faut que les différentes garanties soient couvertes au bon prix. La mauvaise tarification finira par exiger des ajustements des prix. Une augmentation importante des coûts pourrait remettre en question tout le concept et les employés risquent d’avoir l’impression de se faire avoir, dit M. Clusiau. Quand on met un régime en place, ce n’est pas pour avoir les plus beaux taux, c’est pour avoir des taux plus stables. Il faut alors s’assurer que les modules tiennent la route. »

Le régime devrait également inclure un minimum de filet de sauvetage comme, par exemple, l’assurance vie ou régime « catastrophique ». On doit aussi prendre en compte le contexte québécois quant à l’imposition des avantages sociaux. « Souvent, il faut sélectionner les options en fonction de la couverture familiale, note Jean-Paul Ranno. L’entreprise pancanadienne qui songe à offrir un régime flexible doit faire des choix par rapport aux couvertures offertes qui sont spécifiques au Québec. »

Rémunération globale
Les experts consultés sont tous d’avis que la flexibilité ne se limite pas à l’assurance collective. La souplesse s’inscrit parfaitement dans une logique de rémunération globale pour répondre aux besoins spécifiques de chacun. « Sur le plan des vacances, par exemple, la possibilité d’obtenir des journées de congé supplémentaires peut être intéressante pour les employés », constate M. Ranno.

Louise Dufour observe que le régime flexible permet de jumeler la compétitivité avec la souplesse, ce qu’apprécient en général les employés. « Le talent est devenu une denrée à l’égard de laquelle tous les employeurs sont en compétition, dit-elle. Les employés vont s’intéresser de plus en plus à l’offre globale et le régime flexible s’aligne bien avec cette approche. »