Rarement les régimes de retraite n’auront soulevé autant les passions qu’au cours de la dernière année. Déposé en juin dernier, le projet de loi 3, devenu la loi 15 en décembre, a provoqué l’ire des syndicats du secteur municipal et marqué le début d’une ère de changements législatifs majeurs dans l’univers québécois de la retraite.

« Le projet de loi 3 a été la première pièce du puzzle en vue de réformer le cadre de financement des régimes de retraite au Québec », soutient Claude Lockhead, associé exécutif de la pratique Retraite à Aon Hewitt. « Les problèmes étaient plus criants dans le secteur municipal et c’est pourquoi le gouvernement a agi plus rapidement », croit-il.

Beaucoup moins médiatisés, les régimes interentreprises ont eux aussi eu droit à une mise à jour législative ce printemps. Adopté en avril, le projet de loi 34 prévoit notamment que le financement de ces régimes se fasse uniquement selon l’approche de capitalisation, que la période d’amortissement d’un déficit de capitalisation soit de 12 ans plutôt que de 15 ans et que le déficit de solvabilité ne soit plus financé.

« Cette loi vise moins de régimes et c’est pourquoi on en a moins entendu parler, mais elle a néanmoins été une autre étape importante dans la réforme du cadre législatif entourant les régimes de retraite », fait remarquer Claude Lockhead.

Aux suivants !
Après le secteur municipal, c’est maintenant le secteur universitaire et les régimes privés qui seront dans la mire des nouveaux projets de loi actuellement en préparation.

« Je pense que le gouvernement a retenu les bons côtés de la loi dans le secteur municipal et qu’il en a tiré des leçons de façon à éviter certains éléments plus sujets à polémique », souligne Claude Lockhead, qui ne croit pas que le dépôt d’un tel projet de loi va créer une levée de boucliers dans les universités. « Il y a peu de régimes universitaires au Québec, ce qui facilite l’atteinte d’un consensus. De longues périodes de discussions ont également eu lieu, contrairement à ce qu’on a vu pour les municipalités », ajoute-t-il.

Si les protestations risquent d’être beaucoup plus discrètes dans le secteur universitaire, c’est aussi parce que la plupart des régimes des universités se trouvent dans une situation tout à fait différente de ceux des municipalités. « On peut s’attendre à une réforme qui va s’apparenter à celle du secteur municipal », croit Pierre Bergeron, actuaire et associé chez PBI Conseillers en actuariat. « Les régimes des universités sont toutefois en bien meilleure santé que ceux des municipalités. Plusieurs d’entre eux sont même en surplus et le principe de partage des coûts 50-50 est déjà assez répandu », affirme-t-il.

Du côté des régimes privés, la nouvelle législation sera en partie inspirée du rapport du comité D’Amours et des réflexions qui ont suivi, croit Claude Lockhead. « Il n’y a pas de déficits passés à rembourser avec l’argent des contribuables dans les régimes privés, la loi n’a pas à aller aussi loin que pour les régimes publics », soutient-il.

Ce projet de loi, qui devait être déposé au moment de mettre sous presse, aura comme objectif d’alléger le fardeau des employeurs en retirant les règles de financement des déficits de solvabilité des régimes, croit Pierre Bergeron. « Enlever ces règles peut mettre une pression supplémentaire sur la sécurité des prestations envers les travailleurs en cas de faillite », prévient-il cependant.

Survie des entreprises menacée
Selon Claude Lockhead, il s’agit effectivement d’une menace bien réelle qui risque d’inquiéter les participants et les retraités, mais il affirme que la volatilité des marchés qui rend le remboursement des déficits de solvabilité lourd à supporter pour les entreprises est également un danger qu’il ne faut pas négliger. « Dans certains cas, il s’agit d’un fardeau qui menace la survie des entreprises, ce qui met encore plus en danger les prestations des retraités », soutient-il.

En contrepartie, le gouvernement pourrait obliger les régimes à créer des réserves de sécurité, prévoit Pierre Bergeron. L’ampleur de ces réserves varierait en fonction de la politique de placement et du niveau de risque des régimes. « Injecter de l’argent supplémentaire va-t-il permettre de sécuriser davantage les régimes? Ça va dépendre d’où on va partir et où on va aboutir », avance-t-il.

Ce qui semble certain en tout cas, c’est que les régimes de retraite au Québec n’ont pas encore fini de faire parler d’eux.

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