­Peut-on encore ignorer les conséquences des développements technologiques dans notre vie de tous les jours ?

La démocratisation de l’internet et l’utilisation à grande échelle des téléphones cellulaires puis des téléphones intelligents ont profondément modifié nos activités quotidiennes, du magasinage aux services de toutes sortes. Même le secteur de la fabrication sera, voire est déjà, bouleversé par l’impression en trois dimensions.

Ce n’est pas la première fois que l’économie est perturbée par une évolution technologique. Toutefois, celle que nous connaissons aujourd’hui, qu’on pourrait nommer la révolution des technologies de l’information (TI), aura vraisemblablement des conséquences aussi importantes que la révolution industrielle datant d’il y a maintenant plus de deux siècles.

Avant d’estimer les conséquences de cette révolution sur l’inflation et la conduite de la politique monétaire, rappelons tout d’abord que, depuis une trentaine d’années, les banques centrales ont adopté une politique monétaire visant la stabilité des prix, qu’elles ont généralement définie comme un taux d’inflation de 2 %.

Les prix sont déterminés par l’interaction de l’offre et de la demande. Ces deux déterminants sont affectés par l’omniprésence des ­TI, mais aussi par d’autres phénomènes contemporains, telles la démographie et la mondialisation.

Du côté de l’offre, les ­TI, jumelées à l’impact de la mondialisation, tendent à diminuer les coûts de production, ce qui augmente l’offre de produits. Ces deux phénomènes contribuent aussi à abaisser les barrières à l’entrée, libérant une offre supplémentaire.

À l’encontre des effets positifs sur l’offre, les préoccupations environnementales ajoutent aux coûts de production par les délais qu’elles suscitent dans le développement de projets et par une internalisation des coûts autrefois assumés par la société et non par l’entreprise productrice.

Enfin, l’arrivée de nouveaux produits et services résultant des nouvelles technologies contribue à éliminer des entreprises qui deviennent caduques. Ce phénomène de « destruction créatrice », que l’économiste ­Joseph ­Schumpeter a identifié dans les années 1930, n’est pas nouveau et aurait un effet neutre sur l’offre puisque la production des entreprises déchues est remplacée par celle des nouvelles entreprises.

En résumé, donc, l’influence des ­TI dans le contexte d’aujourd’hui stimulerait plutôt la production et donnerait lieu, toutes choses étant égales par ailleurs, à une baisse des prix.

Les ­TI aident globalement les consommateurs à maximiser leur ­bien-être étant donné un budget de plus en plus contraignant. En effet, dans un contexte de démographie vieillissante, la croissance des revenus devrait être plus limitée étant donné le plus grand nombre de ménages à la retraite et l’anticipation de revenus de placement plus faibles qu’au cours des décennies précédentes.

En permettant un accès à l’information quasi parfait en termes de prix, de quantité et de qualité des produits disponibles, les nouvelles technologies permettent d’augmenter l’efficacité de la consommation (moins de dépenses inutiles et de gaspillage). De plus, le succès de la politique monétaire ­anti-inflationniste limite l’incertitude quant aux prix futurs, ce qui contribue à réduire la demande.

En bref, les ­TI et le contexte démographique devraient mener à une plus faible croissance de la demande.

Finalement, l’avènement des nouvelles technologies a certainement contribué à une offre à la hausse et à une demande plus faible. Toutefois, la cause principale de ce phénomène remonte à l’­après-guerre. À cette période, l’économie mondiale avait amorcé sa période de plus forte croissance sous l’impulsion de la croissance démographique, des gains de productivité et de la mondialisation.

La contribution à l’activité économique de tous ces facteurs ralentit (mondialisation, productivité) ou est en déclin (démographie). La source des pressions baissières sur l’inflation ne provient donc pas seulement des technologies de l’information. Ce contexte semble donc propice à la poursuite du succès de la politique monétaire, c’­est-à-dire à la stabilité de l’inflation.

Benoît ­Durocher est ­vice-président directeur et chef stratège économique à ­Addenda ­Capital.