Malgré les efforts consentis par les entreprises pour améliorer le bien-être des employés, le stress continue de gagner du terrain dans les milieux de travail canadiens, révèle une enquête de Morneau Shepell. Cela dit, les nouvelles ne sont pas toutes aussi mauvaises.

Plus du tiers des quelque 1000 employés sondés se disent plus stressés qu’il y a cinq ans par leur travail (35 %), mais aussi par leurs problèmes personnels (36 %). Le quart des employés (27 %) qualifient même d’élevé à extrême leur niveau de stress lié au travail au cours des six derniers mois, tandis que ce pourcentage est de 34 % pour les gestionnaires de personnel.

L’isolement, le mal du siècle

Si certains pourraient être tentés du doigt la surcharge de travail pour expliquer de tels résultats, l’enquête, qui a aussi sondé près de 600 gestionnaires, permet plutôt de constater que l’un des principaux facteurs de stress de nos jours est le sentiment accru d’isolement au travail, c’est-à-dire le sentiment d’être seul, sans ami ni soutien.

Les employés (64 %) et les gestionnaires (73 %) qui affirment se sentir très isolés au travail sont plus susceptibles de ressentir un niveau élevé de stress. La situation est préoccupante, souligne Morneau Shepell, puisqu’environ un employé sur six indique avoir éprouvé un sentiment d’isolement au travail qualifié d’élevé à extrême (15 %) pendant les six derniers mois, et que presque le quart des employés (23 %) et des gestionnaires (24 %) disent se sentir plus isolés au travail maintenant qu’il y a cinq ans.

« Ces dernières années, les organisations en sont venues à prioriser le bien-être des employés et la gestion du stress au travail; pourtant, de plus en plus de personnes se disent stressées », affirme Stephen Liptrap, président et chef de la direction de Morneau Shepell. « C’est préoccupant, étant donné que le stress contribue maintenant à une détérioration du bien-être physique et mental des employés. »

En effet, les personnes qui ressentent un niveau élevé de stress lié au travail ne sont pas seulement plus à risque de développer des problèmes de santé mentale comme la dépression ou l’anxiété, ils sont aussi plus susceptibles de rapporter des douleurs physiques et des troubles de sommeil.

Plus de stress, mais moins de stigmatisation

Signe que les mentalités changent, l’enquête observe que le sentiment de stigmatisation associé aux problèmes de santé mentale est moins présent aujourd’hui, et ce, en dépit d’un niveau de stress globalement plus élevé dans les milieux de travail.

Bien que les deux tiers des employés (67 %) indiquent qu’ils craindraient de voir leurs choix de carrière se réduire si leur employeur savait qu’ils ont un problème de santé mentale, ce taux est moins élevé qu’en 2014, lorsque les trois quarts des répondants (77 %) avaient de telles préoccupations.

Quant à l’autostigmatisation, c’est-à-dire la perception négative qu’une personne peut avoir d’elle‑même en raison d’un problème de santé mentale, les pourcentages sont également en baisse depuis cinq ans, passant de 65 % en 2014 à 56 % aujourd’hui.

Cette bonne nouvelle est toutefois accompagnée de données moins encourageantes. En effet, les employés qui indiquent ressentir un niveau de stress élevé (79 %) et modéré (68 %) au travail sont plus enclins à s’inquiéter qu’un problème de santé mentale connu par leur employeur puisse avoir des conséquences négatives sur leur carrière.

Des efforts qui portent tout de même fruit

Malgré la prévalence croissante du stress et de l’anxiété dans les milieux de travail, il ne faut pas conclure que les ressources et programmes mis sur pied dans les organisations pour améliorer le bien-être des salariés ont failli à la tâche.

Le quart des employés estiment qu’en cinq ans, les ressources pour répondre aux problèmes de santé mentale se sont améliorées (26 %), de même que le soutien en mieux-être mental (25 %) et la culture du milieu de travail ou d’entreprise (23 %). Si l’on tient compte de tous les aspects liés au milieu de travail, les deux tiers des employés (68 %) indiquent que leur milieu de travail a un effet positif sur leur santé mentale.

D’ailleurs, les employés et les gestionnaires qui ont l’impression que l’entreprise ne reconnaît pas ou ne valorise par leur contribution sont considérablement plus susceptibles de ressentir un niveau élevé de stress (50 % des employés et 55 % des gestionnaires) que ceux dont les efforts sont reconnus (21 % des employés et 29 % des gestionnaires).

« Un milieu de travail psychologiquement sain est aussi productif; les deux vont de pair, explique Paula Allen, vice-présidente, Recherche et Solutions intégratives chez Morneau Shepell. Nous avons constaté que pour obtenir des résultats, il doit y avoir un certain nombre de facteurs émotionnels et organisationnels qui favorisent une bonne santé mentale au travail, notamment un milieu exempt de harcèlement, des relations positives et la possibilité d’exercer un certain contrôle sur les tâches quotidiennes et la charge de travail. »