
La Caisse de dépôt et placement du Québec a enregistré un rendement de 4,6 % au cours des six premiers mois de l’année, mais ses dirigeants ont mis la table pour des mois plus incertains.
Le bas de laine surpasse ainsi son indice de référence, qui a progressé de 4,3 %, selon ses résultats financiers de mi-année publiés mardi. Sur cinq ans, le rendement moyen a atteint 7,7 %, comparativement à 6,6 % pour son indice de référence.
Malgré des rendements positifs, le président et chef de la direction, Charles Emond, a souligné que l’environnement demeurait incertain pour les investisseurs.
« Je vous dirais qu’il y a plus de risques à la baisse qu’à la hausse, a prévenu M. Emond, en conférence de presse, mardi, pour discuter des résultats de mi-année de la Caisse. Ça nous invite à la prudence dans ce contexte-là. »
Les effets des politiques protectionnistes du président américain, Donald Trump, ne se sont pas fait pleinement sentir, selon lui.
Il a expliqué que les droits de douane américains auraient pour effet de ralentir l’économie américaine, tout en augmentant les prix. La Réserve fédérale (Fed) pourrait ainsi se trouver face à un dilemme entre réduire les taux pour stimuler l’économie ou les hausser pour contrer l’inflation.
La première moitié d’année n’a pas été de tout repos pour les investisseurs boursiers. Les tensions commerciales entre les États-Unis et leurs principaux partenaires commerciaux ont provoqué des soubresauts en Bourse. « Avril a d’ailleurs été le septième mois le plus volatil de l’histoire », a souligné le chef des marchés liquides, Vincent Delisle.
La Caisse a surpassé son indice de référence pour les actions et les revenus fixes. Le portefeuille immobilier continue toutefois de tirer de la patte avec un rendement de 0,1 % en six mois, contre 1,2 % pour l’indice de référence. Sur cinq ans, le portefeuille stagne avec un rendement annuel de 0,3 %, légèrement inférieur à l’indice à 0,4 %.
La Caisse a souffert de sa concentration dans certains marchés de bureaux aux États-Unis, où le télétravail est plus courant qu’en Europe.
L’année 2025 est une année de « transition », a défendu M. Emond. « On voit quand même que les employeurs veulent rappeler leurs employés, a-t-il indiqué. Donc, ça nous encourage. On voit aussi les taux d’occupation qui s’améliorent à New York, entre autres. »
L’actif de la Caisse a progressé de 23 milliards $ au cours des six premiers mois de l’année pour s’établir à 496 milliards $.
La Caisse n’appuie Israël « d’aucune façon »
Critiquée par un rapport de l’ONU et par des membres de la société civile, la Caisse de dépôt et placement du Québec se défend de profiter financièrement de la guerre à Gaza.
« On condamne profondément ce qui se passe à Gaza, a insisté le président et chef de la direction, Charles Emond, lorsqu’il a été questionné sur le sujet en conférence de presse mardi, en marge du dévoilement des résultats financiers de l’institution. C’est un drame humain sans nom. »
« Je veux être clair sur une chose : la Caisse, elle n’appuie pas ce conflit-là d’aucune façon », a-t-il enchaîné.
La Caisse a été montrée du doigt, au début du mois de juillet, dans un rapport de la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des droits de la personne dans les territoires palestiniens, Francesca Albanese, qui accuse l’institution québécoise de participer à « l’économie du génocide ».
Le rapport estime que la Caisse a investi près de 9,6 milliards $ dans des sociétés qui ont profité financièrement de l’intervention militaire israélienne.
Pour sa part, M. Emond a assuré que la Caisse a pour politique de ne pas investir directement dans la région. « On est un des seuls investisseurs au monde qui l’a fait. »
La rapporteuse spéciale de l’ONU considère que la Caisse profite financièrement de la guerre en ayant des investissements dans des fournisseurs de l’armée israélienne.
Le rapport cite l’exemple de l’investissement dans Lockheed Martin, qui a triplé de 2023 à 2024. Le rapport accuse la société américaine de profiter de la vente de ses avions militaires à Israël.
M. Emond a rétorqué que les détracteurs de la Caisse font des « amalgames ». Il a dit qu’il était « extrêmement difficile de tracer la ligne » dans le secteur de la défense, qui a des ramifications importantes dans l’industrie aérospatiale québécoise.
Il a pris l’exemple des avions militaires F-35 de Lockheed Martin, qui ont fait figure de symbole en permettant le bombardement de Gaza. « Un F-35, ça contient un train d’atterrissage d’Héroux-Devtek à Longueuil, puis un moteur de Pratt & Whitney sur la Rive-Sud également. »
La Caisse pourrait éviter complètement le secteur de la défense, mais cela aurait pour effet d’exclure d’importantes sociétés québécoises qui ont un volet civil et militaire, a avancé M. Emond.
« (Si) on exclut la défense, on va exclure des noms comme Bombardier, on va exclure CAE, on va exclure Airbus, on va exclure Héroux-Devtek », a-t-il énuméré.
Pour la Coalition du Québec urgence Palestine, la Caisse a franchi une ligne éthique et se retrouve à participer à un système qui profite financièrement de la guerre à Gaza. « On ne peut pas regarder ailleurs et dire que, finalement, nos investissements dans ces compagnies-là n’ont aucun rapport avec les crimes qui sont en train d’être commis », avait déploré son porte-parole, Raymond Legault, en entrevue en juillet.