La réaction du gouvernement fédéral à un rapport qu’il avait commandé sur l’assurance médicaments nationale a été « scandaleusement méprisante », a déclaré cette semaine Don Davies, le chef intérimaire du Nouveau Parti démocratique (NPD), tout en exhortant les libéraux à faire preuve de transparence quant à leurs intentions concernant ce programme.
« Je crois que c’est politiquement malhonnête », a-t-il affirmé, en entrevue. M. Davies a participé aux négociations sur la Loi sur l’assurance médicaments l’an dernier.
Cette loi, adoptée il y a un peu plus d’un an, était un élément clé de l’entente de soutien et de confiance conclue entre les libéraux et le NPD, qui a appuyé le gouvernement de l’ancien premier ministre Justin Trudeau.
La loi exigeait la mise sur pied d’un comité d’experts chargé de recommander la meilleure façon de créer un système d’assurance médicaments universel à payeur unique.
Ce comité a remis son rapport à la ministre de la Santé, Marjorie Michel, en octobre, et celui-ci a été rendu public le mois dernier.
Le rapport demandait à Ottawa de financer intégralement une liste de médicaments essentiels qui couvrirait plus de 90 % des ordonnances au Canada et de créer un organisme indépendant pour gérer cette liste. Le système permettrait aux citoyens d’obtenir leurs médicaments sur ordonnance gratuitement grâce à leur carte d’assurance maladie.
Le comité d’experts a déclaré que le modèle proposé permettrait d’éviter les écueils liés à de longues négociations sur des ententes de financement bilatérales avec les provinces et les territoires.
Il a également exhorté le gouvernement à adopter une loi précisant les modalités de la politique d’assurance médicaments et consacrant le droit des Canadiens aux médicaments essentiels.
Interrogée sur les intentions du gouvernement en ce sens, Mme Michel a dit aux journalistes que son gouvernement examinait les recommandations, sans toutefois s’engager à y donner suite.
« Comme vous le savez, nous avons de nombreux groupes d’experts indépendants qui ont émis des avis, mais ceux-ci ne sont pas contraignants pour le gouvernement », a-t-elle déclaré le 24 novembre.
Mme Michel a également réfuté l’argument selon lequel Ottawa devrait procéder sans ententes bilatérales, affirmant que son rôle était de négocier avec les provinces et les territoires.
« C’est comme s’ils avaient rejeté le rapport avant même de l’avoir étudié », a déploré M. Davies.
Les membres du comité consultatif d’experts ont rencontré M. Davies et d’autres intervenants à Ottawa la semaine dernière.
Ils ont déclaré n’avoir pas réussi à obtenir de rencontre avec la ministre de la Santé, malgré leur demande formulée peu après le dépôt de leur rapport. Le cabinet de Mme Michel a indiqué n’avoir reçu aucune demande officielle de rencontre la semaine dernière, sans toutefois expliquer pourquoi la ministre n’a pas sollicité de rencontre avec le comité.
Aucun membre du cabinet fédéral n’a rencontré le comité depuis la publication de son rapport.
Seulement quatre ententes
« J’ai l’impression que ce gouvernement privilégie d’autres enjeux », a déclaré le Dr Nav Persaud, président du comité d’experts et médecin à l’hôpital St. Michael de Toronto, lors d’une conférence de presse tenue vendredi sur la colline du Parlement.
Il a soutenu que l’assurance médicaments est plus importante que jamais en raison de la guerre commerciale avec les États-Unis, qui pourrait entraîner des pertes d’emploi et de prestations d’assurance pour un plus grand nombre de Canadiens et faire grimper le prix des médicaments en raison des menaces de droits de douane.
Amy Lamb, membre du comité et directrice générale des Professionnels et professionnelles autochtones de la pharmacie du Canada, a affirmé que le rapport « décrit un investissement pour le développement du pays, conçu selon des principes typiquement canadiens ».
M. Davies a déclaré que le gouvernement doit respecter la Loi sur l’assurance médicaments et finaliser la première phase du programme.
La loi stipule qu’Ottawa négociera des ententes avec les provinces et les territoires pour financer le coût des contraceptifs et de certains médicaments contre le diabète.
Seulement quatre ententes ont été signées à ce jour, avec la Colombie-Britannique, le Manitoba, l’Île-du-Prince-Édouard et le Yukon, et pendant plusieurs mois au cours de l’été, on ignorait si les libéraux comptaient signer les autres.
Les défenseurs des soins de santé ont critiqué ce système fragmenté, affirmant qu’il est injuste que certaines régions du pays soient couvertes tandis que d’autres ne le sont pas.
« Ils continuent d’essayer de tromper les Canadiens en leur faisant croire qu’ils sont favorables à ce que chaque Canadien puisse obtenir les médicaments dont il a besoin grâce à leur système d’assurance médicaments public, a soutenu M. Davies. Mais dès qu’il s’agit de faire avancer les choses, ils rechignent. »
Des messages contradictoires
Le gouvernement envoie des messages contradictoires sur l’assurance médicaments depuis l’arrivée au pouvoir du premier ministre Mark Carney.
Dans leur programme électoral et durant la campagne, les libéraux se sont engagés à « protéger » des programmes comme les soins dentaires et l’assurance médicaments, deux programmes issus de l’entente conclue par le NPD pour soutenir le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau.
En septembre, M. Carney a déclaré que le gouvernement avait pris des « engagements clairs » concernant l’assurance médicaments et que les ententes restantes seraient finalisées « aussi rapidement et équitablement que possible ». Il ne s’est toutefois pas engagé à étendre le programme à l’ensemble du pays.
Le premier budget de son gouvernement, présenté au début du mois de novembre, ne prévoyait aucun nouveau financement pour l’assurance médicaments. Les 1,5 milliard $ inscrits au budget de 2024 étaient censés couvrir la première phase, mais plus de 60 % de cette somme est déjà engagée dans les quatre ententes existantes.
Le rapport du comité estime le coût du financement d’une liste de médicaments essentiels entre 6 et 10 milliards $ par année, mais prévoit des économies grâce à la concurrence dans l’achat de médicaments et à la couverture existante, ce qui ramènerait le coût supplémentaire à environ 3 milliards $ par année.