Le débat d’opinions persiste entre les professionnels qui prônent les qualités de la gestion active et ceux qui préconisent plutôt la gestion passive.

Ces discussions sont fréquemment basées sur l’analyse de l’impact des changements démographiques, sur le degré de solvabilité, sur les cibles de rendement et les cibles d’erreur de repérage, mais rarement voit-on le débat inclure la notion de contexte économique. Le présent article traite donc du choix de style de gestion, avec la perspective du gestionnaire, et porte une attention particulière à l’effet qu’a l’environnement économique et financier sur ce choix.

Malgré les débats, plusieurs sondages démontrent qu’aujourd’hui au Canada, la très grande majorité des caisses de retraite favorisent la gestion active plutôt que la gestion passive. Or, les deux styles de gestion répondent à des besoins fort différents, tant en ce qui concerne le seuil de tolérance au risque que quant aux objectifs propres à chaque investisseur. Puisque le choix du type de gestion aura un certain impact sur le rendement des actifs (selon le contexte économique), plusieurs éléments sont à considérer lorsqu’on sélectionne un type de gestion. Examinons-les attentivement.

1. Les besoins particuliers de l’investisseur

Il demeure crucial de tenir compte des besoins spécifiques de chaque investisseur pour implanter le type de gestion approprié. Par exemple, pour un régime parfaitement apparié, on aura moins intérêt à considérer la gestion active traditionnelle compte tenu de l’impact de la gestion de durée. On pourrait toutefois avoir de l’intérêt pour la gestion obligataire à valeurs relatives afin de générer une valeur ajoutée indépendante de la performance des marchés financiers. D’un autre côté, dans un régime sous-capitalisé où l’on se souciera d’une hausse possible des taux d’intérêt, la gestion active traditionnelle s’avèrera un choix prééminent, puisque la gestion de durée constitue sa principale source de valeur ajoutée. Le contexte financier actuel de taux historiquement bas implique par ailleurs que les revenus d’intérêt générés par les obligations (coupons) n’offrent plus la protection nécessaire pour absorber les hausses graduelles, mais non-linéaires, de taux d’intérêt.

En effet, comme le démontre le graphique 1 ci-dessus, les taux d’intérêt des obligations durant les années 1980 demeuraient élevés et permettaient de garder un rendement réalisé positif lors de hausses de taux d’intérêt. Les taux actuels ne compensent plus la perte en capital engendrée par une hausse de taux, même relativement faible. Ainsi, l’atteinte des objectifs, liés aux besoins de l’investisseur, découle à priori du style de gestion choisi.

2. L’importance des sources de valeur ajoutée

Pour un régime de retraite donné, notamment dans le contexte économique et financier actuel, on devrait définir l’importance accordée aux différentes sources de valeur ajoutée, soit la durée, le positionnement sur la courbe, les poids sectoriels et la sélection des titres.

Il y a quelques années, rémunérer un gestionnaire qui pouvait créer de la valeur ajoutée par une anticipation des mouvements de taux d’intérêt (gestion active de durée) était chose commune, puisque peu de rendements excédentaires pouvaient être générés par les écarts de crédits relativement bas de l’époque (voir le graphique 2 ci-dessous).

Inversement, il s’avère aujourd’hui possible de produire une grande partie de l’objectif de valeur ajoutée en surpondérant certains secteurs contre les indices de référence. Le gestionnaire qui miserait essentiellement sur une surpondération des secteurs obligataires où les écarts de crédit sont relativement élevés génèrerait un bon rendement, mais il le ferait en implantant des biais permanents, et non en gérant activement le portefeuille. La principale source de valeur ajoutée réside dans un positionnement assez statique, qui se traduit en une répartition aux poids sectoriels.

Afin d’évaluer ce gestionnaire de manière juste, l’investisseur devrait choisir l’une des trois options suivantes :

  1. a. Modifier son indice de référence
  2. b. Augmenter la cible de valeur ajoutée que le gestionnaire devra atteindre pour tenir compte de la valeur ajoutée attendue d’une gestion active de durée
  3. c. Considérer un changement vers un mandat indiciel bonifié, pour le même rendement, à moindre coût.

Compte tenu du contexte actuel d’écarts de crédit élevés et de taux d’intérêt bas, les responsables de régimes doivent pratiquement s’imposer un exercice de révision du style de gestion utilisé afin d’assurer que celui promu par le gestionnaire soit bien cohérent avec leur objectif quant à la provenance de la valeur ajoutée. Ainsi, on s’assure de rémunérer les gestionnaires d’actifs uniquement pour l’alpha (valeur ajoutée) qu’ils procurent. Par le fait même, on peut s’attendre à profiter d’une certaine protection par la gestion de durée lors de mouvements de hausse de taux d’intérêt, si c’est ce qu’on recherche.

3. Objectifs et définition des types de gestion

Les responsables de régimes qui viseraient l’atteinte de surperformance dans un contexte de taux haussiers mais qui seraient plutôt inconfortables à l’égard de la gestion traditionnelle de durée devraient se tourner vers la gestion obligataire active à valeurs relatives.

Dans ce style de gestion, il importe d’exploiter les inefficiences et de profiter des aberrations mathématiques du marché obligataire canadien. Pour ce faire, le gestionnaire établit des positions sur plusieurs différentes stratégies et ainsi parvient à multiplier ses sources de valeur ajoutée sans égard au contexte de marché. Il en résulte une performance plus stable, et indépendante des soubresauts des marchés.

Par ailleurs, la gestion active à valeurs relatives, contrairement aux autres types de gestion, permet de viser un objectif de valeur ajoutée qui peut varier selon la stratégie du client, tout en gardant un niveau de risque assez faible. Parce qu’une multitude de sources de valeur ajoutée peuvent être exploitées, un meilleur lien existe entre les frais de gestion déboursés et le potentiel réel de création de valeur ajoutée, quelles que soient les conditions de marché.

La gestion active à vale urs relatives se montre d’autant plus intéressante aujourd’hui puisqu’elle assure une plus grande diversification que les autres styles de gestion, et généralement les surpasse au niveau rendement/risque. La haute performance de ce style de gestion est attribuable au fait que les produits dérivés qui peuvent y être utilisés permettent de reproduire et d’amplifier certains paramètres de portefeuille, afin d’en tirer davantage de profit.

Si pour un régime on possède une tolérance zéro quant aux déviations prises contre leur indice de référence, la gestion indicielle pure représente un choix tout indiqué. Si on démontre plus de tolérance, une gestion indicielle bonifiée par laquelle sont appliqués des biais permanents aux sources traditionnelles de valeur ajoutée serait sans doute plus propice. Des biais systématiques, tels que la surpondération de certains secteurs par rapport à l’indice de référence, sont mathématiquement profitables sur de longues périodes et devraient être appliqués. Une sélection de titres, qui élimine aussi quantitativement les titres corporatifs les plus risqués, procure un excellent rapport entre l’espérance de valeur ajoutée et le prix. De plus, elle s’avère très profitable pour le régime de retraite, puisqu’elle procure une valeur ajoutée stable sur de longues périodes, à un coût moindre que pour la gestion active.

La gestion indicielle bonifiée permet de surpasser régulièrement les indices de référence sur des périodes mobiles de quatre ans tout en conservant un excellent ratio d’information.

4. Évaluation prospective du style choisi et non rétrospective

Même un processus de gestion de qualité ne peut garantir que les bons rendements passés se répèteront immanquablement. Un investisseur se doit d’être proactif dans l’utilisation des styles de gestion au fil du temps, afin de rester à l’affût de changements causés par les conditions de marché. Actuellement, afin de profiter des écarts de crédits historiquement larges, un mandat de gestion indicielle bonifiée avec des surpondérations élevées en obligations municipales et corporatives pourrait s’avérer une solution intéressante. Lorsqu’une tendance haussière sera clairement établie sur les taux d’intérêt, on conseillera sans doute un style de gestion active incorporant la durée comme source de valeur ajoutée. Ultimement, lorsque se produira une certaine stabilisation des taux d’intérêt, la gestion active avec valeurs relatives constituera vraisemblablement le meilleur style de gestion à implanter. Somme toute, un dialogue actif avec son gestionnaire permet non seulement qu’un mandat s’axe sur les objectifs, mais permet aussi de faire en sorte que ce mandat puisse évoluer et se convertir graduellement selon les conditions de marché qui prévalent.

Une étude et une révision soigneuse

Dans un contexte financier en constante progression, la considération des besoins spécifiques de chaque investisseur, la définition du degré d’importance accordée à chaque source de valeur ajoutée, l’établissement d’objectifs précis pour le mandat et l’évaluation prospective du style de gestion choisi doivent tous faire l’objet d’une étude soigneuse et d’une révision régulière. Ainsi, l’investisseur s’assure d’avoir analysé et considéré tous les aspects touchant la sélection d’un style de gestion, et ultimement, la sélection du meilleur gestionnaire pour ce style.

Lyse Legal est directrice, marché institutionnel à Optimum Gestion de Placements.