DEVANT L’INTÉRÊT GRANDISSANT pour la promotion de la santé
en milieu de travail, l’offre de services en la matière s’est considérablement
élargie au cours des dernières années. Mais comment repérer
les programmes qui peuvent entraîner un impact significatif sur la santé
et le bien-être des employés tout en assurant un bon retour sur
investissement ?
Après avoir acquis la conviction qu’investir en promotion de la santé
peut être avantageux, vient le moment de passer à l’action et de
mettre en place des moyens concrets pour favoriser la santé et le mieux-être
des employés.
Dans un premier temps, on se sera assuré que les conditions sont réunies
pour qu’un tel programme ait un impact positif. Nous avons traité, dans
un article précédent, des facteurs qui contribuent au succès
de l’implantation d’un programme de santé et de mieux-être en milieu
de travail, notamment le soutien et l’engagement de la haute direction.
L’étape suivante consiste à choisir parmi les produits et les
services offerts sur le marché, le type d’intervention qui saura générer
un impact positif sur la santé et le mieux-être des employés
et s’avérer rentable pour l’organisation. Pour faire un choix éclairé,
certains éléments méritent d’être pris en considération.
Des aspects essentiels
Dans l’examen des différentes options, on gardera en tête les objectifs
visés et on s’assurera que la démarche proposée permet
de les atteindre. À cet égard, la cohérence et la continuité
dans le temps revêtent une grande importance. Des activités occasionnelles
peuvent parfois être intéressantes, dans la mesure où elles
sont de qualité et répondent à un besoin. Toutefois, un
amalgame d’activités choisies au gré des modes ou de ce que le
marché propose, sans vision d’ensemble, n’est pas l’approche la plus
efficace pour améliorer la santé des employés, ni la plus
rentable pour l’organisation.
De la même façon, agir uniquement sur les symptômes sans
se préoccuper des causes a peu de chance d’être payant à
moyen et à long terme. En santé, comme dans bien d’autres domaines,
on gagne à adopter une approche qui mise non seulement sur la gestion
des problèmes, mais également sur leur prévention. On aura
aussi avantage à s’assurer que le service ou le programme qu’on privilégie
a déjà fait l’objet d’évaluations selon des mesures rigoureuses
et a entraîné des résultats significatifs dans d’autres
organisations.
Un programme qui favorise la participation
Le taux de participation des employés a un impact direct sur les coûts
liés à la santé dans l’entreprise.
Les données de participation peuvent être un important indicateur
de résultats puisque nous avons été en mesure de lier le
taux de participation à la réduction des coûts de soins
de santé. Ces données nous ont mené à suggérer
que le taux de participation minimal pour un programme complet de santé
et de mieuxêtre devrait être de 50 % ou plus à chaque année;
80% de participation au moins une fois sur une période de trois ans;
60% de participation au moins deux fois dans une période de trois ou
quatre ans; et 40% de participation au moins trois fois sur une période
de cinq ans. Tout taux de participation en deçà de ces données
n’engage pas suffisamment de population afin de créer un impact significatif
sur les résultats espérés.
Le défi est donc de réussir à mobiliser la vaste majorité
des employés. Toucher les individus déjà convaincus que
la santé est importante est une tâche relativement facile, mais
peu utile pour maximiser l’impact santé, on en conviendra aisément.
Il faut faire en sorte de sensibiliser également les personnes qui gagneraient
à modifier certaines habitudes de vie.
On prendra garde d’éviter les interventions-santé visant uniquement
les employés malades ou à risque, puisqu’elles ne sont pas aussi
efficaces que celles visant l’ensemble des employés. Ces dernières
permettent de maintenir les personnes présentant peu de facteurs risque
dans cette zone, prévenant ainsi une éventuelle augmentation des
coûts liés à la maladie. De plus, elles requièrent
un investissement moindre que celles qui visent à abaisser un niveau
de risque élevé. On sait, par exemple, que chaque facteur de risque
éliminé(comme le tabagisme, un taux de cholestérol élevé,
un surplus de poids)représente une diminution de 150 $ en coûts
médicaux annuels par employé. En contrepartie, chaque facteur
ajouté représente une augmentation de 250 $ et plus en coûts
médicaux annuels par employé.
Les problèmes de santé psychologique sont devenus une préoccupation
majeure dans les organisations. Dans certains milieux de travail, ils sont responsables
de plus de la moitié des cas d’invalidité. On ne saurait donc
trop insister sur l’importance de choisir un programme qui prend en compte les
dimensions physiques et psychologiques de la santé pour que le maximum
de personnes puissent bénéficier des activités santé
offertes.
Les programmes bien développés utilisent une approche holistique
qui focalise sur le bien-être émotionnel et social du participant
en plus de sa santé physique.
La participation doit quand même demeurer volontaire. Les employés
seront plus motivés à s’impliquer dans les activités proposées
si le contenu est intéressant, si la démarche est personnalisée
et confidentielle et si l’approche est positive. Une intervention soutenue dans
le temps, qui aborde différents thèmes et qui permet d’accompagner
les individus dans leurs démarches, a plus de chance de favoriser la
participation et, ultimement, d’avoir un impact positif.
Aussi, certains aspects opérationnels dans l’implantation d’un programme
sont déterminants dans le niveau de participation. Par exemple, la façon
dont un questionnaire est administré auprès des participants a
une grande importance. Certaines méthodes moins coûteuses peuvent
obtenir des taux de participation aussi bas que 15 %. Selon notre expérience,
il est possible d’atteindre au-delà de 80 % de participation.
Les conditions dans lesquelles le programme est offert jouent aussi un rôle,
qu’on pense à l’accessibilité des lieux et au fait que les activités
se déroulent durant les heures de travail.
On veillera enfin à créer un intérêt et à
faire valoir auprès des employés les avantages de participer.
En ce sens, des témoignages favorables de la part de personnes qui ont
déjà bénéficié de la même activité
est certainement la meilleure des publicités.
Un programme qui invite à l’action
Une large participation n’est pas garante de l’efficacité d’un programme
ou d’une activité. Une conférence très divertissante ou
des incitatifs pour favoriser la présence peuvent attirer beaucoup de
monde, mais cela ne suffit pas pour que les gens passent à l’action.
Plusieurs activités et programmes en matière de promotion de
la santé en entreprise se limitent à la diffusion d’information,
sans offrir de soutien pour amener les participants à modifier leurs
comportements et à maintenir les nouvelles habitudes acquises. Les experts
reconnaissent l’importance de personnaliser l’intervention, entre autres en
permettant à chaque participant d’évaluer sa situation par rapport
à une thématique donnée et d’identifier ses forces et ses
points à travailler. Il est essentiel, par la suite, de lui proposer
un plan d’action de même que des outils concrets et adaptés à
ses besoins, et de lui offrir du soutien sur une longue durée.
Une étude effectuée par des chercheurs de l’Université
du Michigan a révélé que pour créer un impact à
long terme sur les habitudes de santé des travailleurs, les employeurs
ont besoin d’assurer un suivi individuel par la suite.
Les milieux de travail peuvent aussi maximiser l’impact des interventions-santé
en offrant un environnement qui contribue à l’adoption de saines habitudes
de vie et qui favorise la santé et le bien-être des employés.
Plus la cohérence sera forte entre, d’une part, les objectifs du programme
santé et, d’autre part, la culture et les politiques de l’organisation,
le style de gestion, l’environnement physique et les services disponibles, comme
les services alimentaires, plus l’impact de l’intervention sera intéressant.
On s’assurera finalement que des mécanismes sont prévus pour mesurer
les résultats de l’intervention et, au besoin, y apporter des ajustements.
La santé, une approche gagnante… à certaines conditions
Promouvoir la santé et le mieux-être des employés est certes
une approche gagnante. Encore faut-il prendre le temps de bien examiner les
avantages et les limites des différentes options disponibles avant d’arrêter
son choix. Une proposition peu coûteuse et demandant peu d’implication
peut être séduisante à première vue, mais n’être
qu’un coup d’épée dans l’eau. Au contraire, une approche rigoureuse
et soutenue dans le temps demandera peut-être d’y engager plus de ressources,
mais si elle améliore concrètement la santé des individus
et celle de l’entreprise, n’est-ce pas un investissement plus judicieux?
EMMANUELLE GAUDETTE est Chef de programmes, Services aux entreprises chez ACTI-MENU