Les avancées scientifiques des dernières décennies ont certes facilité la création de nouveaux produits dans la catégorie des médicaments biologiques. L’on pourrait citer, par exemple, l’insuline, l’un des premiers médicaments biologiques approuvés dans de nombreux pays. L’insuline a été isolée pour la première fois en 1932 par Frederick Banding et JJR McLeod, mais ce n’est que 50 ans plus tard que la société californienne Genentech a produit l’insuline humaine.

Par rapport aux médicaments traditionnels, dits synthétiques, la création et la mise en marché d’un médicament biologique sont généralement plus longues. Un médicament biologique est fabriqué à partir d’organismes biologiques – de cellules vivantes, de protéines d’origine animale ou végétale ou encore des microorganismes. Il est question de manipuler de l’activité métabolique des organismes eux-mêmes, ce qui crée un processus complexe. D’ailleurs, la moindre variation peut avoir des implications importantes sur l’efficacité et son action sur le corps humain. Avant qu’un médicament biologique ne soit approuvé par Santé Canada, des critères très rigoureux doivent être respectés, notamment sur le plan de l’innocuité, de l’efficacité et de la qualité du médicament. Ceci peut contribuer au prix plus élevé de ces médicaments.

Notons que les médicaments biologiques sont souvent utilisés comme traitement alternatif chez les personnes atteintes de maladies très graves, dont le cancer, la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques, le sida ou encore la maladie de Crohn. D’ailleurs, certains médicaments biologiques représentent un traitement efficace contre certaines maladies pour lesquelles aucun traitement n’existait auparavant. Ils contribuent donc énormément à la santé et à la qualité de vie des personnes souffrant de ces maladies. Quant à l’employeur, force est de constater que la meilleure santé des employés contribue à augmenter la productivité et à réduire les absences pour invalidité de longue durée.

Néanmoins, le coût élevé du traitement de certaines maladies peut avoir une influence considérable sur les coûts des soins de santé remboursés par les régimes d’assurance médicaments, tant publics que privés.

Selon une étude menée par Green Shield Canada, les médicaments biologiques représentaient 11,3 % des remboursements en médicaments en 2009-2010, par rapport à 8,3 % en 2006. Le taux de croissance annuel de 12 % serait nettement supérieur au taux de croissance moyen des frais médicaux dans l’ensemble.

Une autre étude, réalisée par IMS Brogan, a comparé dix des principaux médicaments dans les plans de paiement direct des régimes privés au Québec, afin de déterminer le pourcentage des dépenses relatives aux produits biologiques. De ces dix produits, on ne compte que trois qui sont biologiques, Remicade, Humira et Enbrel. Seuls, ceux-ci ont représenté près de 8,5 % des paiements directs effectués par les régimes privés en 2012. Le montant total des remboursements des médicaments biologiques s’élèverait selon la même source à environ 370 millions de dollars, ce qui représente 17 % des coûts totaux en médicaments.

Prescrire un médicament biologique

Au Canada, entre 2010 et 2012, le pourcentage d’ordonnances pour médicaments biologiques est demeuré relativement constant, soit à 2 % du nombre total de prescriptions. À titre comparatif, en 2012 les médicaments d’origine représentaient 43 % des ordonnances (une réduction de 6 % par rapport à 2010) et les médicaments génériques 57 % (6 % de plus qu’en 2010). Notons qu’au Québec l’utilisation des médicaments biologiques est légèrement inférieure à la moyenne canadienne : ils représentent 1,5 % des ordonnances prescrites dans la Belle Province par rapport à 2.2 % dans l’ensemble du pays (voir graphique ci-dessous). En 2008, les médicaments représentaient 13 % des coûts des médicaments au Canada. Cette proportion est passée à 20 % l’année dernière. Au Québec, la même tendance haussière se manifeste, mais de façon moins prononcée, soit de 12,8 % en 2008 à 18,4 % en 2012.

La présence des médicaments dans les grandes réclamations, c’est à dire un remboursement annuel de 10 000 $ et plus, est considérable et ne cesse d’augmenter. Des données recueillies d’une étude récente de Telus Santé montrent que, depuis 2006, le pourcentage du coût des produits biologiques dans les réclamations de 10 000 $ et plus est passé de 57 % à 65 % (voir graphique ci-dessous).

De plus, selon une étude de l’Association canadienne de compagnies d’assurances de personnes (ACCAP), dans les dernières cinq années le nombre de demandes de plus de 25 000 $ a augmenté de plus de 20 % annuellement.

Population vieillisante

Les régimes privés sont certes touchés par les coûts de production des médicaments biologiques, mais il y a d’autres facteurs qui pourraient leur nuire davantage dans les années à venir : la croissance de la population qui requiert ces médicaments et leur utilisation. Selon Statistique Canada, la proportion de personnes âgées au sein de la population augmente sans cesse depuis 1960, pour atteindre 14 % en 2009. Selon tous les scénarios de projection retenus, cette augmentation se poursuivra au cours des prochaines années. La proportion des 65 ans et plus devrait vraisemblablement se situer à environ 24 % en 2036 et 26 % en 2061. Compte tenu de la prévalence croissante des maladies graves nécessitant des traitements coûteux, les changements démographiques nous portent à croire que les coûts engendrés par l’utilisation croissante des médicaments biologiques augmenteront le fardeau financier sur les soins de santé dans les années à venir.

Les tendances d’utilisation des médicaments biologiques affichent une croissance constante et leur utilisation accrue dans les années à venir n’est qu’une question de temps, selon une étude de Thomson Reuters-Newport sur la tendance des médicaments aux États-Unis. Il est fort probable que le phénomène se manifeste également au Canada.

L’utilisation grandissante des médicaments biologiques, l’arrivée attendue de plusieurs centaines de nouveaux médicaments et le vieillissement de la population nous amènent à nous questionner sur les coûts futurs de plus en plus importants engendrés par ces produits, dont les bienfaits sont néanmoins incontestables. Selon plusieurs études, nous devrions observer une progression constante de l’incidence des médicaments biologiques sur les coûts totaux en médicaments. Il faudra donc s’attendre à une pression de plus en plus importante sur les régimes d’assurance médicaments privés et publics et sur leur capacité d’absorber ces coûts à long terme. Il s’agit donc d’une gamme de produits que les promoteurs de régime doivent prendre en considération.

Marius Balan, B.Sc. Actuariat, CRM, conseiller en assurance collective et gestion des risques, GIRACO Groupe Solutions.

Avec la collaboration de David Guede, B.Sc. Actuariat, stagiaire à GIRACO Groupe Solutions.