La récession est peut-être terminée au Canada et aux États-Unis, mais les dégâts qu’elle a laissés dans son sillage viendront tempérer la croissance et l’inflation au Canada l’an prochain, ce qui empêchera la Banque du Canada d’augmenter les taux d’intérêt jusqu’en 2011, révèle un nouveau rapport de Marchés mondiaux CIBC.

Avery Shenfeld, économiste en chef à la Banque CIBC, estime que même si la récession de 2009 est déjà peut-être finie, la baisse de l’activité qu’elle a provoquée est marquée et risque de persister. « Contrairement à la Banque du Canada, nous ne prévoyons pas que la croissance moyenne dépasse le taux potentiel non inflationniste avant 2011. Mais même dans le scénario plus optimiste du gouverneur Carney, l’inflation continuera de subir l’an prochain la pression à la baisse exercée par un important écart de production qui est aussi considérable que celui que nous avons pu observer au cours des périodes de repli du début des années 1980 et 1990 », a-t-il déclaré.

M. Shenfeld souligne qu’il y a des raisons d’anticiper une baisse supplémentaire du taux d’inflation de base. Selon lui, l’observation des éléments sous-jacents du taux d’inflation publié et du taux d’inflation de base nous aide à désigner ce qui a empêché, temporairement, l’inflation de base de reculer beaucoup jusqu’ici. « Ue partie de la solution réside dans ce que les économistes appellent l’effet de revenu », précise-t-il.

Un pouvoir d’achat accru
La chute marquée des composants non essentiels a laissé aux Canadiens qui ont encore un emploi un certain pouvoir de dépenser. Bien que les salaires nominaux aient commencé à décroître dans le contexte d’un marché du travail déprimé, un taux d’inflation négatif sur douze mois signifie qu’en termes réels, le pouvoir de dépenser associé au salaire moyen a augmenté.

« Après avoir fait le plein d’essence et effectué leur nouveau et plus petit paiement hypothécaire, les Canadiens ont tout simplement plus d’argent en poche quand ils vont acheter d’autres articles, ce qui fait que ces prix restent élevés », dit M. Shenfeld, qui ajoute qui fait également remarquer que l’effet déflationniste d’un ralentissement
économique met habituellement du temps à se faire sentir.

« Les taux d’inflation publiés ne seront pas aussi modérés qu’ils l’ont été », explique M. Shenfeld. « Si le prix du brut se maintient dans une fourchette de 60 $ à 70 $, l’énergie, qui exerce actuellement une incidence négative énorme sur l’IPC, recommencera à influer modestement sur son augmentation au début de 2010, ce qui aura un effet d’entraînement sur des éléments connexes, comme les tarifs des transporteurs aériens. »

Cependant, l’inversion des effets de revenu susmentionnés entraîne une diminution du
pouvoir d’achat pour d’autres biens, contribuant ainsi à un ralentissement de l’IPC de base. Avec un peu de retard, la force du dollar canadien aura également un effet modérateur sur les prix au détail des biens et des services importés."

M Shenfeld pense aussi que les prix publiés et de base se rejoignent au deuxième trimestre de 2010, à un niveau bien inférieur à la cible de 2 % de la Banque du Canada. « L’inflation au Canada n’empêchera nullement la Banque de respecter sa promesse de maintenir les taux d’intérêt à un minuscule quart de point jusqu’au milieu de 2010, selon lui. En fait, les prévisions des marchés quant à une hausse des taux au cours du premier semestre de 2010 pourraient avoir été annoncées une année trop tôt. »

Une reprise différente

Contrairement aux perspectives émises par la banque centrale, l’économie canadienne ne devrait pas profiter beaucoup de la reprise anticipée aux États-Unis, peut-on lire dans le rapport. La nature de cette reprise qui commence à poindre sera très différente de ce que nous avons connu par le passé alors que les dépenses de consommation aux États-Unis cèdent le pas aux mesures de relance du gouvernement.

Les barrières commerciales protectionnistes et le parti pris des mesures de relance américaines envers les industries qui ont moins tendance que la moyenne à importer du Canada devraient atténuer les avantages que ce pays tire habituellement de la croissance de l’économie au sud de sa frontière.