Confrontés à la multitude des fonds disponibles et à la complexité des marchés financiers, nombreux sont les participants de régimes de capitalisation qui se questionnent quant à la stratégie de placement à adopter. Cette réalité est fort préoccupante et c’est pourquoi il importe de trouver des solutions permettant de simplifier la prise de décision des participants.

La réponse des participants de régimes de capitalisation à cette réalité se traduit bien souvent par un phénomène appelé inertie, lequel se manifeste de plusieurs façons. Face à la complexité des options offertes, plusieurs participants ne se sentent pas outillés afin de prendre une décision éclairée et adhérer à leur régime de capitalisation. Des études montrent que cette tendance est encore plus importante lorsque le nombre d’options offertes aux participants est élevé. Pour chaque tranche de dix fonds additionnels dans une structure de placement, le taux de participation diminue de 2 %.

Ce phénomène d’inertie se manifeste également au moment de l’adhésion d’un participant à un régime de capitalisation. Plusieurs participants n’effectuent pas leur choix de placement et se retrouvent dans l’option de placement par défaut. Lorsque l’option par défaut est un fonds à faible risque(et donc à faible potentiel de rendement), plusieurs participants voient alors leurs chances d’accumuler un revenu adéquat à la retraite réduites significativement.

Pour les participants qui établissent un portefeuille de placement, le phénomène d’inertie est aussi présent, car ceux-ci ne revoient que rarement ou jamais leurs décisions de placement à la suite de leur adhésion. Un sondage annuel réalisé aux États-Unis par le Employee Benefit Research Institute a d’ailleurs indiqué que plus de 80 % des participants n’avaient jamais révisé leurs décisions d’investissement.

Afin de pallier ce phénomène d’inertie et de simplifier les choix qui leur sont offerts, les principaux fournisseurs de services de régimes de capitalisation au Canada ont lancé de nombreux produits au cours des dernières années, notamment en ce qui a trait à l’introduction de nouveautés en matière de placement. Avec l’arrivée récente, sur le marché canadien, des fonds diversifiés axés sur le cycle de vie, les fournisseurs de services répondent davantage au besoin de simplifier les décisions de placement des participants, par le concept d’ajustement automatique de la répartition d’actifs des fonds à travers le temps.

Ceci dit, la venue de cette nouvelle génération de fonds diversifiés suscite des interrogations face à un autre enjeu d’envergure touchant les régimes de capitalisation : la responsabilité fiduciaire et la flexibilité offerte aux promoteurs quant au choix des options et des gestionnaires de placement. Le choix et le suivi des gestionnaires font partie des responsabilités du promoteur, comme le suggère entre autres la section 2.2.1 des Lignes directices pour les régimes de capitalisation, qui stipule que « le promoteur devrait notamment fonder son choix d’options de placement sur […] sa capacité de revoir régulièrement les options ».

Dans le cas des fonds diversifiés axés sur le cycle de vie, cette responsabilité de choisir et de faire le suivi des placements est, à toutes fins pratiques, déléguée au fournisseur de services. Bien que ce transfert de responsabilité soit reconnu comme une pratique acceptable aux États-Unis, en vertu des principes de « safe harbor »1, la situation n’est pas aussi évidente au Canada. L’absence d’une telle règle de « safe harbor », laquelle procure une protection absolue aux promoteurs de régimes de capitalisation se conformant aux Lignes directrices, suggère davantage de précautions de la part des promoteurs au Canada. Dans le contexte actuel, les promoteurs doivent assumer directement l’évaluation, le suivi et le remplacement des gestionnaires et des options de placement offerts dans le cadre du régime de capitalisation afin de respecter leurs responsabilités fiduciaires.

Pour permettre une meilleure appréciation des différents types de fonds diversifiés, nous avons évalué les types de fonds disponibles sur le marché selon les deux critères clés suivants :

  • le niveau de simplicité quant aux décisions de placement pour les participants;
  • le niveau de flexibilité quant au choix des gestionnaires pour les promoteurs.

En fonction de ces deux critères, nous avons classé, dans le tableau 1, les différentes générations de fonds diversifiés dont il sera question ci-dessous. Tel qu’illustré, aucun des types de fonds diversifiés courants n’offre à la fois les niveaux de simplicité et de flexibilité recherchés. Pour répondre à ce besoin, une nouvelle vague de produits pourrait déferler sur le marché canadien dans un avenir rapproché.

La première génération de fonds diversifiés

Les fonds dits « équilibrés », lesquels sont illustrés au graphique 1, peuvent être considérés comme étant le premier type de fonds diversifiés à avoir été introduit sur le marché canadien. Ces fonds sont investis dans des titres à revenu fixe et des actions selon une répartition d’actifs cible(ex. 40 % en titres à revenu fixe et 60 % en actions). Ils procurent ainsi une répartition instantanée entre les différentes catégories d’actif à même un seul fonds de placement.

Les fonds équilibrés ne répondent toutefois pas aux besoins de tous les investisseurs, puisqu’ils n’offrent qu’une seule répartition d’actifs, peu importe l’horizon de placement ou le niveau de tolérance au risque des participants. Ainsi, ce type de fonds nécessite que les participants ajustent leur répartition en allouant une partie de leurs actifs à un fonds de titres à revenu fixe(afin de rendre le portefeuille plus conservateur)ou à des fonds d’actions(afin de rendre le portefeuille plus audacieux), selon l’horizon de placement et le niveau de tolérance au risque. Ce concept n’est pas maîtrisé par une majorité de participants et rend complexes les décisions de placement des participants, ce qui va à l’inverse du besoin de simplicité.

Par ailleurs, les fonds équilibrés offrent un niveau de flexibilité moyen quant au choix des gestionnaires pour les promoteurs. Comme les fournisseurs de services maintiennent généralement un nombre intéressant de fonds équilibrés sur leur plate-forme, les promoteurs de régimes bénéficient d’une latitude quant au choix de tels fonds. Cependant, les actifs qui y sont investis ne sont souvent gérés que par un seul gestionnaire. Dans ce cas, les promoteurs ne peuvent avoir recours à dif-férents gestionnaires spécialisés et doivent alors s’en remettre au gestionnaire du fonds équilibré, qui ne possède que rarement une grande expertise dans toutes les catégories d’actif.

Dans le but de répondre à ces différentes préoccupations, des fonds diversifiés de répartition d’actifs ont vu le jour dans les années 1990. Les fonds diversifiés de répartition d’actifs sont, contrairement aux fonds équilibrés, adaptés à certains niveaux de tolérance au risque affichés par les participants. Ces fonds font souvent partie d’une famille de fonds, où chaque fonds correspond à un profil d’investisseur particulier(ex. conservateur, modéré ou audacieux)avec une répartition d’actifs distincte, tel qu’illustré au graphique 1. Les actifs de ces fonds peuvent être investis auprès d’un seul gestionnaire ou selon une approche dite de « fonds de fonds », permettant l’accès à un certain nombre de gestionnaires spécialisés pour chacune des catégories d’actif.

Les fonds diversifiés de répartition d’actifs ne répondent pas entièrement aux besoins de simplicité et de flexibilité. D’une part, les participants doivent s’assurer qu’ils ont sélectionné le fonds approprié selon leur horizon de placement et leur niveau de tolérance au risque. Ils doivent revoir cette décision périodiquement, car l’horizon de placement change dans le temps. D’autre part, les promoteurs de régimes n’ont généralement aucune latitude face au choix des gestionnaires sous-jacents et à la répartition d’actifs de ces fonds.

Dans le but de remédier à ces lacunes, certains fournisseurs de services ont mis en place des fonds diversifiés de répartition d’actifs personnalisés. Ces fonds possèdent des caractéristiques similaires aux fonds diversifiés de répartition d’actifs traditionnels, mais offrent davantage de flexibilité aux promoteurs, en leur permettant notamment de sélectionner les différents gestionnaires sous-jacents pour chacune des catégories d’actif. Pour les participants, la simplicité quant aux décisions de placement demeure faible et ce, pour les mêmes raisons que pour les fonds diversifiés de répartition d’actifs traditionnels.

La deuxième génération de fonds diversifiés
C’est dans l’optique de simplifier davantage les décisions de placement pour les participants qu’est née la deuxième géné-ration de fonds diversifiés : les fonds diversifiés axés sur le cycle de vie. Ceux-ci ont fait leur apparition sur le marché canadien en 2005, quelques années après leur introduction aux États-Unis, et sont maintenant offerts par six fournisseurs de services.

Les fonds diversifiés axés sur le cycle de vie sont des fonds diversifiés conçus de façon à ce que la répartition d’actifs évolue automatiquement en fonction de l’horizon de placement des participants, généralement déterminé à partir de la date de départ à la retraite. Au fil du temps, la portion de ces fonds investie en actions diminue graduellement au profit des titres à revenu fixe, tel qu’illustré au graphique 2. Les actifs de ces fonds peuvent être gérés par un seul gestionnaire ou selon une approche « fonds de fonds » auprès de gestionnaires spécialisés pour chacune des catégories d’actif.

Les fonds diversifiés axés sur le cycle de vie se distinguent des autres types de fonds diversifiés par le fait qu’ils ne nécessitent aucun suivi périodique du portefeuille de placements de la part des participants. Ces derniers n’ont qu’à sélectionner le fonds dont la date d’échéance correspond à leur date approximative de départ à la retraite. Comme la répartition d’actifs des fonds s’ajuste progressivement avec le temps, leur niveau de risque devrait donc évoluer en concordance avec la tolérance au risque des participants et ce, tout au long de la durée de vie des fonds.

À l’instar des fonds diversifiés de la première génération, les fonds diversifiés axés sur le cycle de vie n’accordent toutefois que peu de flexibilité aux promoteurs de régimes de capitalisation quant au choix des gestionnaires. Les promoteurs se voient ainsi contraints de choisir un ou plusieurs gestionnaires pour la durée de vie des fonds, laquelle s’étale bien souvent sur quelques dizaines d’années. Les solutions sont particulièrement limitées, voire inexistantes, chez les fournisseurs de services qui offrent de tels fonds, car la majorité d’entre eux ne proposent actuellement qu’une seule famille de fonds.

Par ailleurs, la plupart des fonds diversifiés axés sur le cycle de vie sont basés sur la prémisse que tous les participants d’un même groupe d’âge possèdent une tolérance au risque similaire. La répartition d’actifs de ces fonds est fondée sur un seul facteur, l’horizon de placement, et ce, sans égard au niveau de tolérance au risque propre à chaque participant. Un fournisseur de services a néanmoins pallié cette lacune en offrant une famille de fonds diversifiés axés sur le cycle de vie adaptés à différents profils d’investisseur prédéterminés.

Les fonds diversifiés rêvés
À la lumière de l’analyse des différents types de fonds diversifiés, force est d’admettre qu’aucun des produits présentés jusqu’à maintenant ne parvient à allier simplicité(quant aux décisions de placement pour les participants)et flexibilité(quant au choix des gestionnaires pour les promoteurs). Compte tenu des développements significatifs récemment réalisés dans ce domaine, il est cependant permis de croire qu’une prochaine génération de fonds diversifiés répondant à ces deux critères clés prendra d’assaut le marché canadien sous peu. Une certaine évolution en ce sens a d’ailleurs pu être observée dernièrement.2
Cette nouvelle génération de fonds diversifiés pourrait prendre la forme d’une combinaison des éléments suivants :

  • une composante de répartition d’actifs s’ajustant automatiquement dans le temps selon le profil d’investisseur de chaque participant, assurant plus de simplicité quant aux décisions de placement, au même titre que les fonds diversifiés axés sur le cycle de vie; et
  • une composante permettant le choix des gestionnaires de placement pour chacune des catégories d’actif, assurant plus de flexibilité quant au choix des gestionnaires pour les promoteurs.

Par ailleurs, le développement de cette nouvelle génération de fonds diversifiés risque de dépendre fortement des capacités technologiques et informatiques des fournisseurs de services. Les besoins opérationnels pourraient notamment être axés sur le processus de rééquilibrage automatique des actifs, qui représente un élément primordial dans l’évolution de ces nouveaux fonds diversifiés.

Beaucoup de progrès ont été accomplis ces dernières années sur le marché des régimes de capitalisation, dans le but de simplifier les décisions de placement des participants. Certains de ces développements se sont toutefois faits au détriment de la flexibilité offerte aux promoteurs quant au choix des gestionnaires, un élément qui revêt une importance grandissante au Canada, compte tenu des responsabilités fiduciaires qui incombent aux promoteurs de régimes. À cet égard, les fournisseurs de services devront continuer d’innover afin d’offrir aux participants et aux promoteurs des produits qui répondent entièrement à leurs attentes.

Jean-Grégoire Morand, ASA, est conseiller principal, Retraite et épargne, chez Normandin Beaudry à Montréal.

Marc Forget, ASA, CFA, est conseiller adjoint, Retraite et épargne, chez Normandin Beaudry à Montréal.

* Des références sont disponibles auprès des auteurs en cas de besoin.

1 Aux États-Unis, le Department of Labor a d’ailleurs proposé une nouvelle réglementation prévoyant que les fonds diversifiés axés sur le cycle de vie soient considérés comme un « qualified default investment alternative », accordant ainsi une protection fiduciaire aux promoteurs de régimes les offrant. Cette réglementation devrait entrer en vigueur au printemps 2007.

2 Certains fournisseurs de services ont annoncé l’introduction de portefeuilles, dont la répartition d’actifs est conçue en fonction de certains profils d’investisseur de même que pour certaines périodes de placement prédéfinis. Ces portefeuilles permettent aux promoteurs de choisir les fonds de placement sous-jacents et voient leur répartition cible être ajustée au moment où le participant passe d’une période de placement à une autre.