En 1994, le Québec instituait le Régime de retraite simplifié
(RRS), un régime de retraite à cotisation déterminée
dont l’administrateur n’était pas l’employeur ni un
comité de retraite, mais plutôt une institution financière.
Celle-ci pouvait être soit un assureur, une banque, une caisse d’épargne
et de crédit ou une société de fiducie. L’institution
financière devait faire approuver au préalable son contrat de
RRS par la Régie des rentes du Québec(la Régie). Ce contrat
devait prévoir des règles particulières dont l’immobilisation
de toutes cotisations incluant les cotisations dites volontaires.
Le RRS visait à accroître la participation des travailleurs du
Québec à un Régime complémentaire de retraite(RCR),
plus spécifiquement ceux des PME constituant la catégorie de travailleurs
la moins bien couverte. En effet, à l’époque, la participation
à un RCR par les salariés de PME québécoises s’élevait
à seulement 5 %, ce qui laissait croire que la complexité administrative
d’un RCR traditionnel était un empêchement à la souscription
de tels régimes.
Par conséquent, le RRS a été modelé afin de tenir
compte des besoins des PME. Le mot d’ordre était «la simplicité»
et le RRS faisait en sorte de réduire au minimum les responsabilités
administratives de l’employeur. D’ailleurs, en participant à
un RRS, il n’était plus nécessaire pour l’employeur,
tel que requis pour un RCR traditionnel, de former et de maintenir un comité
de retraite, de tenir une assemblée annuelle avec les participants afin
de rendre compte de l’administration du régime et de compléter
une Déclaration annuelle de renseignements.
Malgré sa simplicité, le RRS ne s’est pas avéré
aussi populaire que l’espérait la Régie. Quelles ont été
l’expérience passée du RRS et les raisons pour son manque
de popularité?
L’expérience passée
À la fin de l’année 2002, neuf établissements financiers,
principalement des assureurs, offraient le RRS à 434 employeurs comptant
un peu plus de 20 000 travailleurs sur un marché potentiel environ 20
fois supérieur. En fait, la participation des PME à un régime
de retraite n’a guère changé depuis 1994. Si on répartit
le nombre de nouveaux employeurs participant à un RRS parmi les institutions
financières, il correspond approximativement à six nouveaux employeurs
par année, ce qui n’est pas très élevé. À
la Standard Life, l’expérience démontre que, depuis 1995,
seulement 11 % des ventes de régimes d’épargne et de retraite
collectifs au Québec visent les RRS alors que les ventes de REER collectifs
représentent presque 53 %(voir tableau A).
Le RRS original n’était pas assez
flexible
Quoique simple dans sa conception et beaucoup moins engageant sur le plan de
l’administration pour les employeurs, le RRS original a péché
par son manque de flexibilité. Les irritants principaux étaient
:
- l’immobilisation de toutes les cotisations incluant les sommes transférées
d’autres instruments d’épargne-retraite, même celles
non-immobilisées; - la rigidité des cotisations patronales – les seules cotisations
patronales admissibles devaient être soit un montant fixe, soit un montant
fonction d’une formule pré-établie, ne permettant pas,
par exemple, de favoriser les employés ayant contribué le plus
au succès de l’entreprise; - la complexité de la conversion d’un RCR en RRS qui exigeait
la terminaison du régime existant et la distribution de ses actifs,
alors que le but visé par l’employeur était de transférer
les droits acquis dans le RRS ; et - la complexité du simple transfert d’un RRS à un autre
RRS.
Conscient du besoin de régler ces problèmes et même d’innover
afin de relancer le RRS, le gouvernement du Québec a modifié(suite
aux recommandations de la Régie)le Règlement sur les régimes
soustraits à l’application de certaines dispositions de la Loi
RCR, effectif le 3 juin 2004, afin de prévoir la possibilité :
- de verser des cotisations salariales(incluant des cotisations volontaires)
qui ne seront pas immobilisées; - de verser des cotisations supplémentaires patronales similaires
à celles pouvant être versées en vertu d’un Régime
de participation différée aux bénéfices(RPDB)
; - de rembourser les cotisations nonimmobilisées en tout temps, ou
de les transférer dans un REER afin que celles-ci puissent être
utilisées aux fins du Régime d’accession à la propriété
(RAP)et du Régime d’encouragement à l’éducation
permanente(REEP); - de convertir un RCR à cotisation déterminée en RRS
grâce à un processus simplifié de terminaison du régime
actuel prévoyant, entre autres, le transfert par défaut des
droits acquis dans le RRS choisi par l’employeur sans acquittement des
droits immobilisés ; - de transférer en bloc un RRS à un autre RRS sans acquittement
des droits immobilisés.
De plus, le processus d’agrément des modifications a été
simplifié en exemptant de l’agrément celles qui entrent
à l’intérieur de modalités variables préétablies
par l’institution financière et approuvées par la Régie.
Les institutions financières offrant le RRS auront jusqu’au 2
juin 2005 pour modifier leur contrat RRS afin qu’il se conforme aux nouvelles
dispositions et que celles-ci puissent être offertes à leur clientèle.
Est-ce que le nouveau RRS sera bien reçu?
À cette question, personne n’a encore la réponse. Chose
certaine, la Régie a fait ses devoirs et a fait adopter des changements
qui rendront sûrement le RRS plus intéressant aux employeurs, particulièrement
les PME. Reste à voir si la campagne de publicité prévue
par la Régie, ayant pour but de sensibiliser les PME aux nouveaux avantages
du RRS, ainsi que les efforts de vente des institutions financières suffiront
à accroître sensiblement le nombre de RRS au Québec.
Il n’en demeure pas moins que l’obligation de l’employeur
à cotiser ainsi que l’immobilisation des cotisations patronales
(celles-ci continuent d’être assujetties aux règles de l’immobilisation)
continueront à tenir certains employeurs à l’écart
du RRS qui préféreront se rabattre sur le REER collectif afin
d’encourager l’épargne-retraite de leurs employés
sans pour autant se commettre financièrement. La réalité
des PME est qu’elles ont souvent des moyens financiers limités
et d’autres priorités en matières d’avantages sociaux.
Toutefois, même si le REER est très simple et moins contraignant
que le RRS sur le plan financier, il n’est peut-être pas la solution
idéale pour les raisons suivantes :
- Les cotisations de l’employeur à un REER constituent du salaire
sur lequel le calcul des charges sociales est fondé, ce qui a pour
effet d’en augmenter le coût, alors que ce n’est pas le
cas pour les cotisations versées au RRS. - Les employés mieux informés, alors que la Régie fera
la promotion du RRS, revendiqueront peut-être un régime de retraite
mieux encadré ou réglementé. - Les lignes directrices pour les régimes de capitalisation adoptées
en mai dernier par le Forum conjoint des organismes de réglementation
des marchés financiers feront en sorte que les parrains de REER collectifs
ne seront pas à l’abri de responsabilités rattachées
à la gouvernance de tels régimes, auquel cas, ils préféreront
peut-être opter pour un régime où certaines responsabilités
bien précises relèvent directement de l’administrateur
du régime, en l’occurrence, l’institution financière.
D’autre part, certains responsables actuels de RCR traditionnels voudront
également considérer le RRS, maintenant que des modalités
de conversion simples existent. De plus, les employeurs qui établissent
pour la première fois un programme d’épargne-retraite pour
leurs employés trouveront sans doute le RRS flexible et efficient compte
tenu de l’élimination des charges sociales.
Rappelons que, outre le Québec, seules la province du Manitoba et les
autorités fédérales en matières de pension
(BSIF)ont adopté des règles permettant les RRS pour les employeurs
assujettis à leur juridiction.
Alors, c’est un nouveau départ pour le RRS du Québec !
Le but de la Régie demeure le même : accroître la participation
des salariés du Québec à un RCR. Ceci est une nécessité,
car en moyenne, plus de la moitié du revenu de retraite d’un salarié
devra provenir de sources autres que les programmes de retraite de l’État.
Espérons que la nouvelle flexibilité du RRS et la sensibilisation
des PME à ses avantages les convaincront à utiliser cet instrument
afin de bâtir la sécurité financière de leurs salariés
pour la retraite.
STÉPHANE GUÉNETTE, FLMI, ACS, est spécialiste, Services
de commercialisation, Épargne et régimes de retraite collectifs
à la Standard Life, Évolution stratégique, Marketing –
Régimes d’épargne et de retraite collectifs.