Tout se tient : dans l’entreprise comme dans la nature ou la société, il existe des liens dynamiques entre les éléments. Il faut en tenir compte de manière intégrée pour que l’ensemble fonctionne correctement. Dans l’entreprise, il faut savoir gérer et mesurer les répercussions des diverses pratiques organisationnelles liées à la santé pour être efficace et avoir du succès.
Les coûts énormes associés à la mauvaise santé
Selon l’Organisation mondiale de la santé, environ 60 % des décès en 2005 pourraient être attribués aux maladies chroniques, telles les maladies cardiovasculaires et respiratoires chroniques, les cancers et le diabète. Le vieillissement de la population et les habitudes de vie malsaines, telles la mauvaise alimentation, le manque d’activité physique et la consommation de tabac, signifient que les décès attribuables aux maladies chroniques pourraient augmenter de 17 % au cours des dix prochaines années. Le Centre for Disease Control estime que 51 % de toutes les maladies et invalidités sont liés au style de vie.
L’obésité est associée à plusieurs pathologies dont l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires ainsi que le diabète de type 2 et plusieurs cancers. Or, au Québec, de 1987 à 1998, la prévalence de l’excès de poids et de l’obésité chez l’adulte québécois a augmenté de près de 50 %. Au moins 46 % de la population n’est pas en forme, et de ce nombre, près de la moitié(21 %)est à risque élevé de développer des problèmes de santé.
De plus, un Canadien sur cinq est touché par la maladie mentale à un moment ou l’autre de sa vie. La prévalence de la dépression a augmenté durant la dernière décennie et l’apparition des symptômes se manifeste de plus en plus tôt. D’après l’Agence de santé publique du Canada, le coût des consultations de psychologues et de travailleurs sociaux non remboursées par le régime public d’assurance maladie s’élèvait à 278millions $ en 2001 alors que le fardeau total estimé de 33milliards $ en pertes de productivité, fait des problèmes de santé mentale l’une des maladies les plus coûteuses au Canada.1
Récemment, une étude réalisée par Ron Goetzel a permis de conclure que les coûts associés au présentéisme(lorsque les employés sont au travail mais qu’ils sont moins productifs en raison de problèmes de santé physique ou mentale)représentaient de 18 % à 60 % de tous les coûts de santé pour 10conditions, telles les migraines ou les maux de tête, la dépression ou la maladie mentale, les troubles respiratoires et le diabète. Les pertes en productivité associées à ces conditions pouvaient être de 11,4 % à 20,5 %.
Les pratiques de gestion peuvent faire partie du problème
Les pratiques organisationnelles qui ne tiennent pas compte de la santé des employés et des exigences du travail contribuent au phénomène du présentéisme. D’après les constats de WorkCanada 2007, seulement 76 % à 79 % des employés déclarent avoir l’énergie physique ou mentale nécessaire pour accomplir leurs tâches la plupart du temps. Ce qui veut dire que 25 % des employés ne sont pas aussi productifs qu’ils pourraient l’être.
Au cours de l’exercice financier 2005-2006, la Commission des normes du travail du Québec, a reçu 2 687 plaintes pour harcèlement psychologique, une hausse de 30 % par rapport à l’année précédente. La plupart des plaintes sont portées pour dénigrement professionnel ou personnel, attaque ou critique injustifiée ou mise en échec professionnel. Selon les données de l’enquête Autravail!2007, 66 % des employeurs participants déclarent que les conflits interpersonnelles constituent un enjeu important ou très important, le harcèlement psychologique représente à son tour un enjeu important pour 45 % d’entre eux et la violence en milieu de travail pour 42 %. Malgré tout, 24 % des organisations participantes n’ont toujours pas l’intention de prendre des mesures pour contrer ces phénomènes.
Repenser la santé
Certains économistes et chercheurs scientifiques réputés du secteur de la santé savent depuis longtemps que les facteurs environnementaux et sociaux peuvent contribuer à l’incidence de plusieurs maladies chez l’être humain. Ainsi, le travail, la principale activité à laquelle les gens se consacrent durant leurs heures d’éveil, est au cœur de ces préoccupations. Le stress, l’épuisement professionnel et le manque d’engagement productif au travail sont des facteurs de santé potentiellement importants.
Il ne fait plus aucun doute qu’il existe un lien entre la santé, le bien-être au travail et les pratiques de gestion.
- Les employés doivent composer avec des changements sans précédents au travail, et dans un marché où le cerveau est le muscle qui s’exerce le plus, ils doivent trouver de nouveaux moyens d’être productifs.
- Pour assurer la prospérité de leur organisation, les dirigeants doivent mettre le cap sur la santé, en faisant l’effort de comprendre l’importance et la complexité des facteurs indivi-duels et organisationnels sur la santé et la productivité des employés, et en agissant en conséquence.
L’escalade des coûts de soins de santé met en lumière l’importance de gérer l’absentéisme et l’invalidité, et d’améliorer les pratiques de gestion qui influent sur la santé de la main-d’oeuvre. Selon l’enquête Au travail!2005, les coûts d’invalidité de longue durée ont augmentés de 27 % comparativement à 2002-2003 et 81 % des employeurs participants indiquent que la santé mentale(dont le stress), est la principale cause d’invalidité. Malgré cela, seulement le tiers des participants ont affirmé avoir l’intention de prendre des mesures pour faire face à l’augmen-tation des coûts d’invalidité liés à la santé mentale d’ici les deux prochaines années.
Passer à l’action
Pour réussir, les organisations doivent éviter de mettre en œuvre des programmes et pratiques de façon isolée. Simplement, il faut adopter une approche holistique qui inclut l’environnement de travail, la santé des employés et les pratiques de gestion.
L’approche intégrée Santé et productivité, c’est à la fois les personnes et la stratégie de gestion des coûts. Une telle approche tient compte non seulement de la conception et de la mise en oeuvre de programmes spécifiques, tels les programmes de conciliation travail-vie personnelle, de reconnaissance, de prévention et de promotion de la santé, mais aussi le contexte plus large dans lequel ces programmes s’inscrivent.
Au cours de la dernière décennie, la popularité des programmes de promotion de la santé en milieu de travail s’est accrue au pays sans pour autant réduire de façon significative les coûts des soins de santé. Pour obtenir le meilleur rendement sur le capital investi(RCI), il faut bien comprendre la nature de l’organisation, les indicateurs de mesure ainsi que les besoins actuels et futurs de sa main-d’œuvre, sinon c’est comme revêtir les espadrilles de quelqu’un d’autre avant une course! L’organisation doit faire l’effort de poser un diagnostic complet afin de déterminer les véritables enjeux et les stratégies efficaces et rentables pour y faire face. Il faut :
1. Analyser les données et évaluer les indicateurs précurseurs tels que le taux de satisfaction des employés et la mesure du présentéisme;
2. Déterminer les coûts d’opportunité à partir des indicateurs à posteriori tels que le taux d’absentéisme, les coûts et causes des invalidités et le taux de roulement;
3. Analyser les pratiques organisation-nelles et les pratiques de santé, et les comparer aux pratiques exemplaires;
4.Calculer le rendement sur les investissements des interventions. La détermination de la mesure appropriée fournira les outils appropriés pour réaliser le meilleur RCI.
Bien ciblées, les solutions Santé et productivité permettront à l’organisation de :
- Réduire ses coûts d’avantages sociaux
- Réduire l’absentéisme
- Améliorer le rendement au travail
- Augmenter de la satisfaction des employés
- Améliorer la santé des employés
À titre d’exemple, une analyse réalisée par Watson Wyatt sur l’implantation d’un programme de promotion de la santé en milieu de travail a révélé un rendement sur l’investissement de l’or—dre de 1,50 $ à 3,00 $ pour chaque dollar investi. Certaines études montrent que les programmes de promotion de la santé, lorsqu’ils comprennent une approche globale d’amélioration de la santé individuelle et collective, réduisent les coûts des soins médicaux, d’absentéisme, d’invalidité, de roulement de personnel et de productivité. Comme il peut être difficile d’isoler l’effet du programme de promotion de la santé de l’effet d’autres initiatives, il importe de bien structurer les efforts. Il faut :
- Établir une structure organisationnelle qui soutienne la démarche
- Établir dès le début du projet un partenariat avec le cabinet-conseil et le fournisseur du programme de promotion de la santé;
- Établir une méthodologie de mesure du rendement avant d’entreprendre des initiatives;
- Évaluer les ressources informatiques et les systèmes nécessaires;
- Se munir de données et de mesures fiables;
- Élaborer un tableau de bord intégré et mesurer l’indice de santé globale au sein de l’organisation.
Les programmes de promotion de la santé en milieu de travail ne créent pas à eux seuls un environnement de travail sain, mais ils peuvent avoir un effet positif sur le climat de travail, la culture de l’organisation et l’engagement des employés. Lorsque l’on intègre à ces initiatives de saines pratiques organi-sationnelles, on est en voie de créer une culture de santé qui aura des conséquences directes sur les résultats de l’entreprise ainsi que sur la santé collective et individuelle.
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Claudine Ducharme, Inf., B.Sc, CST(C), COHN-S est conseillère principale, Santé et productivité à la Société Watson Wyatt Canada à Montréal. |
1 Enquête Au Travail! 2005 : Watson Wyatt a interviewé Bill Wilkerson, chef de la direction de la Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Healt