La Schulich School of Business a rendu publique une nouvelle étude – la première du genre au Canada – qui fait l’analyse des effets micro-économiques qu’une pandémie de grippe pourrait avoir sur les entreprises. Cette étude intitulée, Making a case for investing in pandemic preparedness, porte principalement sur la façon dont le plan d’affaires d’une entreprise peut justifier un tel investissement.

Selon les spécialistes des maladies infectieuses, la question n’est pas de savoir si une nouvelle pandémie de grippe est à craindre, mais plutôt de savoir quand elle surviendra. La probabilité cumulée d’une pandémie au cours des prochaines années devrait être de 3 % à 10 % en 2008, de 14 % à 41 % d’ici 2012 et de 26 % à 65 % d’ici 2017.

« La probabilité qu’une pandémie de grippe ait des répercussions négatives sur les employés d’une entreprise est plus élevée que la probabilité qu’un incendie vienne endommager ses immeubles », a déclaré le Dr Amin Mawani, auteur de l’étude et professeur associé au programme de gestion de l’industrie de la santé de la Schulich School of Business de l’Université York à Toronto. « Les entreprises n’hésitent pas à souscrire une assurance contre les incendies, mais sont encore réticentes à investir dans la protection de leurs employés contre une grippe pandémique. Cette étude montre qu’il est devenu impératif pour les entreprises de se préparer en vue d’une pandémie de grippe. »

Une pandémie de grippe pourrait entraîner un taux d’absentéisme de 30 % à 40 % au sein d’une entreprise. Puisque la réussite d’une entreprise dépend essentiellement de ses employés, un fort taux d’absentéisme sur une période prolongée pourrait avoir des effets très néfastes sur le revenu et sur les profits de l’entreprise. Des études antérieures ont montré que les interruptions dans la chaîne d’approvisionnement, y compris dans la disponibilité de la main-d’œuvre, peuvent être extrêmement coûteuses pour une entreprise.

Dans l’éventualité d’une pandémie et des répercussions néfastes qu’elle entraînerait, l’étude Schulich montre qu’une bonne préparation, qui comprend des mesures préventives, comme la constitution de réserves d’antiviraux (médicaments contre la grippe) pour protéger les employés, est financièrement justifiée si l’on tient compte des indicateurs de performance standards au sein des entreprises, comme la valeur actualisée nette (VAN), le taux de rentabilité interne (TRI) et le rendement.

« Cette étude met en lumière le fait que les entreprises ne peuvent pas se permettre de ne pas se préparer en vue d’une pandémie de grippe, surtout si leurs concurrents l’ont fait, a ajouté Dr Mawani. Les concurrents qui se sont préparés en vue d’une telle éventualité peuvent profiter d’une pandémie de grippe pour s’approprier une bonne part de marché et prendre des initiatives stratégiques difficiles à rattraper plus tard. »

Les fournisseurs prêts à réagir en cas de pandémie pourraient bien bénéficier du même avantage, même en l’absence de pandémie, puisque les clients se sentiront en confiance, ayant la certitude que l’approvisionnement ne sera pas interrompu.

Des répercussions macro et micro-économiques
La plupart des études effectuées jusqu’à maintenant sur les répercussions économiques d’une pandémie de grippe portaient surtout sur des mesures macro-économiques. Par exemple, BMO Nesbitt Burns estime la baisse du PIB canadien à 2 % (ou 20 milliards de dollars) en cas de pandémie mineure et à 6 % (ou 60 milliards de dollars) si la pandémie est majeure.

La flambée de SRAS qu’a connue le monde en 2002 et en 2003 a permis de constater la rapidité avec laquelle un nouveau virus respiratoire pouvait se répandre à partir d’un unique cas signalé en Chine rurale, rendre des milliers de personnes malades et provoquer 774 décès à travers le monde. C’est cependant en raison de l’absentéisme chez les employés, les clients et les fournisseurs que le SRAS a entraîné d’importantes pertes économiques de l’équivalent de 2 milliards de dollars au Canada (ou une chute de 3 % du produit intérieur brut pendant ce trimestre) – même si, au Canada, le nombre de décès s’est limité à 44.

L’étude Schulich évalue les coûts potentiels pour pallier les effets négatifs de l’absentéisme dû à une pandémie de grippe et les compare aux avantages potentiels qu’en tirerait une entreprise bien préparée en termes de revenus. Dans le cadre de cette évaluation, l’analyse du rendement a porté sur une société publique canadienne qui a divulgué les effets du SRAS sur ses activités dans son rapport de gestion annuel. La plupart des employés de cette société travaillent en contact étroit avec le public, ce qui accroît le risque d’infection – la capacité de l’entreprise à poursuivre ses activités, à générer des revenus et à faire des profits étant, par conséquent, mise en péril.

Utilisant la perte financière encourue pendant l’épidémie de SRAS comme point de référence, l’étude Schulich montre que tous les indicateurs de performance d’une entreprise, comme la valeur actualisée nette, le taux de rentabilité interne et le rendement, justifient une bonne préparation en vue d’une pandémie. Une telle préparation suppose qu’il faille consentir à investir dans la constitution de réserves d’antiviraux, dans l’acquisition d’équipements de protection personnelle et dans la formation.

« Les mesures de rentabilité généralement reconnues montrent qu’investir dans la préparation en vue d’une pandémie peut être économiquement et financièrement viable, précise le Dr Mawani. Un tel investissement pourrait contribuer favorablement au chiffre d’affaires d’une entreprise, à la valeur de l’action et à son dynamisme face à la concurrence. »

Comment se préparer à une pandémie?
Pour bien commencer, il serait judicieux de constituer des réserves d’antiviraux et d’équipement de protection personnelle. Le virus de la grippe est infectieux à partir de la veille de l’apparition des symptômes et jusqu’à sept jours après, ce qui suppose une dissémination rapide du virus, surtout dans les lieux de grande affluence. Si, d’autres mesures de prévention, telles que le port d’un masque, d’une blouse et de gants, peuvent assurer une certaine protection, l’utilisation prophylactique d’agents antiviraux doit aussi faire partie d’une telle préparation.

Les spécialistes des maladies infectieuses estiment que les agents antiviraux sont indispensables pour contrôler une pandémie de grippe puisque les scientifiques ne peuvent commencer à développer un vaccin protégeant la population contre une nouvelle souche du virus avant que la maladie se déclare. Les antiviraux serviraient alors de mesure provisoire afin de permettre aux scientifiques de développer un nouveau vaccin protégeant contre la nouvelle souche du virus. Les antiviraux s’attaquent au virus de la grippe et l’empêchent de se disperser dans l’organisme.

L’Organisation mondiale de la Santé encourage la constitution de réserves d’antiviraux. Les réserves du gouvernement canadien lui permettraient de traiter 17 % de la population en cas de pandémie, plaçant le Canada à l’avant-dernier rang des pays du G7 pour ce qui est de la prévention. De plus, le Canada est le seul pays du G7 ayant des réserves uniquement pour traiter les personnes atteintes.

Une combinaison de réserves publiques et privées améliorerait notre capacité à atteindre nos objectifs nationaux en matière de lutte contre la pandémie, ces objectifs étant de circonscrire l’infection virale, d’atténuer les souffrances des personnes atteintes et de réduire le nombre de décès, en plus de réduire au minimum ses répercussions sur notre économie et sur notre vie sociale.

« Les entreprises canadiennes ne peuvent pas compter sur le gouvernement pour protéger leurs employés, pas plus que leurs bénéfices d’ailleurs, contre une pandémie de grippe, souligne le Dr Mawani. Avec tous les problèmes urgents auxquels elles doivent faire face, se préparer à une pandémie ne figure pas souvent sur la liste de leurs priorités. Toutefois, ne pas s’y préparer pourrait avoir des conséquences désastreuses pour elles et pour les autres maillons de leurs chaînes d’approvisionnement. »