Les employés québécois qui doivent se rendre sur leur lieu de travail en pleine pandémie de COVID-19 se sentent moins en sécurité que leurs homologues des autres provinces.
Selon un sondage d’ADP Canada, 63 % des employés de première ligne au Québec se sentent en sécurité au travail, comparativement à la moyenne nationale de 75 %.
Différents facteurs peuvent expliquer cet écart, notamment une moins grande propension des employeurs québécois à autoriser le télétravail (55 %) que les employeurs ailleurs au pays (61 %).
Les employés québécois accordent aussi de moins bonnes notes à leur employeur concernant le respect des mesures de distanciation physique (48 % contre une moyenne nationale de 58 %), l’augmentation de la désinfection et du nettoyage des espaces de travail (45 % contre une moyenne nationale de 56 %) et l’installation de barrières de protection ou d’équipement (18 % contre une moyenne nationale de 28 %).
Par ailleurs, les travailleurs (à distance et de première ligne) du Québec sont ceux qui ressentent la plus grande pression d’aller travailler pendant la crise de la COVID-19 (44 % par rapport à la moyenne nationale de 29 %).
Sur une note plus positive, 77 % des travailleurs de la province pensent tout de même que leur organisation a entrepris les mesures nécessaires pour les protéger de la COVID-19.
À l’échelle canadienne, les travailleurs de première ligne âgés de 18 à 34 ans sont plus susceptibles de se sentir forcés d’aller travailler que les générations plus âgées. De la même façon, les hommes se sentent généralement plus en sécurité que les femmes.
Le sondage d’ADP Canada a été mené par Angus Reid auprès de 787 travailleurs canadiens entre le 3 et le 5 avril 2020.
Qu’en est-il du droit de refus des employés ?
Alors que certaines activités économiques vont bientôt reprendre, les travailleurs inquiets, qui envisagent d’invoquer leur « droit de refus » de travailler parce qu’ils craignent d’être exposés au coronavirus, ne doivent pas croire que cela se fera facilement.
La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a précisé mardi qu’à ce jour, 14 droits de refus avaient été accordés depuis le début de la pandémie au Québec.
Selon la loi, un travailleur a le droit de refuser d’exécuter un travail qui présente un danger pour lui ou pour une autre personne.
Mais un travailleur ne peut exercer ce droit si son refus met en péril la vie, la santé ou l’intégrité physique d’une autre personne, un pompier en service, par exemple.
Nicolas Bégin, porte-parole de la CNESST, a rappelé que ces requêtes pour droit de refus doivent être analysées, que c’est « du cas par cas ». Ce n’est donc pas automatique.
Un employé inquiet des conditions dans lesquelles il doit travailler doit d’abord en parler à son employeur ou à son représentant des employés, indique-t-il. « Des fois, ça règle le problème. » S’il y a mésentente, il peut alors s’adresser à la CNESST, qui analysera la demande.
Le ministre du Travail et de l’Emploi, Jean Boulet, avait indiqué la semaine dernière qu’« il y a beaucoup de droits de refus qui ont été exercés (et non accordés), en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, des salariés qui étaient anxieux, qui disaient « moi, il y a un risque à ma santé-sécurité, il y en a un autre qui tousse près de moi, il y en a un qui est symptomatique dans mon environnement », donc qui revendiquent de refuser d’exercer leur travail, en raison de ce danger-là perçu. »
M. Bégin, de la CNESST, rapporte que les droits de refus qui ont été accordés étaient « de toutes sortes »: santé, construction et entreprises de fabrication, par exemple.
Sophie Mongeon, avocate spécialisée dans ces questions, estime que pour ce qui est des garages qui doivent rouvrir, par exemple, un travailleur qui estime qu’il lui serait impossible de garder la distance requise par la Santé publique pourrait invoquer ce droit de refus. Il appartiendra toutefois à la CNESST de trancher.
L’avocate précise qu’un employé ne peut être congédié pour avoir exercé son droit de refus. Un employeur peut cependant l’affecter à d’autres tâches.
Pas un caprice, dit la FTQ
À la FTQ, le président Daniel Boyer, qui siège justement au conseil d’administration de la CNESST, rappelle que ce n’est « pas par caprice que les travailleurs exercent leur droit de refus, mais parce qu’ils craignent pour leur santé et leur sécurité et celles de leur entourage ».
Le président de la plus grande centrale syndicale du Québec, qui compte 600 000 membres, a ajouté: « si le ministre désire amoindrir le recours au droit de refus, il devrait faire en sorte que les employeurs aient des représentants à la prévention dans les milieux de travail ».