Alors que le passage des régimes à prestations déterminées (PD) aux régimes à cotisation déterminée (CD) représente la tendance lourde en matière de retraite, on dit souvent de ces derniers qu’ils ne préparent pas adéquatement les participants. Qu’en est-il vraiment ?

« Il faut comprendre que dans le cas de régimes PD, il y a un élément de prévisibilité par rapport à la retraite, explique d’entrée de jeu Philippe Toupin, vice-président, Solutions collectives à la Standard Life. Le relevé annuel et la connaissance du calcul payable s’avèrent très utiles pour permettre une évaluation. Le problème avec le régime CD, c’est qu’on ignore quel revenu cette accumulation génèrera à la retraite. Les estimés ne couvrent pas les risques d’investissement et de longévité. » Selon lui, on ne peut jamais offrir de garantie totale à ce niveau, à moins que le solde du régime CD ne soit converti en rente au moment de la retraite.

Comment peut-on alors rectifier le tir ? « Idéalement, on souhaiterait que tout cela soit prévisible, mais avec la tendance observée au cours des 15 dernières années, qui a vu les entreprises réduire leurs coûts et le degré de risque associé au PD, revenir en arrière semble très difficile », note M. Toupin.

Toutefois, certaines innovations permettent de nouvelles possibilités. C’est le cas du régime à risques partagés, ayant cours au Nouveau-Brunswick, qui prévoit des modifications aux acquis en fonction des turbulences et fluctuations du marché. « C’est intéressant car la cotisation n’est plus seule à rectifier le tir, on peut y adjoindre également une baisse des prestations », souligne M. Toupin.

De l’argent, oui, mais combien ?

Les participants aux régimes de capitalisation, dont les régimes CD et les Régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) savent-ils de combien d’argent ils auront besoin à la retraite ? « L’indice de rapport de la Sun Life révèle que 46 % des travailleurs ignorent le revenu dont ils auront besoin à la retraite, soit près d’un employé sur deux », précise Isabelle Truchon, directrice marketing, Régimes collectifs de retraite à la Financière Sun Life. Afin d’aider les participants à modéliser leurs besoins de manière concrète, différents outils et calculateurs ont été présentés. « Cela va aussi loin que de leur permettre de comprendre ce qu’un café de moins par jour peut représenter à long terme », ajoute-t-elle.

Faire rimer révision et planification

Dans un contexte où la plupart des gens se soucient de ce que leur portefeuille ou compte en banque contiennent, comment inciter les participants à réviser le rendement de leurs placements plus régulièrement ?

Pour Isabelle Truchon, la tendance serait à la révision des méthodes et pratiques permettant une simplification des processus. « Les clients, qui ne sont pas des experts, demandent à ce que la gestion exige moins d’efforts de leur part, ce qui est normal. Il faut donc miser sur la personnalisation de l’offre de services (site internet, centre d’appels, appel de bienvenue, rencontres) et cibler son auditoire. »

À preuve : dans le but de joindre une certaine clientèle réputée plus difficile d’approche, la Sun Life a lancé un outil qui, à la manière d’un jeu vidéo, permet de comprendre certaines dynamiques en effectuant des missions. Résultat : plus de 80 000 missions accomplies dans la dernière année.

Mme Truchon relève d’autres incitatifs qui semblent porter fruit : « Faire comprendre le plus grand contrôle qu’offre le régime CD sur le succès financier est certainement intéressant. De plus, le recours à des campagnes telles que le Mois de la littératie financière ou à des initiatives d’intégration de la santé financière à des campagnes visant la santé physique en général rappellent ponctuellement les interactions liant ces deux aspects. »

Ce à quoi Sylvain Bouffard, directeur Solutions clients, Québec à la Sun Life, ajoute : « L’important est de connecter le participant à sa vie financière globale, de lui permettre de comprendre l’importance de la planification financière dans sa vie personnelle jusqu’à la retraite. En ce sens, l’automatisation de certains processus pourrait permettre des prises de décision ponctuelles. Mais, cela demande à ce que la connaissance du client soit adéquate. »

Mais malgré les efforts en la matière, il restent beaucoup de travail à faire pour que l’usage des outils en ligne soit plus généralisé. « La communication directe demeure le meilleur moyen », note Philippe Toupin.

Public cible pour fonds à date cibles ?

Et si ces efforts s’avèrent vains, les participants devraient-ils simplement utiliser les fonds à date cibles ? « Le succès de ces fonds tient dans le fait que les participants s’en remettent aux planificateurs pour réviser leurs placements, indique M. Toupin. Notre rôle est de proposer des solutions d’investissement, afin que la répartition d’actifs puisse évoluer dans le temps selon les profils d’investisseurs établis. À la Standard Life, 90 % de notre clientèle se retrouve dans ce type de portefeuille. »

« Les rendements de ces fonds sont excellents et leur formule clé en main ne demande que peu d’implication des participants, ce que recherchent beaucoup de clients », confirme Mme Truchon.

Choix et employeur de choix

Comme un régime CD transfert la responsabilité aux participants, jusqu’où le promoteur est-il responsable de les soutenir dans cette démarche ? « Le promoteur a une responsabilité fiduciaire, confirme M. Toupin. Une fois le fournisseur choisi, il doit s’assurer de la validité des critères de performance établis et remplacer le fournisseur au besoin. Sa tâche consiste aussi à vérifier que les frais de placement sont concurrentiels et que la capacité de services aux membres est adéquate, selon la culture d’entreprise. Si certains se contentent du strict minimum, d’autres optent pour des régimes plus personnalisés. »

Selon lui, l’employeur, qui s’est désengagé au niveau de la prévisibilité de la retraite en passant d’un régime PD à CD, devrait tout de même offrir des occasions aux employés de pouvoir rencontrer leurs objectifs. « Il peut même prévoir une formule qui prévoit un taux personnalisé de cotisation employeur-employé selon l’âge et les années de service. »

« Un régime CD implique un partage de responsabilités bien défini : l’employeur doit offrir les meilleurs outils, et l’employé doit ensuite les utiliser à bon escient, tranche Sylvain Bouffard. Notre rôle est de s’assurer que l’information circule et que chaque partie assume ses responsabilités. »

À la question visant à déterminer si l’employeur peut offrir d’autres services pour aider la préparation à la retraite, les opinions diffèrent. « Maintenant que les compagnies d’assurance offrent des services conseil et d’information spécialement conçus pour la planification de la retraite, je ne vois pas », affirme Philippe Toupin

« D’autres services, non, mais une plus grande diversité de l’offre et des sujets permettant de rejoindre les différents types de clientèle, oui », livre M. Bouffard, en faisant référence à différents évènements pouvant être tenus au sein de l’entreprise et pouvant intégrer un volet rattaché à la planification financière.

De la délicate gestion du non financier

Question épineuse et très actuelle : doit-on aborder les éléments non financiers, qui incluent l’état émotionnel du client ? Comment appréhender cette zone où se rencontrent l’expertise professionnelle et l’expérience de la clientèle ?

« Ceux qui désirent se positionner en tant qu’employeur de choix devraient y songer, recommande Philippe Toupin. L’aspect financier est une chose, mais il y a beaucoup d’autres facteurs à considérer avant l’arrivée à la retraite. Il convient alors d’outiller les promoteurs pour prévenir les situations susceptibles d’influer sur la planification. » Une option pourrait être d’offrir un atelier destiné aux participants qui sont à trois ans ou moins de la retraite. Ainsi, on pourrait parler de différents aspects plus émotionnels, plus psychologiques liés à la fin de la vie active. De tels services permettraient non seulement à l’entreprise de mieux aider ses effectifs à l’égard de cette étape de leur vie, sinon aussi de se positionner comme un employeur de choix.

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