
Ce n’est un secret pour personne : les employeurs qui exercent leurs activités à l’échelle mondiale font des pieds et des mains pour combler leurs faiblesses sur le plan des compétences, des connaissances et du talent. Pour remédier à cette situation et accroître le plus possible leurs occasions d’affaires, c’est sur la scène internationale que puisent les employeurs pour enrichir et bonifier leur banque de talents.
La mobilité est aujourd’hui le moteur de l’économie mondiale. Il permet aux sociétés privées, aux gouvernements, aux établissements d’enseignement et aux organisations non gouvernementales de combler leurs lacunes en matière de compétences et de remédier à la pénurie de main-d’œuvre, tout en améliorant l’employabilité des gens. Pour les employeurs, la mobilité est un moyen qui permet d’attirer et de fidéliser des employés talentueux, d’accroître la diversité, d’assurer le transfert des connaissances et de stimuler la croissance.
En plus de procéder à des déplacements d’employés au sein de leur organisation, des différents secteurs d’activité et d’un pays à un autre, les employeurs effectuent aussi des mutations entre unités fonctionnelles et familles d’emplois ainsi qu’entre professions et catégories de compétences. De bonnes pratiques en matière de mobilité des talents peuvent stimuler l’offre et la demande de main-d’œuvre ou assurer un meilleur équilibre entre les deux grâce à des changements apportés aux coûts ou aux ressources offertes.
Il existe plusieurs types d’affectations internationales, et leur nature évolue en fonction des besoins d’affaires. Les affectations temporaires visent à combler des besoins immédiats, tandis que les affectations à long terme visent à former des leaders à l’échelle mondiale. D’autres affectations ont pour but de faciliter l’accès à l’emploi grâce à des partenariats établis avec les administrations locales, à la mobilité virtuelle (télétravail) et à d’autres mesures d’accommodement. De plus, les employés en affectation internationale peuvent acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour former leurs collègues à leur retour dans leur pays d’origine.
Attirer des employés de talent : le rôle des avantages sociaux
Alors que le nombre d’affectations internationales est demeuré relativement stable au cours des dernières années, le pourcentage de « nomades mondiaux » – ces employés qui se déplacent d’un pays à un autre pour exécuter des mandats variés – a presque doublé, tandis que le pourcentage d’expatriés affectés à un mandat de moins d’un an a diminué de plus du tiers. Par ailleurs, au cours des quatre dernières années, le pourcentage d’expatriés affectés à des mandats à long terme est passé de 21 % à 40 %.
Ces changements constituent des défis de taille pour les employeurs multinationaux en ce qui a trait à la prestation d’avantages liés à la santé et à la retraite. La plupart des employeurs établissent des méthodes pour suivre et évaluer le succès de leurs programmes à l’échelle mondiale et déploient tous les efforts pour s’assurer que les programmes d’avantages sociaux à l’intention des expatriés répondent aux besoins de ces derniers et soient attrayants, tout en étant conformes aux stratégies commerciales et de ressources humaines.
Tendances en matière de retraite
Les sociétés revoient leur façon de catégoriser les expatriés ainsi que la stratégie adoptée en matière de prestations de retraite. En fait, il n’est pas rare pour les employeurs multinationaux de compter simultanément trois catégories d’expatriés parmi leurs employés, soit des expatriés à court, moyen et long terme. Comme les attentes et les besoins diffèrent d’une catégorie à l’autre, il devient donc essentiel de bien définir les profils de ces employés et de leur offrir des avantages adaptés à leur réalité.
Parmi les stratégies pouvant être adoptées dans le domaine des régimes de retraite, notons les suivantes :
- L’harmonisation avec le programme du pays d’origine est la démarche la plus courante en matière de retraite pour les employés en poste à l’étranger. Il s’agit de maintenir le régime de leur pays d’origine en présumant qu’ils y seront de retour au moment de prendre leur retraite. L’objectif est en partie de satisfaire les attentes des expatriés et d’éviter le fractionnement ou la perte de prestations. Toutefois, l’administration d’un tel régime peut s’avérer difficile et coûteuse et les coûts qui y sont rattachés sont difficiles à transférer au pays d’accueil. Bien que ce genre de régime convienne aux expatriés dont le mandat à l’étranger aurait une durée maximale de cinq ans, elle pose davantage de problèmes dans le cas des expatriés à long terme.
- L’harmonisation avec le programme du pays d’accueil consiste à faire en sorte que les expatriés adhèrent au programme en place dans le pays d’accueil. Ce genre de régime s’avère généralement le plus efficace dans un contexte de régime à cotisation déterminée (CD) et lorsque les conditions d’emploi des expatriés sont prises en charge par le pays d’accueil, car elle assure l’équité entre les employés expatriés et locaux. Elle peut néanmoins entraîner le fractionnement des prestations et, par conséquent, le mécontentement des expatriés.
- On peut également offrir un programme de retraite international. Pour faciliter l’administration des prestations de retraite et réduire les coûts, certains employeurs mettent en place un tel programme, spécialement conçu pour éliminer la nécessité de participer au programme du pays d’origine ou du pays d’accueil. Bien que ces programmes prévoient la possibilité d’offrir le même niveau de protection à tous les expatriés, ils conviennent davantage aux employés nomades qui travaillent dans des pays sans régime de retraite, ou dans les cas où l’inscription au programme d’un pays d’accueil désavantagerait l’expatrié. L’adhésion à ces programmes présente par contre certains défis du point de vue fiscal et comporte des restrictions en matière de participation.
Il est à noter qu’aujourd’hui, près des deux tiers des programmes de retraite internationaux dans le monde sont des régimes CD, dont le nombre a triplé depuis 1991. En effet, alors qu’ils avaient atteint un sommet de 80 % des régimes de retraite en 1991, les régimes à prestations déterminées (PD) ne comptaient plus que pour 20 % des régimes en 2012. Seulement 20 % des employeurs offrent des régimes de type hybride.
Dans leur évaluation de réduction des coûts, les employeurs se concentrent à présent sur les employés qui ont maintenu leur programme pour expatriés, et ce même si les conditions liées à leur emploi sont maintenant régies par le pays d’accueil. Ils discutent avec ces employés de l’élimination progressive possible de certains avantages, ce qui permettrait évidemment de réduire les coûts du pays d’origine mais également de transférer ces coûts aux pays d’accueil, là où les services sont rendus par l’employé.
Tendances en matière de santé
Les avantages sociaux liés à la santé ainsi que la qualité et les normes en matière de soins de santé varient considérablement d’un pays à un autre. Par conséquent, offrir aux expatriés un programme de soins de santé plus ou moins équivalent tout en en maîtrisant les coûts peut s’avérer une tâche ardue, compte tenu de la diversité des pays. La plupart des employeurs offre présentement une assurance médicale privée quelconque à leurs employés mobiles à l’échelle mondiale.
Les employeurs ont de nombreux défis à relever. Ils doivent, entre autres choses, explorer les options de santé offertes localement et évaluer l’admissibilité, en plus de veiller à l’uniformité des programmes offerts aux employés expatriés, des tâches administratives et de la répartition des cotisations. Parmi les stratégies pouvant être adoptées en matière de soins de santé se trouvent les suivantes :
- L’harmonisation avec le programme du pays d’origine serait conforme aux attentes de l’employé et permet d’harmoniser la couverture aux régimes de sécurité sociale du pays d’origine. Elle renforce la nature temporaire de l’affectation et assure l’équité avec les pairs du pays d’origine.
- L’harmonisation avec le programme du pays d’accueil est un modèle qui assure l’équité entre les employés expatriés et locaux en offrant une protection adéquate pour le pays d’accueil. En outre, les coûts pour l’employeur local sont conformes au fardeau national et les employeurs peuvent bénéficier des allègements fiscaux offerts aux entreprises et aux employés dans le pays d’accueil.
- Offrir un programme international de soins de santé s’avère une démarche intéressante, car elle assure une structure commune et l’équité entre employés expatriés. Un tel programme réduit le travail administratif, permet de gagner temps et argent, et est souvent prévu en vertu des accords de réciprocité en matière de sécurité sociale. On constate d’ailleurs que de plus en plus d’entreprises offrent un programme international de soins de santé.
Les coûts posent toutefois un problème. En effet, au dernier renouvellement, les primes des soins médicaux des programmes pour expatriés ont augmenté de 6 % ou plus chez 53 % des employeurs ayant répondu à notre enquête. Par ailleurs, 20 % des entreprises ont subi une augmentation des primes de l’ordre de 11 % à 15 %. Ces hausses peuvent s’expliquer par la complexité de l’administration de programmes « multi-pays » et par le fait que les destinations les plus courantes pour les affectations à l’étranger sont précisément celles où les taux d’augmentation du coût des soins de santé sont les plus élevés au monde, comme au Moyen-Orient, en Chine et en Amérique latine.
Dans les pays émergents du E7 (voir tableau ci-dessous), l’augmentation du coût des soins de santé la plus importante en 2010 a été enregistrée en Russie (18 %), et la moins importante (2 %) en Indonésie. Les taux étaient généralement moins élevés dans les pays du G7, malgré les taux de 9 % enregistrés au Canada et au Japon. Parmi les pays du G7, l’Italie a enregistré la hausse la moins importante quant au coût de la santé.
Les mesures traditionnelles de contrôle des coûts demeurent populaires et la majorité des employeurs adoptent des mesures comme les franchises exigées des employés, la coassurance et les plafonds de protection annuels. Les protections les plus importantes aux yeux des expatriés comprennent les suivants :
- Soins primaires en santé – 81 %
- Soins de maternité de base – 74 %
- Maladie chronique – 72 %
- Soins dentaires de base – 69 %
- Évacuation – 56 %
- Rapatriement – 50 %
Certains employeurs offrent des programmes hybrides – également appelés « programmes locaux bonifiés ». Cette démarche, qui peut être adoptée lorsque les soins locaux sont adéquats, permet aux employeurs de tenir compte des besoins de leurs employés mobiles et de contrôler les coûts. Dans le cadre d’un tel programme, les employés mobiles peuvent bénéficier du régime de soins de santé local, mais on leur accorde aussi la possibilité de souscrire des protections additionnelles dans le cadre d’un programme international de soins de santé (régime secondaire) au moyen d’une allocation supplémentaire, de payer de leurs poches pour des services additionnels (par exemple, des soins à l’étranger) ou de participer à des comptes d’épargne-retraite internationaux.
Il arrive aussi que les employeurs canadiens élargissent la portée de leurs programmes à l’intention des expatriés, afin de couvrir les risques de nature professionnelle dans le cadre de leurs régimes de soins de santé et d’assurance invalidité.
Tirer le meilleur parti de la mobilité des talents
Les employeurs multinationaux poursuivent leurs efforts de recherche et de déploiement de talents partout dans le monde. Dans ce contexte, comprendre ce qui importe aux employés en affectation à l’étranger aidera les employeurs à adopter les bonnes mesures incitatives. Bien que l’avancement professionnel et le salaire de base constituent des avantages importants, l’offre d’avantages sociaux liés à la retraite et à la santé demeure aussi s’avérer un facteur clé pour attirer et fidéliser les meilleurs talents.
Au Canada, les employeurs auront pour défi d’adopter une approche intégrée pour ce qui est de l’offre de programmes de prestations de retraite et de programmes d’avantages sociaux aux expatriés : ils devront délaisser leur tendance à traiter ces programmes séparément. De plus, dans un contexte mondial de recherche de talents et d’expertise, ils devront s’assurer qu’ils offrent des avantages sociaux compétitifs pour attirer cette main-d’œuvre spécialisée.
Dans un monde des affaires où les frontières s’estompent et où le nombre d’employés nomades est en croissance soutenue, le fait de redéfinir les avantages liés à l’emploi et d’intégrer des programmes de mobilité des talents au cadre de gestion des effectifs aidera les employeurs à demeurer concurrentiels et aptes à saisir les occasions de croissance futures.
DÉFIS DE L’EMPLOYEUR
Les multinationales font face à de nombreux défis en matière d’avantages sociaux pour les employés expatriés
• Mettre au point une stratégie cohérente à l’échelle mondiale
• Prendre des mesures pour que les expatriés ne soient pas désavantagés
• Résoudre les problèmes liés à l’imposition
• Contrôler les coûts
• Assurer une transition adéquate à la fin des affectations
• Élaborer des politiques et des plans pour les nouveaux pays
Margaret Sim est conseillère principale,
Santé et avantages sociaux chez Mercer
Yanick Chainey est
conseiller principal et chef de la pratique de consultation internationale au Canada chez Mercer
Cet article se base sur les résultats de deux enquêtes réalisées par Mercer : l’étude sur la mobilité des talents et la façon dont une mobilité efficace peut aider à stimuler la croissance économique, menée en 2011 en partenariat avec le Forum économique mondial et le Benefits Survey for Expatriates and Internationally Mobile Employees 2011-2012.