Confrontés à de nombreux obstacles dans leur parcours professionnel, les travailleurs issus des minorités visibles sont en revanche moins susceptibles de ressentir des symptômes dépressifs au travail, révèle une étude de l’Université de Montréal.

« Contrairement à ce qui ressort dans certaines autres études, nos résultats montrent que les personnes en emploi issues des minorités visibles rapportent significativement moins de symptômes dépressifs, comparativement aux travailleurs caucasiens », souligne Christiane Kammogne dans sa thèse de doctorat.

Ce résultat semble paradoxal, puisque les résultats d’analyses relèvent également que, à la différence des personnes blanches, les employées et employés issus des minorités visibles sont surqualifiés par rapport aux postes qu’ils occupent, utilisent moins leurs compétences et ont moins d’autorité décisionnelle ou d’autonomie dans l’accomplissement de leurs tâches, rapporte UdeMNouvelles.

Pour expliquer les résultats qu’elle a obtenus, Mme Kammogne formule l’hypothèse que le travail ait un rôle plus positif chez les personnes issues des minorités visibles, même si l’emploi qu’elles ont décroché n’est pas à la hauteur des études complétées ou des postes occupés dans leur pays d’origine.

Elle signale également que les immigrants qui ont pris part à son enquête vivent au Canada depuis 20 ans en moyenne. « Ce sont donc des immigrants de longue date qui ont eu le temps de s’adapter et d’accepter leur sort », poursuit la chercheuse.

Dans son étude, Christiane Kammogne a tenu compte de différents facteurs, comme le genre, l’âge, les habitudes de vie, le statut matrimonial, le revenu du ménage, la surqualification en emploi, l’autorité décisionnelle, le soutien social, l’utilisation des compétences et le nombre d’heures travaillées.

Parmi les participants, 18 % étaient issus de l’immigration et 8 % faisaient partie d’une minorité visible. Les données de 6 477 personnes en emploi ont été étudiées. Elles proviennent de l’Enquête nationale sur la santé de la population de Statistique Canada, qui s’est déroulée de 1994 à 2011.

Tout n’est pas rose

Même s’ils semblent moins susceptibles de souffrir de symptômes dépressifs, les minorités visibles font face à des difficultés importantes sur le marché du travail, l’une des principales étant la déqualification.

Sur les 18 années qu’a duré l’enquête de Statistique Canada, les travailleurs immigrants n’ont pas amélioré leur situation professionnelle, constate la chercheuse. « Après avoir éprouvé des difficultés à trouver un emploi, ces gens ont obtenu des postes qui demandent souvent de travailler pendant de longues heures, selon des horaires irréguliers et dans des conditions défavorables. »

Elle précise que les immigrants sont généralement en bonne santé lorsqu’ils arrivent au Canada, mais que celle-ci décline au cours des cinq premières années. La déqualification est potentiellement un élément important qui explique cette dégradation de leur état, croit-elle.

« Il serait pertinent de mettre en place des interventions qui cibleraient l’amélioration des conditions de travail en fonction de l’ethnicité, et en particulier les situations de surqualification professionnelle qui semblent perdurer dans la main-d’œuvre canadienne », conclut Christiane Kammogne.