Même si des mécanismes ont été introduits au pays dans le but d’accroître la diversité dans les hautes sphères des entreprises inscrites en bourse, la cadence des renouvellements est généralement «lente», observe l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) dans une nouvelle analyse.

Un an après l’entrée en vigueur des amendements à la Loi canadienne sur les sociétés par actions obligeant les sociétés assujetties au régime fédéral à présenter des renseignements relatifs à la diversité, l’Institut a décidé de brosser un portrait, qui qualifie notamment le gouvernement canadien de «précurseur» en raison du cadre réglementaire mis en place.

Les documents publiés par 76 des 78 compagnies de l’indice composé S&P/TSX de la Bourse de Toronto en vue de leur assemblée annuelle ont ainsi été évalués.

En moyenne, les conseils d’administration étaient formés par 29,43 % de femmes, 4,47 % de personnes issues des minorités visibles, 0,6 % de membres des groupes autochtones et 0,49 % de personnes avec incapacité. Du côté de la haute direction, ces proportions étaient respectivement de 23,94 %, 7,94 %, 0,14 % et 0,35 %.

«Cela montre que le rythme de renouvellement est extrêmement lent, a souligné le directeur général de l’IGOPP, François Dauphin, en entrevue. On ne peut toutefois pas s’attendre à ce que ces changements soient immédiats même si l’on impose de nouvelles mesures. Dans un conseil d’administration, le rythme de renouvellement oscille généralement entre 8 % et 10 % annuellement.»

Celui-ci cosigne le document avec le président du conseil d’administration de l’Institut, Yvan Allaire, et le chargé de projet Mantote Sambiani.

Parmi les constats présentés, M. Dauphin a également relevé la «sous-représentativité assez importante» du côté des minorités visibles, qui représentent pourtant environ 22,3 % de la population.

«C’est un élément que l’on constate, mais nous n’avons pas de causalité, a dit M. Dauphin. C’est un constat quand même assez frappant.»

Si la représentation féminine a presque doublé au sein des conseils d’administration au cours de la dernière décennie, elle demeure néanmoins en deçà de la cible de 40 % établie par l’Institut en 2009 dans le cadre d’une prise de position, est-il souligné dans l’analyse.

De plus, seulement 47 % des sociétés observées par l’IGOPP ont fixé une cible à atteindre en matière de représentation féminine au sein du conseil d’administration, une proportion qui fléchit à environ 18,4 % en ce qui a trait à la haute direction.

Le portrait brossé par l’IGOPP, qui se penche également sur les lois en matière de diversité au sein des conseils d’administration des sociétés inscrites en bourse de 13 pays, dont l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France, en vient à la conclusion que le Canada se trouve à «l’avant-garde» en ce qui a trait à la recherche de la diversité.

Toutefois, le pays a plutôt opté pour l’approche de la divulgation plutôt que des quotas, comme cela se fait ailleurs dans le monde, pour stimuler les changements.

L’équipe de l’IGOPP qui signe l’analyse ne s’est pas avancée sur la pertinence d’imiter ou non d’autres pays qui ont décidé d’imposer des quotas aux compagnies inscrites en bourse.

«Il y a un pas à franchir pour imposer certaines choses, a dit M. Dauphin. C’est un arbitrage que le gouvernement doit faire. On a vu que la divulgation a quand même permis de réaliser certaines avancées du côté de la représentativité des genres.»

Selon le directeur général de l’Institut, les autorités fédérales semblent plutôt miser sur des changements qui s’observeront à la suite de pressions effectuées par des investisseurs institutionnels qui intègrent de plus en plus les critères ESG, environnement, social et gouvernance, dans leurs décisions.

L’IGOPP a par ailleurs relevé que bon nombre de sociétés assujetties au cadre fédéral avaient interprété «très librement» le règlement entourant le nombre de cadres qui doivent être considérés en matière de divulgation. Cela a compliqué la comptabilité des données. De plus, le mécanisme de l’«auto-identification» pour déterminer l’appartenance d’une personne à un groupe «introduit un risque de non-divulgation ou un risque de divulgation opportuniste», a souligné l’analyse.