En 2008, la Vancouver Coastal Health Autority (VCH) − qui comprend 500 lieux de travail, 13 hôpitaux et 35 maisons de soins infirmiers longue durée en Colombie-Britannique et qui offre des services à plus d’un million d’habitants – avait un sérieux problème de pénurie de personnel. « Nous avions 470 postes d’infirmiers à combler, 195 postes offerts de thérapeutes et de techniciens de même que pour 272 travailleurs de soutien », se souvient Anne Harvey, vice-présidente des ressources humaines. VCH était dans l’impossibilité d’embaucher plus d’employés, tout simplement parce que les postulants n’étaient pas assez nombreux.

À l’interne, les choses n’allaient pas tellement mieux. À l’époque, VCH avait un problème grandissant de primes d’assurance invalidité de longue durée. Plus de 834 employés étaient en congé d’invalidité de longue durée, dont de nombreuses infirmières. « Sur toutes les demandes d’indemnisation, 70 % étaient pour des problèmes musculosquelettiques, et plus précisément pour des blessures aux épaules et au dos. Environ 40 % des employés qui font une demande d’indemnisation pour un problème d’invalidité à long terme ont un problème de santé mentale, ce qui inclut la dépression, l’anxiété et les troubles bipolaires », ajoute Mme Harvey, qui reconnaît que de travailler dans le milieu de la santé est épuisant émotionnellement. Entre 2005 et 2008, les primes d’assurance-invalidité longue durée ont augmenté de 50 % et en 2009, selon les estimations, les primes avaient augmenté de 86 % par rapport aux coûts de 2005.

De plus, le gouvernement britanno-colombien avait organisé un audit dans les différents secteurs afin de faire réaliser à tous que le coût de l’invalidité, tant pour les employeurs que pour le gouvernement était très élevé. « Cela nous a fait réaliser que nous étions très en dessous de la moyenne nationale quant au délai avant le retour au travail des employés dans les deux premières années, explique Mme Harvey. La raison de cette piètre performance était que trop de joueurs étaient impliqués »

En effet, VCH faisait alors affaire avec la Great-West et un autre organisme qui était responsable des demandes d’indemnisation. L’une des recommandations de l’audit du gouvernement britanno-colombien était que la gestion de l’invalidité se fasse à l’interne. C’est pourquoi Mme Harvey a commencé à mettre sur pied un projet sur cinq ans, qui, espérait-elle, permettrait à VCH d’économiser des millions de dollars.

Premiers changements
En janvier 2009, VCH a mis en place la phase 1 du programme redéfini de la gestion de l’invalidité. « On devait mettre l’accent sur l’intervention rapide », précise Anne Harvey. La première étape était de négocier et de conclure une entente avec le syndicat afin qu’ils participent aux programmes. Ensuite Mme Harvey a utilisé les ressources internes afin de mettre en place un système d’intervention direct pour les employés. « Si quelqu’un était absent cinq ou sept quarts de travail consécutifs, nous les contactions à la maison pour savoir ce qui c’était passé, quels traitements ils étaient en train de suivre et nous leur demandions si nous pouvions les aider en leur donnant un accès rapide à un médecin, un thérapeute ou d’autres spécialistes », explique-t-elle. Le but était que les employés reviennent plus rapidement au travail.

Les cadres supérieurs du secteur de la santé de la Colombie-Britannique n’étaient pas très encourageants au début, dit Anne Harvey. « Ils ne nous ont pas accordé leur confiance aisément. Il a fallu construire ce lien de confiance. Le plus difficile a été d’informer les cadres supérieurs afin qu’ils développent une connaissance suffisante des problèmes liés à l’invalidité. » Selon elle, c’est la tenue de l’audit du gouvernement provincial qui a été un facteur déterminant pour convaincre l’industrie du bien-fondé d’une refonte du programme.

Ces cadres supérieurs sont rapidement devenus des partisans. « En six mois, nous avions réduit de moitié le délai entre le moment et les employés quittait et celui où nous les contactions », ajoute la vice-présidente des ressources humaines de VCH. En effet, le délai est passé d’une moyenne de 40 jours à 15 jours. Même chose pour la période d’absences des employés, qui est passée d’environ 113 jours à une moyenne de 62 jours.

« À la fin de 2010, nous pouvions constater que nous avions économisé plus de 500 000 $ et que nos demandes d’indemnisation pour l’invalidité longue durée étaient en baisse », affirme Anne Harvey. À la fin de 2011, le programme avait permis à VCH d’économiser plus de 2,5 millions de dollars, tant dans les dépenses reliées à la baisse de la productivité, que elles liés à l’absentéisme ou à l’assurance invalidité.

Conséquences involontaires
Le succès de la gestion interne du programme d’invalidité a rapidement été éclipsé. « En décembre 2010, nous avons réalisé que nous avions quelques problèmes majeurs, se rappelle Anne Harvey. C’était beaucoup plus de travail que nous l’avions anticipé. »

La petite équipe d’agents chargés des cas était débordée et les demandes d’indemnisation s’empilaient de plus en plus. La base de données où étaient stockées les informations sur les problèmes de santé et sur les plans de traitement des employés a planté. « Nous avons installé une nouvelle base de données et ainsi eu une idée plus claire du travail à faire », ajoute-t-elle.

Alors que l’accent mis sur l’intervention rapide donnait de bons résultats, ce n’est pas tout le monde qui était satisfait. Ce programme ciblait seulement les employés qui étaient en congé de maladie prolongé et les aidait à retourner au travail avant que l’assurance invalidité soit nécessaire. Les cadres, les syndicats et les employés se sont plaints que ce qui était trop long, c’était le temps que prenaient les employés déjà en invalidité à revenir au travail à temps plein.

Redéfinir le plan redéfini
VCH a donc mis en place en 2011 la phase 2 de son programme. « Nous avons donc fait un plan d’affaires destiné aux cadres supérieurs démontrant notre besoin d’embaucher de nouveaux employés et la nécessité de faire des changements aux programmes d’assurance invalidité », ajoute Mme Harvey. Avec l’appui des cadres supérieurs, VCH a investi 500 000 $ pour l’embauche de nouveaux employés, dont trois nouveaux agents chargés des cas, un analyste et un assistant pour toute l’équipe.

Anne Harvey et son équipe ont consacré l’année 2011 à évaluer les processus internes et à planifier l’étape suivante. « Cette refonte du programme était beaucoup plus large que notre premier projet. »

Son équipe et elle ont désormais adopté une approche beaucoup plus holistique et ils intègrent bon nombre de programmes dont le but est de venir en aide aux employés qui ont des problèmes de santé ou qui retournent au travail. Les autres programmes sont : un programme qui gère les congés de maladie à court terme, un programme qui aide les employés qui sont au travail, mais qui luttent pour être assidus pour des raisons de santé ou des raisons personnelles et un programme qui aide les employés qui ne peuvent retourner au travail que si leur travail est modifié ou s’ils obtiennent un nouveau travail.

Cette deuxième restructuration du programme a été lancée au début 2012. Mme Harvey soutient que c’est un grand changement de la manière dont VCH gère l’invalidité. Au lieu de dire qu’un employé doit être en santé pour travailler, Mme Harvey veut plutôt qu’on « mette l’accent sur ce que peuvent faire les employés qui sont malades ou blessés ».

Pour que la transition se fasse en douceur, Mme Harvey a choisi comme slogan « Tous, une même équipe ». Le but est que tous les participants affectés par une absence ou un problème d’invalidité − les agents, le RH, l’employé malade, les cadres et les représentants syndicaux − collaborent pour aider l’employé à être productif malgré son problème de santé.

Quatre ans après l’audit du gouvernement qui a inspiré Anne Harvey, elle regarde maintenant devant elle. Elle estime qu’à la fin de cette année, la refonte du programme aura permis des économies de cinq millions de dollars depuis 2008. La pénurie d’employés à VCH sera cependant plus importante, selon les données des RH, mais Mme Harvey est sûre que VCH est désormais bien positionnée pour relever le défi, tout en investissant l’argent économisé grâce au programme de gestion de l’invalidité dans les soins aux patients. Plus important encore, elle se concentre sur l’amélioration des services aux employés malades et blessés au travail et sur le support offert à ceux qui sont en congé afin que leur retour soit plus rapide.

Cet texte est une adaptation d’un texte publié sur BenefitsCanada.ca. Traduction par Anaïs Chabot.