Le gouvernement Legault est ouvert à ajouter des lésions psychologiques et des «maladies de femme» à la liste des maladies professionnelles admissibles à l’indemnisation.

Le ministre du Travail, Jean Boulet, a évoqué cette possibilité mercredi matin, à la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 59, sa réforme de la santé et de la sécurité du travail.

Il répondait à une demande de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), le syndicat représentant les infirmières, qui comparaissait mercredi de façon virtuelle.

«J’ai énormément de sensibilité à cet égard», a déclaré le ministre. Un comité scientifique prévu par le projet de loi pourrait ainsi être chargé de responsabilités précises.

«Est-ce que ce serait envisageable de donner un mandat spécifique au comité scientifique de se pencher sur les lésions psychologiques dans les environnements de travail comme les soins et la santé, ainsi que d’avoir un regard particulier sur les maladies plus spécifiques aux femmes?»

La liste des maladies admises est déjà bonifiée dans le projet de réforme. Ainsi, on ajoutera une présomption pour le trouble de stress post-traumatique, mais pas pour l’épuisement professionnel, et neuf nouveaux cancers professionnels.

«Nous croyons que l’ajout de diagnostic de maladies psychologiques (…) est un incontournable», a plaidé la vice-présidente de la FIQ, Linda Lapointe.

«On est constamment avec une détresse. (…) Plusieurs de nos professionnels sont plus à risque de développer des maladies professionnelles de nature psychologique, telles que le trouble de l’adaptation et la dépression.»

Il est important de mettre à jour cette vieille loi de 40 ans en pensant à l’avenir aussi, pour qu’elle ne tienne pas seulement compte des blessures physiques dans des usines où les travailleurs masculins sont prédominants, a-t-elle poursuivi.

Les membres de la FIQ sont des conjointes, des mères monoparentales, des aidantes naturelles, qui ont une «charge émotionnelle» à gérer hors des milieux de soins, a évoqué Mme Lapointe.

«C’est important d’avoir de nouvelles lunettes plus féministes, que les experts soient plus sensibilisés.»

Le projet de loi 59 vise à mettre l’accent sur la prévention afin de réduire les coûts d’indemnisation.

Les employeurs seraient divisés selon leur taille et entre niveaux de risque faible, modéré et élevé. Et, selon le cas, le nombre de mécanismes de prévention qui s’appliquent à eux variera.

Selon les données de la CNESST, les lésions psychologiques ont augmenté de 67 % au cours des 10 dernières années.

La CNESST a versé des prestations totalisant 2,22 G$ en 2018. Elle avait alors accepté 103 406 lésions professionnelles et enregistré 226 décès. Chaque jour, 251 travailleurs subissent un accident.

Les syndicats mécontents

La Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) part en guerre contre la réforme de la santé et de la sécurité du travail du gouvernement Legault.

Le syndicat lance une offensive contre le projet de loi 59 qui, selon lui, réduit la protection de nombreux travailleurs.

La FTQ exige que le projet de loi soit complètement récrit. Dans un document obtenu par La Presse Canadienne, la FTQ détaille les actions qu’elle posera pour faire reculer le gouvernement.

Elle lancera notamment une campagne de publicités dans les médias écrits, dans les réseaux sociaux, ainsi qu’à la radio avec le chansonnier Daniel Boucher. Un site web, santé-à-rabais.ca, sera aussi mis en ligne pour recueillir les appuis.

Les membres se mobiliseront également devant les 125 bureaux de circonscription des députés de mardi à vendredi.

En vertu des règles que mettrait en place la nouvelle législation, plusieurs catégories de travailleurs seraient moins bien protégées, juge la FTQ.

À titre d’exemple, les travailleurs qui manipulent des explosifs seraient considérés comme étant à faible risque de blessures.

Idem pour les travailleuses de la santé, alors que c’est dans ce secteur qu’il y a le plus d’accidents de travail, selon la FTQ.

«Ce qui est sur la table met clairement en danger la santé et la sécurité des travailleurs, a affirmé le président de la FTQ, Daniel Boyer. Plusieurs absurdités nous font réagir.»

La FTQ demande que les quatre grands mécanismes de prévention soient maintenus: un comité de santé-sécurité, un programme de santé spécifique à l’établissement, un programme de prévention et un représentant à la prévention.

Le syndicat exige aussi que soit maintenue la prépondérance de l’avis du médecin traitant, concernant par exemple le retour au travail de la personne victime de lésions. Or le Conseil du patronat a réclamé exactement le contraire mardi matin devant la commission parlementaire qui étudie le projet de loi.

Le médecin traitant a encore un «rôle trop prépondérant» et cela entraîne des délais et des coûts trop élevés, juge le CPQ.

Par exemple, les décisions de retour au travail ou autres sont influencées par l’avis prépondérant du médecin traitant, plutôt que d’être prises par le gestionnaire du régime, a déploré le président exécutif du conseil d’administration du CPQ, Yves-Thomas Dorval, au cours d’une audience virtuelle.

Le CPQ réclame «d’éliminer les interventions de la santé publique dans les milieux de travail». Il demande plus de pouvoirs pour les employeurs dans un régime de santé et sécurité du travail jugé trop généreux.

«On ne dit pas que la contribution de la santé publique au travail ne doit pas être là, (…) mais l’intervention de quelqu’un dans le milieu de travail, cela relève du milieu de travail et non pas de gens qui sont à l’extérieur», a plaidé M. Dorval.

Il répondait à une question du député péquiste Sylvain Roy, qui s’étonnait de cette revendication. La santé publique s’inquiète de conflits d’intérêts potentiels de médecins qui seraient engagés par les entreprises, a évoqué le porte-parole du PQ.

«On éliminerait la santé publique, qui est indépendante, et on embaucherait des médecins qui pourraient aussi avoir le mandat de contester des demandes d’indemnisation.»

De plus, le CPQ refuse un des aspects de la réforme, qui confie à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) le processus de réadaptation et la détermination de l’emploi convenable pour le salarié revenant au travail.

Par ailleurs, le CPQ demande de retirer le Programme de maternité sans danger du régime d’indemnisation actuel.

Ce programme de retrait préventif coûte 240 M$ par an, entièrement assumé par les employeurs, comme l’ensemble du régime de santé et sécurité du travail. Le CPQ réclame qu’il soit transféré au programme fédéral d’assurance-emploi, comme dans d’autres provinces.