Jacques, 51 ans, est superviseur d’une équipe de techniciens. Une restructuration l’amène à gérer plus d’employés et il compose difficilement avec ses nouvelles ressources. Il a toujours le sentiment de ne pas avoir de contrôle sur son travail. Après une absence de quelques jours, il vous informe de son arrêt de travail pour un trouble d’adaptation avec humeur anxieuse.

Marie, 39 ans, est comptable. Elle vit plusieurs difficultés avec son adolescent. Elle s’absente souvent, pleure beaucoup et est moins productive au travail car elle ventile sur sa situation avec ses collègues. À la suite d’une discussion houleuse avec son superviseur, qui souhaitait identifier des solutions pour assurer sa présence productive au travail, Marie vous avise d’un arrêt de travail pour dépression. Elle est en arrêt depuis maintenant six mois.

La situation de Jacques et Marie n’a rien d’exceptionnel; selon des données de la Direction de la santé publique de Montréal-Centre, 30 % à 50 % des absences du travail sont liées à des problèmes de santé psychologique. Bien que fréquente, leur situation n’en est pas moins complexe pour leur employeur, qui devra les accompagner durant leur invalidité et leur retour au travail.

Les absences liées à une problématique de santé psychologique représentent fréquemment un casse-tête délicat et complexe à résoudre car elles sont influencées par de nombreux facteurs personnels, professionnels, cognitifs et physiques. De par leur nature très personnelle et la souffrance émotionnelle qu’elles impliquent, elles sont bien souvent inconfortables à gérer pour les employeurs qui, conséquemment, peuvent avoir tendance à limiter leur implication dans les dossiers et le suivi. Cela est une erreur. En effet, les absences pour motif de santé psychologique durent généralement plus longtemps que celles liées à un problème musculosquelettique, rendant essentiel le suivi assidu et la mise en place d’actions stratégiques pour favoriser le retour au travail (RAT). Mais comment accompagner Jacques et Marie pour favoriser leur RAT, tout en respectant l’aspect très personnel et privé de leur souffrance?

L’objectif de la démarche n’est pas d’accommoder aveuglément l’employé ni de lui imposer un cadre strict qui risque de mener à la récidive, mais bien de trouver un compromis favorisant le RAT sécuritaire et durable. Et, rappelez-vous, il est contre-productif d’aborder ce processus comme une guerre à gagner contre l’employé. La confrontation mène généralement à l’impasse et l’échec. Cela fait augmenter le stress de l’employé, ce qui intensifie généralement ses symptômes psychologiques, ce qui légitime la poursuite de l’absence.

Soyez stratégique ! Même si vous aurez parfois l’impression que votre orgueil organisationnel en prend un coup, il vaut mieux s’ajuster un peu à l’employé et faire des compromis calculés. Vous en sortirez gagnant : votre employé reviendra plus rapidement au travail.

La clé du succès est de trouver des solutions saines pour l’employé et l’organisation, qui lui permettent de reprendre son emploi et de retrouver confiance en ses capacités. Stratégie, flexibilité et ouverture feront toute la différence!

Six conseils qui faciliteront le retour au travail rapide et durable1. Tout est une question d’attitude!
Avant tout, peu importe vos interventions pour favoriser le RAT, leur efficacité sera déterminée en grande partie par l’attitude avec laquelle vous aborderez la démarche. Une attitude d’ouverture, de respect et de collaboration sera gagnante. À l’inverse, si la situation est abordée dans un esprit de confrontation, de doute ou avec un désir de faire valoir votre point de vue au détriment de celui de l’autre, la démarche sera plus ardue. Soyez stratégique et abordez cette démarche comme un travail d’équipe où les compromis seront gages de réussite.2. Faites vivre le lien d’emploi
Dès le début de l’absence, amorcez un suivi avec l’employé. Bien qu’il soit avantageux que ce soit le superviseur immédiat qui maintienne le contact avec l’employé, n’hésitez pas à identifier la meilleure personne dans l’organisation pour réaliser ce suivi. Ce suivi devra être sans pression pour le RAT et viser à faire vivre le lien d’emploi. Convenez avec l’employé des objectifs et de la fréquence du suivi, cela diminuera les perceptions de harcèlement/intrusion. Ainsi, contactez Jacques et Marie pour prendre de leurs nouvelles et vérifiez s’ils ont tous les soins dont ils ont besoin pour améliorer leur santé. Quels que soient les soins reçus par Jacques et Marie (suivi assidu d’un médecin ou psychologue, médication), ils doivent les aider à améliorer leurs capacités autant que leur humeur. Sinon, offrez-leur votre aide ou proposez-leur de communiquer avec leur assureur pour les aider à accéder à ces soins. À travers ce suivi, vous aiderez votre employé tout en vous assurant que la situation s’améliore vers le RAT ou que des soins lui sont offerts en ce sens. L’assureur sera un bon allié dans cette démarche.3. Préparez concrètement le RAT
La situation s’améliore et le RAT est envisagé? Préparez-le! Le processus de RAT après une période d’invalidité est stressant pour l’employé, mais peut également l’être pour vous, gestionnaire. Vous devez accueillir votre employé et jongler avec ses besoins ainsi qu’avec les contraintes nécessaires pour assurer la productivité et le bien être du reste de l’équipe. Pour bien se préparer, il faut discuter avec l’employé pour connaître ses attentes, appréhensions et besoins concernant son RAT. N’hésitez alors pas à lui poser des questions même si le terrain peut sembler glissant; il est souhaitable de poser des questions centrées sur la sphère du travail et les moyens qui faciliteront le retour à l’emploi. C’est un bon moment pour écouter sans juger, ce qui peut paraître simple mais devient ardu lorsque les propos sont émotifs ou irréalistes. Dans ces moments, l’écoute sans jugement est d’autant plus importante pour comprendre ce avec quoi vous composerez pour la gestion du RAT de votre employé. Ceci fait, il est ensuite impératif de présenter votre contexte organisationnel et les contraintes existantes. C’est le moment de clarifier avec Jacques et Marie vos attentes et les limites de votre flexibilité.4. Impasse? Responsabilisez
Dans certains cas, les attentes de l’employé seront incompatibles avec vos contraintes. Par exemple, Marie exige une grande latitude dans son horaire pour gérer la situation avec son fils et souhaite relever d’un autre gestionnaire. Jacques, quant à lui, veut se concentrer sur la gestion de la production sans gérer les employés. Il est parfois impossible, et peu souhaitable, d’accommoder toutes les demandes des employés. Avec tact et respect, il faudra départager, et nommer clairement à Jacques et Marie, leurs responsabilités de celles de l’employeur. Marie a la responsabilité de trouver des solutions et du soutien personnel pour gérer sa situation familiale. Son employeur a, quant à lui, la responsabilité de prendre des mesures pour gérer les tensions avec le gestionnaire. Jacques doit choisir de rester à son poste, qui implique la gestion des employés, et de s’outiller pour être plus confortable. Par ailleurs, son employeur pourra lui offrir de l’aide dans son nouveau rôle.5. Obtenez la collaboration
Considérez que, plus l’employé sera impliqué dans la démarche, plus il s’appropriera les solutions mises de l’avant. Ainsi, sollicitez son aide pour identifier des solutions et des compromis pour faciliter son RAT. Tenez compte de ses attentes et besoins dans la recherche de solutions (ex. formation, aide d’un collègue, accommodations d’horaire ou de tâches). Les solutions doivent permettre de gérer les éléments du travail ayant contribué à la problématique à l’origine de l’arrêt de travail (Jacques) ou d’assouplir les exigences du travail pour la personne en situation de vulnérabilité (Marie). Elles doivent considérer autant les besoins de l’employé que le contexte de travail (ex. exigences de productivité, période de pointe, changements au poste, conflits, etc.). Finalement, le RAT doit être cohérent avec les capacités de l’employé et être significatif pour lui. La reprise progressive des tâches est souvent une bonne solution : elle permet de se réhabituer au travail, de développer progressivement les capacités nécessaires à la réalisation des tâches et de diminuer le stress.

6. N’oubliez pas l’équipe
Finalement, avant le RAT de votre employé, préparez l’équipe en l’avisant de la date du retour et des modalités mises en place. Sollicitez l’opinion des gens qui seront directement impliqués. Une fois l’employé en poste, faites un suivi pour déterminer comment se déroule le retour. N’hésitez pas à ajuster les moyens mis en place pour faciliter le RAT.

Karine St-Jean, Ph. D., est conseillère principale, Services santé psychologique, pour L’équipe Entrac.