Le cas d’Earl Jones ressemble étrangement à celui de Bernard Madoff et à ceux de Jérôme Kerviel, le négociateur arbitragiste de la Société Générale qui a causé des pertes de 4,9 milliards € à la Société Générale en 2008, et de Nick Leeson, le négociateur en dérivés qui avait entraîné la perte de 1,4 milliard US$ en 1995 à la banque Barings.

Tous ces cas ressemblent étrangement à l’histoire de Leeson. Après une série de bonnes années comme trader à Singapour, une collège a commis l’erreur de vendre des contrats à terme au lieu de les acheter, une inversion d’ordre qui arrive souvent sur le marché où tout doit se faire de plus en plus rapidement. La perte était de 20 000 livres. Pour cacher cette erreur, Leeson, qui agissait comme négociateur en chef, a créé un compte d’erreurs, le 88888, dont le chiffre huit est le symbole de la chance dans l’univers chinois. Cependant, au lieu de colmater la brèche par des opérations de couverture visant à effacer le déficit, Leeson a contribué à l’ouvrir encore davantage. De pertes en pertes, le déficit s’est creusé et Leeson dut prendre des risques sans cesse plus élevés pour tenter de rattraper le tout. À la fin de l992, les pertes accumulées atteignaient déjà 2 millions £, puis 208 millions £ à la fin de 1994. Mais il était déjà trop tard. La perte a triplé en 1995 lorsque la panique s’est emparée des marchés japonais après le tremblement de terre à Kobe. Tout était fini pour Leeson et sa banque, l’une des plus vieilles institutions anglaises.

Rien ne permet de croire que Leeson, incarcéré et puis hospitalisé, a pu profiter de quelque manière que ce soit de ses transactions secrètes. Il en va de même pour Kerviel, dont les transactions étaient pourtant connues de ses responsables immédiats. Lui-même a admis que le déficit s’est creusé après qu’il se soit lancé dans une course effrénée pour rattraper les cours. Mais il était trop tard. Ces exemples ressemblent étrangement à ceux de Toshihide Iguchi, qui a fait perdre 1,1 milliard US$ à la Daiwa Bank, en 1995, de Yasuo Hamanaka, qui a causé des pertes de 2,6 milliards au groupe Sumitomo, en 1997, et de John Rusnak, un trader américain qui a fait perdre 700 million US$ à l’Allied Irish Bank, en 2002.

Des individus au départ sans reproche
Le cheminement de ces gestionnaires laisse entendre que ceux-ci ont été fiables pendant nombre d’années avant de commettre une erreur. Ils ont voulu couvrir leur faute soit en camouflant des transactions non autorisées, soit en pigeant « temporairement » dans des comptes clients en espérant de « se refaire » pour revenir dans le droit chemin. C’est ce qui expliquerait en bonne partie la surprise générale lorsque leurs détournements sont mis au jour. Ces professionnels sont loin d’être des victimes et certains d’entre eux en ont profité de manière honteuse. Mais tous ces cas illustrent le fait que la fraude n’a pas eu lieu d’un coup, que cela n’a pas été prémédité dès le départ et qu’elle résulte plutôt d’une série d’actes de négligence, suivis par des opérations non autorisées qui ont abouti à des fraudes complètes.

Les fraudes sont souvent spectaculaires et retiennent longtemps l’attention des médias. Cependant, les actes de négligence fiduciaire qui leur donnent naissance sont beaucoup plus nombreux et coûtent beaucoup plus cher que les fraudes, car ces actes affectent un bien plus grand nombre d’investisseurs. Comme ces actes sont incolores, indolores et insonores, peu visibles à l’œil nu en raison de leur caractère infime, du type goutte-à-goutte, qui fait beaucoup moins de bruit. Et les recours des investisseurs sont également plus difficiles à faire valoir, car la présomption de culpabilité paraît plus douteuse.

Un fonds d’indemnisation : qu’en pensez-vous ?

Voilà pourquoi le Fonds d’indemnisation propose de protéger les investisseurs, petits et grands, contre la fraude mais aussi contre les actes de négligence qui entraînent souvent des fraudes. En effet, la responsabilité fiduciaire de tout professionnel comprend une obligation de moyens qui s’expriment par une diligence et une prudence de personne raisonnable. La question est de savoir comment. Tous les actes devraient-ils être couverts ? Est-ce possible de délimiter ces actes ? Faudrait-il s’en tenir à tous les actes qui vont à l’encontre des conditions de mandat de gestion ? Et quel rôle devrait jouer le gardien de valeurs dans une telle situation ?

Cette consultation est lancée par la Coalition pour la protection des investisseurs, un groupe de professionnels et d’universitaires créé en 2006 pour « éviter d’autres Norbourg » et qui fait la promotion d’un fonds d’indemnisation. En collaboration avec Les Éditions Rogers ltée, cette consultation dure tout l’été et sera complétée par un sondage qui sera réalisé au cours de la deuxième moitié de septembre.

La Coalition pour la protection des investisseurs et Les Éditions Rogers ltée vous invitent à vous prononcer à ce sujet en nous écrivant à :

Alexandre Daudelin
rédacteur en chef
Revue Avantages

Site officiel :

• Coalition pour la protection des investisseurs

Robert Pouliot est coordonnateur de FidRisk, membre de la Coalition pour la protection des investisseurs et chargé de cours à l’École des sciences de gestion de l’UQAM.