Les enquêtes réalisées par Protégez-vous et l’émission de télévision La Facture ont démontré que la libre concurrence entre pharmacies ne suffit pas à contrôler les montants réclamés aux assurés des régimes privés. On observe des différences importantes entre pharmacies quant aux prix facturés aux assurés des régimes privés et ils sont généralement plus élevés que ceux réclamés à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), pour une même ordonnance. Rappelons qu’au Québec, les régimes privés ne bénéficient pas d’un prix négocié entre le gouvernement et l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) et ils sont assujettis à des règles qui limitent l’efficacité du contrôle des coûts.

Les statistiques attestent d’ailleurs que la réduction du prix des génériques ne s’est pas traduite par une baisse proportionnelle des montants réclamés aux assurés des régimes privés et suggèrent que les pharmaciens ont augmenté leurs honoraires ou leur marge bénéficiaire. Prenons comme exemple deux situations d’achats de médicaments présentées par Normand Cadieux, directeur général de l’AQPP, lors de la dernière conférence régionale de l’Institut canadien de la retraite et des avantages sociaux (ICRA) au Québec.

Dans le premier exemple, le pharmacien réclame un montant de 47,15 $ pour 30 comprimés du générique de Plavix (clopidogrel). Le coût du médicament étant de 21,01 $, le pharmacien facture des honoraires et une marge totalisant 26,14 $ ou 124 % du prix coûtant, ce qui est malheureusement courant depuis que le coût des génériques est passé de 50 % à 25 % du prix de l’original.

C’est la raison pour laquelle un nombre croissant de régimes adoptent ou envisagent de mettre en place la gestion d’un montant maximum admissible. Ainsi, si le régime prévoyait une marge maximum de 20 % (comparativement à 0 % pour la RAMQ) et des honoraires de 10 $ (comparativement à 8,44 $ pour la RAMQ), l’assuré aurait dû payer la différence entre le montant maximum admissible de 35,21 $ et 47,15 $, soit 11,94 $, à moins que le pharmacien ne révise à la baisse le montant facturé. Cet excédent aurait été payé par l’assuré en sus de la coassurance prévue par le régime, qui est disons de 10 %. Le déboursé de l’assuré auront donc été de 15,46 $, soit 11,94 $ d’excédent et 3,52 $ de coassurance, plutôt que 4,71 $ ou 10 % du montant réclamé. Toutefois, en raison de l’obligation légale de limiter le déboursé à 32 % du montant réclamé, en bout de ligne, l’assuré n’aurait payé que 15,08 $.

Dans le deuxième exemple, le pharmacien a réclamé 97,80 $ pour l’original de 30 comprimés de Plavix, dont le coût est de 84,71 $. Le pharmacien a facturé des honoraires et une marge totalisant 13,09 $ ou 15 % du prix coûtant, comparativement à 124 % pour le générique. Dans la mesure où le montant réclamé est inférieur au maximum autorisé, l’assuré n’a aucun excédent à payer et son déboursé est limité à la coassurance, soit un montant de 9,78 $. Le coût pour le régime est beaucoup plus élevé et cette situation motive l’assuré à acheter l’original du Plavix plutôt que son générique.

Générique
clopidogrel (sans contrôle)
Générique
clopidogrel (avec contrôle)
Original
Plavix
Coût de 30 comprimés19,73 $19,73 $79,54 $
Frais de distribution (6,5 %)1,28 $1,28 $5,17 $
Marge / honoraires26,14 $14.20 $13,09 $
Total pour 30 comprimés47,15 $35.21 $97,80 $
Part de l’employé (10 %)4.71 $15.45 $9.78 $
Source : Calculs effectués par Mercer sur la base de la liste AQPP, en vigueur en juillet 2012

Ces deux exemples démontrent que lorsqu’on implante la gestion d’un montant maximum admissible pour contrôler les montants réclamés par les pharmaciens, le régime doit également prévoir le remboursement du médicament original, au coût du générique pour éliminer le risque que l’assuré achète l’original afin de ne pas avoir à payer un excédent. Même si l’obligation de rembourser 68 % du montant réclamé limite l’efficacité de ces contrôles, les régimes sont toujours gagnants : l’assuré est motivé à acheter le générique et les montants de remboursement sont moindres, ex. : 32,06 $ (68 % de 47,15 $) plutôt que 66,50 $ (68 % de 97,80 $).

En conclusion, l’examen des deux exemples permet de constater que :

  • les régimes qui désirent bénéficier de la baisse du prix des génériques ont intérêt à contrôler le montant réclamé par le pharmacien en implantant la gestion d’un montant maximum admissible;
  • ce contrôle doit être combiné à une clause de substitution générique obligatoire pour éviter le glissement vers le médicament original, à moins que le coût du médicament d’origine ne soit moindre que celui du médicament générique; et
  • les régimes privés devraient revendiquer l’élimination de l’obligation de rembourser 68 % du montant réclamé par les pharmaciens et de cumuler tous les déboursés résultant de l’implantation de contrôles, d’autant que la RAMQ échappe à cette obligation et bénéficie d’une entente négociée avec l’AQPP.

Des solutions sont disponibles, mais la conception du régime doit être optimale et les iniquités dans les règles de fonctionnement entre la RAMQ et les régimes privés doivent être éliminées.

Pour en lire plus à ce sujet, veuillez consulter l’article sur la réforme du prix des médicaments génériques publié dans l’édition de novembre 2012 du magazine Avantages en cliquant ici.

Johanne Brosseau est conseillère principale chez Mercer