La population ne commencera probablement à appuyer un plan de sauvetage de Wall Street que lorsqu’elle ressentira directement les effets désastreux de cette crise bancaire et, quand viendra ce moment, le système financier mondial pourrait avoir subi des dommages systémiques, selon un nouveau rapport de Marchés mondiaux CIBC.
«En cédant au scepticisme de l’Américain moyen, les membres du Congrès ont rejeté le plan de sauvetage de Wall Street, laissant le système financier de leur pays, voire du monde entier, exposé à de nouvelles baisses de prix sur le marché de l’habitation aux Etats-Unis», a indiqué Jeff Rubin, économiste en chef et stratège en chef, Marchés mondiaux CIBC.
M. Rubin a déclaré que le rejet du plan de sauvetage par le Congrès est le reflet du gouffre, énorme et de plus en plus profond, qui sépare les financiers de Wall Street du peuple américain. «Malgré la liste de plus en plus longue de banques qui ont dû déclarer faillite aux États-Unis et l’augmentation des écarts de crédit, particulièrement pour les institutions financières elles-mêmes, la crise qui touche Wall Street n’a pas encore eu de répercussions importantes sur l’Américain moyen.»
Comme le fait remarquer M.Rubin, les taux d’intérêt sur les prêts hypothécaires à taux variable ont augmenté de presque un point de pourcentage aux États-Unis, les prêts-auto sont de plus en plus difficiles à obtenir et les contrats de location pour des véhicules très énergivores sont pratiquement chose du passé. Pourtant, comme les pertes d’emplois et de production industrielle sont minimes jusqu’à maintenant, l’Américain moyen n’a pas encore beaucoup souffert de la crise qui saisit les marchés financiers.
«C’est la nature très bénigne du ralentissement actuel de l’économie en général qui pourrait constituer le plus grave danger à l’avenir, a affirmé M. Rubin. Sans une détérioration marquée du taux de chômage ou de la croissance du PIB, le peuple américain pourrait bien demeurer indifférent aux malheurs de Wall Street. Il faudra peut-être attendre un trimestre ou deux avant que l’Américain moyen ne ressente tout l’impact des déboires de ses institutions financières.»
La crainte de M.Rubin est que le système financier ne soit pas en mesure de surnager assez longtemps pour qu’ayant assez souffert, l’Américain moyen adhère à un plan de sauvetage. Voilà pourquoi un tel plan doit être mis en place dès maintenant, avant que des dommages systémiques n’aient été subis.
Bien que ni l’économie ni le marché de l’habitation du Canada ne soient aussi exposés que leurs équivalents américains à la crise financière qui secoue les États-Unis, les soubresauts de l’indice TSX observés depuis quelque temps montrent que ce dernier est beaucoup plus vulnérable à la crise que le Dow Jones ou le S&P 500.
«Les craintes concernant un effondrement des marchés financiers détournent les investisseurs des produits de base, a constaté M. Rubin. Les fluctuations importantes qu’a subies récemment le prix du pétrole mettent en évidence le fait que les craintes qu’inspire le bilan financier toxique des entreprises de Wall Street peuvent s’étendre à d’autres marchés, même lorsque ceux-ci sont fondamentalement peu liés entre eux.»
M.Rubin attire l’attention sur le fait que la demande mondiale de pétrole ne semble pas près de ralentir puisque les ventes mondiales d’automobiles sont en voie d’atteindre des niveaux record pour la septième année d’affilée. La demande d’automobiles, et du pétrole qui permet de les faire rouler, est encore en pleine expansion au Brésil, en Russie, en Inde et en Chine.
L’auteur du rapport de Marchés mondiaux CIBC souligne également que, même si le prix de l’habitation se stabilise au Canada, il n’y a pas vraiment lieu de craindre un effondrement comme celui qu’on observe aux États-Unis. Dans ce pays, le prix de l’habitation recule depuis deux ans, la baisse cumulative se situant à 18% à ce jour, ce qui laisse entrevoir une correction éventuelle de 25%.
Selon le rapport, à tous les égards, les ménages américains étaient plus vulnérables que les ménages canadiens à la crise de l’habitation en raison de leur endettement qui est plus important et de la valeur nette de leur patrimoine qui est beaucoup moins élevée.