Les biosimilaires et les tests pharmacogénétiques suscitent beaucoup d’intérêt mais leur adoption par les régimes privés et publics se fait attendre.

Même si la thérapie par étape demeure la stratégie habituelle pour gérer les coûts des régimes d’assurance médicaments, l’essor des tests pharmacogénétiques suscite beaucoup l’intérêt des promoteurs de régime. Sandra Ventin, vice-présidente adjointe à Accompass, constate qu’il existe en effet plus d’informations quant aux produits disponibles. « Je pense que le secteur de l’assurance s’éveille à l’utilité de cette technologie pour trouver le bon médicament et s’assurer du respect du traitement. »

Au cours des deux dernières années, quelques assureurs ont lancé des projets pilotes pour tester la technologie, en partenariat avec des sociétés du secteur pharmacogénétique. Pour Barbara Martinez, chef de pratique, solutions en assurance médicaments à la Great-West, celle-ci est attrayante parce qu’elle pourrait réduire le gaspillage financier causé par les patients qui essaient des médicaments qui ne fonctionnent pas.

Malgré l’intérêt qu’elle suscite, de nombreux employeurs en savent encore peu sur la pharmacogénétique, notamment quant à son utilisation dans le cadre d’un régime d’assurance collective. Arthur Chung, président-directeur général de la BC Construction Association Employee Benefit Trust, estime que la situation évoluera à mesure que les données deviendront disponibles. Bien que les tests pharmacogénétiques puissent accroître l’observance du traitement, ajoute-t-il, ils représenteront un coût supplémentaire pour les régimes déjà aux prises avec des dépenses élevées en médicaments.

Utiliser les technologies pharmacogénétiques comme mesure de prévention pourrait par ailleurs s’avérer difficile, notamment en raison de la Loi sur la non-discrimination génétique. Celle-ci interdit aux assureurs canadiens d’obliger les participants à se soumettre à des tests génétiques, sauf dans certaines circonstances. Les employeurs pourraient toutefois offrir le service sur une base volontaire, note Sandra Ventin.

Mark Faiz, président-directeur général de Personalized Prescribing, suggère de permettre l’accès à de tels services par l’entremise d’un programme d’aide aux employés. Ainsi, un employé pourrait contacter un fournisseur sans que son employeur soit au courant de qui a utilisé le service ni pour quelles raisons, comme c’est le cas pour les consultations psychologiques.

« Chaque médicament est tellement unique quant à la population visée, à la maladie, au prix. Chacun a ses propres composantes et nous voulons nous assurer de nous concentrer sur chacune individuellement. »

Donna Carbell, Manuvie

Faible utilisation des biosimilaires

Selon Christine Than, conseillère principale en solutions médicament à Aon Canada, les biosimilaires constituent un autre secteur qui aura une incidence sur les régimes d’assurance médicaments dans les années à venir. Aujourd’hui, ils représentent moins de 5 % des ventes mondiales de médicaments d’ordonnance. « Les médicaments de spécialité et biologiques représentent une partie importante des coûts et, malheureusement, les médecins et les patients n’ont pas adopté les biosimilaires au rythme qu’on souhaitait voir », explique-t-elle, ajoutant qu’il est plus complexe de les obtenir que les génériques.

« Dans le cas de ces derniers, le patient se présente à la pharmacie et le pharmacien lui demande : « Voulez-vous changer pour le générique ou rester avec le médicament de marque ? » La décision se fait ainsi au moment de l’achat, et ce, sans intervention du médecin. Dans le cas du biosimilaire, il faut l’approbation du médecin, qui doit émettre l’ordonnance et suivre le patient pendant la transition [d’un médicament à l’autre]. »

Mais de nombreux médecins hésitent à modifier le traitement, note Mme Than. D’autres remplacent par ailleurs un médicament biologique par un autre pour traiter la même maladie, ce qui affaiblit encore plus l’adoption des biosimilaires.

À la Great-West, on fait l’évaluation des biosimilaires qui arrivent sur le marché afin de déterminer s’il y a lieu de conclure un entente d’homologation, de limiter le remboursement du biologique au prix du biosimilaire ou d’adopter une combinaison de ces approches. Barbara Martinez note qu’une approche unique ne fonctionne pas parce que les biosimilaires sont « très différents les uns des autres ».

Donna Carbell, chef, assurance collective à Manuvie, abonde dans le même sens. « Chaque médicament est tellement unique quant à la population visée, à la maladie, au prix. Chacun a ses propres composantes et nous voulons nous assurer de nous concentrer sur chacune individuellement. »

Alors que les médicaments génériques sont équivalents à ceux de marque, la situation est moins claire dans le cas des biosimilaires. Ceux-ci contiennent des ingrédients semblables, mais pas identiques au médicament biologique de référence. Aussi, les biologiques sont constitués de cellules vivantes au lieu de produits chimiques et ont une composition plus complexe que les médicaments à petits molécules.

Toutefois, sur le plan de l’efficacité et la sécurité des médicaments, la différence entre biologiques et biosimilaires est peu marquée, tranche Jim Keon, président de l’Association canadienne du médicament générique et de Biosimilaires Canada. Plus de régimes publics et privés adopteront les biosimilaires, estime-t-il, mais le processus risque d’être lent. « Je crois que beaucoup de régimes privés attendent pour voir ce que feront les gouvernements avant d’agir. Mais nous avons mis des efforts pour encourager les assureurs à examiner leurs coûts, ainsi que les données probantes sur l’efficacité et l’innocuité des biosimilaires. »

Les régimes publics ont certes une influence importante sur les habitudes en matière d’ordonnances, convient Christine Than.

Si ceux-ci décident de favoriser les biosimilaires, les médecins seraient peut-être plus susceptibles de les prescrire à un patient couvert au public. « Et quand ils se sentiront plus à l’aise avec de telles ordonnances, ils le seront à l’égard de tous leurs patients, donc ceux couverts par un régime privé. »

Pour Jim Keon, l’absence d’un modèle clair de prix pour les biosimilaires pose un problème aux régimes publics. « Comme il s’agit de nouveaux produits, on n’a pas de modèle de prix, donc chacun est traité séparément et il y a une négociation distincte entre le fournisseur et l’Alliance pharmaceutique pancanadienne, dit-il. Celle-ci peut être longue, ce qui ralentit encore plus l’arrivée des biosimilaires sur le marché. »

En 2018, l’Alliance a exprimé son intérêt en faveur de la création d’un cadre de négociation des prix pour les biosimilaires et biologiques, note M. Keon. Aussi, Santé Canada et l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé collaborent pour que cette dernière puisse examiner les biosimilaires avant l’approbation par Santé Canada.

Sandra Ventin soutient que la plupart des promoteurs de régime ne mettent pas l’accent sur la consommation de médicaments biologiques ou biosimilaires, mais plutôt sur la capacité du régime à maintenir les participants en santé au meilleur coût. « Pour l’employeur, la question se résume à : « Est-ce vraiment le prix le plus bas pour le médicament dont le patient a besoin ? » Voilà un enjeu plus pressant que de connaître la politique [en matière de biosimilaires]. »

« Nous voulons nous assurer que le traitement que reçoivent nos employés offre de bons résultats afin qu’ils puissent retourner travailler et être productifs », renchérit pour sa part Arthur Chung.

En même temps, les promoteurs sont plus nombreux à inclure les participants dans leur approche de réduction des coûts. M. Chung explique qu’on les forme sur ce qu’ils peuvent faire pour diminuer les coûts, comme le choix de leur pharmacie.

Le défi d’impliquer les employés est certes majeur, ajoute-t-il. « La seule façon d’y parvenir, c’est l’éducation par le biais de communications et de rappels périodiques. Sinon, il n’y a pas grand-chose d’autre à faire, à part peut-être ajouter des options de thérapie par étape ou de substitution générique,
par exemple. »

De leur côté, les assureurs se servent de la technologie pour faire des employés de meilleurs « consommateurs » de leur régime d’assurance médicaments, fait remarquer Donna Carbell. Manuvie a entre autres lancé une appli qui permet aux participants de trouver la pharmacie la plus proche. « La plus grande partie de notre investissement dans la technologie a été de créer une expérience personnalisée afin d’être en mesure de donner des informations en temps réel. »

Par ailleurs, Mme Carbell rappelle l’importance des médicaments traditionnels, qui continuent de représenter 70 % des dépenses en médicaments. « Le coût global est élevé et ils s’adressent à une proportion importante des employés, dit-elle. Et ils sont liés à un nombre important de maladies chroniques. »

Le plus grand défi que posent les médicaments d’ordonnance, estime Arthur Chung, est qu’ils sont fortement influencés par le gouvernement, et les politiques et règlements du marché. Inévitablement, leur coût sous-tend toute décision de modifier un régime d’assurance collective. « Cela a un impact direct, affirme-t-il. Nous savons que le salaire est une priorité en matière de rémunération globale. Mais les régimes d’assurance collective peuvent être menacés si les coûts deviennent trop élevés, et l’employeur doit vraiment décider s’il peut garder sa main-d’œuvre tout en réduisant les coûts. Il doit voir où couper et ce sera probablement das le régime d’assurance collective. »


• Ce texte a été publié dans l’édition de juin 2019 du magazine d’Avantages.
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