Claude Lockhead, Associé exécutif chez Aon

Les régimes de retraite à prestations déterminées (PD) n’ont plus la cote auprès des employeurs du secteur privé. Au ­Canada, moins de 10 % des travailleurs du secteur privé ont désormais accès à ce type de régime, selon ­Statistique ­Canada. Les régimes à cotisation déterminée (CD) ont aussi leurs défauts et ne représentent pas le meilleur moyen d’assurer la retraite des travailleurs.

Depuis plusieurs années, les acteurs de l’industrie font la promotion d’un nouveau régime de retraite – celui à prestations cibles (PC) – qui tire des avantages des deux types de régimes classiques. Au ­Québec, il est accessible depuis 2012 à certaines sociétés papetières seulement. Le gouvernement a annoncé une législation ouvrant la porte à ce régime à tous les employeurs dans un proche avenir.
Un régime de retraite viable offre systématiquement, tant dans des circonstances favorables que défavorables, un niveau adéquat de prestations dans une fourchette acceptable de coûts à long terme. Le régime ­PC répond à cette définition.

Il prévoit une cotisation qui respecte la capacité de payer de l’employeur et des participants. Ensuite, il définit une formule de calcul des prestations semblable aux régimes ­PD. Sous réserve des exigences du cadre légal applicable à ces régimes, la politique de financement devrait prévoir la façon d’ajuster les prestations selon le niveau de financement du régime ainsi qu’établir le niveau de réserve adéquat pour minimiser les fluctuations.

Le succès de ce type de régime repose sur plusieurs éléments :

  • l’équilibre entre le provisionnement et les prestations : des marges (ou réserves) pour écarts défavorables suffisantes pour minimiser les fluctuations mais pas trop élevées afin de favoriser l’équité intergénérationnelle ;
  • le contrôle des coûts : il faut éviter les formules de rente basées sur le salaire de fin de carrière et les retraites anticipées subventionnées ;
  • l’équité entre les participants : il faut éviter des prestations de décès qui varient selon le statut marital au moment de la retraite ;
  • des prestations en cas de cessation de participation qui reflètent la juste part du participant dans l’actif du régime ;
  • une taille suffisante : les risques, dont celui de longévité, étant assumés par les participants, la taille est importante afin de les mettre en commun et ainsi minimiser les fluctuations dues à l’expérience ;
  • une communication claire et régulière aux participants : ­ceux-ci doivent comprendre que la rente peut être réduite en fonction des conditions financières ;
  • une administration conjointe : les participants endossent le risque, ils doivent donc jouer un rôle majeur dans l’administration courante du régime.

Une variante intéressante de ce type de régime est le « ­CD collectif » décrit par ­Robert ­Brown et ­Stephen ­Eadie. Ici, le régime fonctionne comme un ­CD durant la période d’accumulation et le montant accumulé est transformé en prestations cibles au moment de la retraite. Cela garantit l’équité entre les participants avant la retraite et permet la mise en commun des risques, notamment le risque de longévité, durant la phase critique du décaissement. Soulignons que le gouvernement fédéral a proposé l’an dernier des modifications aux règles fiscales afin de permettre ce type de décaissement à partir d’un régime ­CD (fonds de rentes viagères à paiements variables).

Pour améliorer l’accès des travailleurs du secteur privé à un régime de retraite, un régime ­PC de grande taille serait idéal. Un régime interentreprises géré par un conseil de fiduciaires professionnel aurait l’avantage de mettre en commun le risque de longévité pour un grand nombre de participants. De plus, grâce à un actif important, plusieurs autres avantages seraient profitables pour les participants, soit des frais de gestion et d’administration moindres, un accès à des stratégies de placement plus raffinées à un coût raisonnable ainsi qu’une meilleure diversification des risques reliés aux placements.

Le régime ­PC devrait plaire à la fois aux employeurs, en raison de la certitude des coûts et du traitement comptable qui assimile ce type de régime à un ­CD, et aux travailleurs, parce qu’il facilite la planification pour la retraite. Il est primordial de développer la législation pour favoriser la mise en place de ces régimes. Idéalement, l’accès à un régime ­PC interentreprises faciliterait la tâche aux employeurs de petite et moyenne taille.

Claude Lockhead est Associé exécutif, Solutions pour la retraite chez Aon


• Ce texte a été publié dans l’édition de mars 2020 du magazine d’Avantages.
Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web
.