Notre monde a bien changé au cours des dernières semaines. Si dans un environnement plus « normal », il y a beaucoup à gérer pour assurer le bon fonctionnement d’une caisse de retraite, il est facile d’imaginer la hausse du niveau de stress des membres de comités de retraite et des employeurs dans le contexte actuel, lesquels doivent en plus se préoccuper de leur santé et de celle de leurs proches, tant sur le plan physique, psychologique, émotif que financier.

Au moment d’écrire ces lignes, voilà déjà plusieurs semaines que je suis en isolement volontaire, tentant de garder le contact avec ma famille, mes proches, mes col-lègues et, bien sûr, mes clients. Que ce soit par courriel, par appel ou par vidéoconférence, il m’est possible de voir comment différentes organisations sont en mesure de gérer la situation et de redéfinir leurs priorités à court terme. Certaines rencontres de comités de retraite sont repoussées, alors que d’autres sont devancées. Il s’agit d’un moment d’apprentissage à vitesse grand V, où tout le monde doit s’adapter pour être en mesure de non seulement traverser la crise, mais aussi de préparer la suite. Pour ne pas laisser la gestion des caisses de retraite perturber les nuits de sommeil des promoteurs de régime, voici quelques pistes de réflexion.

Dans un premier temps, il demeure important de garder la tête froide. Il faut plus que jamais trouver l’équilibre entre la tentation de mettre en place des changements rapides et draconiens ou, à l’opposé, de tomber dans un certain déni de la situation et croire que les choses se replaceront naturellement. Les conditions de marché seront toujours incertaines et l’avenir, difficile à prédire.

Si certains avaient décidé dans les dernières années de réviser et d’adapter leur modèle opérationnel en ajoutant des ressources internes à temps plein ou en optant pour le passage vers un modèle délégué, d’autres réalisent malheureusement depuis les dernières semaines que leur modèle actuel est mal adapté en gestion de crise, et que le décompte des questions non résolues s’allonge de jour en jour :

  • Quel est le rendement de la caisse depuis le début de la crise ?
  • Est-ce le temps de racheter des actions dans le portefeuille ?
  • Est-ce que je devrais rééquilibrer le portefeuille ?
  • Quand devrais-je négocier afin de trouver la liquidité nécessaire pour les paiements ?
  • Où vais-je trouver le temps d’assister aux nombreux webinaires de mes fournisseurs et de lire leurs multiples mises à jour ?
  • Un de mes gestionnaires a obtenu un rendement très en deçà de l’indice en mars, dois-je mettre fin à son mandat ?
  • Est-ce que je devrais faire une communication spéciale aux participants de notre volet CD ?
  • Où est rendu le degré de solvabilité de mon régime ?
  • Devrais-je devancer ou reporter la prochaine rencontre du comité de retraite ?
  • Que faire si la personne responsable de la gestion de la caisse était sévèrement frappée par la COVID-19 ?

Plusieurs études ont démontré à travers les années les bienfaits d’un modèle de gouvernance efficace dans la gestion d’une caisse de retraite, autant en matière de rendement additionnel que de gestion des risques. Le modèle opérationnel actuel d’une caisse de retraite a fort probablement une incidence importante sur son niveau de résilience depuis le début de 2020.

À la sortie de la crise, plusieurs promoteurs de régime aspireront à ajouter des ressources additionnelles à la gestion et aux activités de leur caisse de retraite, mais n’en auront peut-être pas la latitude. Dans ce contexte, il sera tout de même pertinent d’utiliser les leçons apprises en ce début d’année 2020 pour évaluer les ajustements nécessaires à la structure de gouvernance et aux activités régulières. Le modèle d’investissement délégué pourrait alors s’avérer une option à considérer. Ainsi, les promoteurs de régimes de retraite auront de bien meilleures chances de faire de beaux rêves dans les prochaines années…

Dany Lemay est directeur principal, Investissements chez Willis Towers Watson

• Ce texte a été publié dans l’édition de mai-juin 2020 du magazine Avantages.
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