L’utilisation des fonds à date cible (FDC) continue de croître au pays, alors que de plus en plus de régimes d’accumulation de capital en offrent comme option de placement.

En 2016, la moitié des promoteurs de régime à cotisation déterminée (CD) et de régime enregistré d’­épargne-retraite (REER) collectif proposaient par ailleurs un ­FDC comme option par défaut, selon des recherches menées par le ­Canadian ­Institutional ­Investment ­Network et la ­Great-West. Il s’agissait d’une augmentation par rapport aux taux de 43 % des régimes ­CD et 44 % des ­REER collectifs observés l’année précédente.

Malgré leur popularité, la plupart des ­FDC n’ont pas encore atteint la maturité ; il demeure donc difficile d’en évaluer la capacité de bien financer la retraite des ­Canadiens. De quelles autres options peuvent alors se prévaloir les promoteurs de régime pour améliorer l’offre ?

Alors que la répartition d’actifs de chacun est unique, les ­FDC sont conçus pour assumer plus de risques au début du processus, afin de devenir plus prudents au fur et à mesure que la date cible – la retraite – approche. De façon générale, cela veut dire que le portefeuille du jeune investisseur a une plus grande exposition aux actions, tandis que les obligations prennent plus de place à l’aube de la retraite.

Aussi, la personnalisation permet au participant d’estimer l’année de sa retraite et de choisir le fonds en conséquence.

Mais de nombreuses considérations entrent en jeu, dont l’épargne globale du participant, qui pourrait avoir une incidence sur son profil de risque. Le ­Bureau du surintendant des institutions financières a par ailleurs soulevé ce point dans son guide d’orientation sur les options par défaut dans les régimes ­CD publié plus tôt cette année. « ­La tolérance au risque ou la situation particulière de l’investisseur, s’il détient des participations dans d’autres instruments que le fonds par défaut, par exemple, ne sont pas prises en compte [par le fonds à date cible] », ­écrit-on.

Dans certains cas, le participant au régime d’accumulation de capital aura également cotisé à un régime à prestations déterminées (PD) fermé, note ­Tommy ­Perron, associé chez ­Aon. Alors que le régime ­PD peut fournir une partie importante des revenus de retraite, un employeur avec un grand nombre d’employés dans différents types de régimes devrait ­peut-être songer à offrir un éventail de fonds qui prend en compte cette réalité. « ­On voudra ­peut-être concevoir une trajectoire de placements (glide path) ou un fonds à date cible sur mesure qui reconnaît le fait que des prestations d’un régime ­PD peuvent être considérées comme des investissements très sûrs, ­explique-t-il. Cela pourrait être une bonne raison d’avoir un peu plus de risque dans le fonds à date cible. »

Mark ­Bletcher, directeur des ressources humaines, de la paie et des avantages sociaux à l’Université de ­Winnipeg, souligne l’utilité d’une plus grande personnalisation des fonds à date cible.

« ­Notre fournisseur est venu nous en parler, et nous avons aussi discuté avec le conseil du fait qu’il est possible que quelqu’un de très proche de la retraite veuille choisir une date cible bien ­au-delà de cette échéance parce qu’il veut être plus audacieux dans les marchés d’investissement… ­Nous ne dissuadons pas les individus qui veulent assumer plus de risques. »

Il faut jouer pour gagner

Avec la hausse des marchés boursiers au cours de la dernière décennie, les participants plus jeunes ont placé leur argent dans une catégorie d’actif comportant des prix très élevés. Une critique habituelle à l’encontre de la trajectoire traditionnelle, selon laquelle les investisseurs avec un horizon de placement plus long ont une portion plus importante d’actifs plus risqués, est d’ailleurs qu’il ne prend pas en compte l’environnement des marchés.

Par contre, une approche neutre, sans égard aux conditions de marché, peut protéger les investisseurs moins avisés, observe ­Mohamed ­Karmali, consultant à ­Accompass, rappelant que les ­FDC sont conçus pour des personnes peu impliquées dans la sélection de fonds de retraite, ou qui ne s’y intéressent pas.

« ­Ces personnes maintiennent leurs investissements dans un marché baissier, ­ajoute-t-il. Et [le fonds à date cible] élimine le biais émotionnel qui aurait ­peut-être provoqué une baisse de la répartition en actions au mauvais moment. »

À titre d’illustration, ­John ­Croke, chef de la gestion des produits ­multi-actifs à ­Vanguard ­Group, souligne les effets d’une stratégie de diminution des risques du portefeuille au moment inopportun. « ­Il existe un bon exemple : ­2008-09. Quand on réduit les risques sur la trajectoire, c’est un processus graduel, fait de façon méthodique, sur une base mensuelle ou trimestrielle. Ainsi, on n’a pas vu de grosses transactions en mars 2009. Et on n’en voit pas non plus aujourd’hui, alors que les marchés atteignent ­peut-être un sommet. »

« Afin de fournir la même richesse dans dix ans, la répartition d’actifs doit être revue. »

Mazen Shakeel, Financière Sun Life

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La croissance des fonds à date cible fait en sorte que plusieurs ont maintenant une taille suffisante pour adopter des stratégies de placements plus raffinées, certains se rapprochant même des capacités d’un régime ­PD de taille moyenne, souligne ­Mazen ­Shakeel, ­vice-président, développement du marché, régimes collectifs de retraite à la ­Financière ­Sun ­Life.

Tommy ­Perron note qu’on peut maintenant songer à l’inclusion des infrastructures, des matières premières, de l’immobilier ainsi que de certains types de titres à revenu fixe moins traditionnels. « ­Si on considère la protection contre l’inflation associée aux matières premières, cela se peut qu’on envisage un ­FDC sur mesure, voire même clés en main, qui comporte des matières premières, surtout à mesure qu’on approche de l’âge de la retraite ou même pendant qu’on
est retraité. »

À l’intérieur d’un fonds à date cible, le rôle du revenu fixe est de protéger contre les marchés baissiers et de générer au moins un peu de rendement. Les gestionnaires d’actifs sont donc plus créatifs dans le contexte actuel de faibles rendements, explique M. Perron. On parle ici d’investir dans des obligations à rendement, de même que dans des stratégies relativement liquides tels les prêts bancaires, les créances de marchés émergents, les obligations d’entreprise et les hypothèques, « afin de s’assurer qu’à la base, on obtienne un profil ­risque-rendement plus efficient », ­ajoute-t-il.

Michelle ­Loder, ­vice-présidente, solutions ­CD chez Morneau ­Shepell, fait remarquer que plusieurs ­FDC adoptent une approche ­multi-gestionnaire au fur et à mesure que l’univers d’actifs s’élargit. « ­On s’éloigne des actifs traditionnels pour inclure plus de non traditionnels. Je crois qu’on verra une évolution et une nouvelle conception de la trajectoire utilisée. »

Une des raisons favorisant un tel changement est que le modèle traditionnel de la trajectoire a connu du succès dans la dernière décennie, mais que les prévisions actuelles sont plus sombres, plaide ­Mazen ­Shakeel. « ­Afin de fournir la même richesse dans dix ans, la répartition d’actifs doit être revue. »

Mesurer la réussite

Très peu de régimes de retraite ont utilisé des ­FDC pendant une période assez longue pour en tirer des conclusions quant à leur capacité d’aider les participants à s’offrir une retraite confortable. Toutefois, d’un point de vue qualitatif, il s’agit d’une façon efficace de s’assurer que les participants investissent dans un éventail d’actifs qui convient à leurs objectifs, indique ­Tommy ­Perron.

Or, compte tenu de la variété des options disponibles, il peut être difficile de mettre des balises pour comparer différents ­FDC, juge ­Eileen ­Holden, ­vice-présidente, ressources humaines à ­Tarion ­Warranty ­Corp. « ­Les fonds ne sont pas uniformes, ­dit-elle. On peut comparer, mais c’est moins clair qu’une comparaison entre différents fonds d’actions de même nature. »

Mme ­Holden rappelle l’importance de bien éduquer les participants. Mais comme les ­FDC permettent aux participants de se désengager, quelle doit être leur implication ?

Si les participants ne lisent pas la documentation, cela peut causer des problèmes, soulève ­Mark ­Bletcher, qui ajoute que certains peuvent mal interpréter les informations reçues.

Il rappelle l’exemple d’un participant au début de la vingtaine qui avait choisi un ­FDC conçu pour les retraités. « ­On l’a averti que le fonds n’était pas approprié pour son groupe d’âge ! »

De son côté, ­Mohamed ­Karmali incite les employeurs à être prêts à vulgariser des notions complexes, car beaucoup de participants peinent à avoir une vue d’ensemble éclairée.

Janice ­Sidney, directrice principale, rémunération totale et paie à ­Sodexo ­Canada, se félicite que son entreprise ait dans l’ensemble réussi à s’assurer que les participants fassent des placements appropriés. La société passe d’ailleurs en revue ces informations avec le fournisseur du ­FDC, qui lui indique alors si des participants utilisent leurs fonds à mauvais escient.

« C’est ce qu’on pourrait qualifier que coaching léger, car on n’interviendra pas si seulement 5 % de l’argent est investi [dans un fonds non approprié], mais que le reste est placé adéquatement », ­dit-elle.
Des 500 employés qui participent au régime ­CD de Tarion ­Warranty, seulement cinq semblent utiliser leurs fonds à date cible de façon peu orthodoxe, ce qui est encourageant, conclut ­Eileen ­Holden.

Texte de ­Martha ­Porado, journaliste à ­Benefits ­Canada. Traduction de ­Simeon ­Goldstein.


• Ce texte a été publié dans l’édition de décembre 2018 du magazine d’Avantages.
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