En raison de plusieurs facteurs systémiques, les femmes se trouvent dans une position moins favorable que les hommes sur le plan de l’épargne-retraite. Comment les employeurs peuvent-ils combler l’écart entre les sexes et aider les femmes à préparer leurs vieux jours?

Le Forum économique mondial estime qu’à l’échelle internationale, les revenus de retraite des femmes sont inférieurs de 30 à 40 % à ceux des hommes. Au Canada, les femmes âgées sont 1,5 fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les hommes âgés, selon le budget fédéral de 2018.

Un certain nombre de facteurs systémiques expliquent cette réalité. Premièrement, l’écart de rémunération entre les sexes. Les Canadiennes gagnent 0,88 $ pour chaque dollar de salaire horaire à temps plein gagné par les hommes, et le revenu annuel médian de ces derniers était de 40 890 $, contre 28 120 $ chez les femmes, toujours selon le budget fédéral de 2018.

Les femmes sont également plus susceptibles d’occuper des emplois à temps partiel et temporaires ainsi que de s’absenter du marché du travail pour élever leurs enfants. « Les femmes ne partent pas seulement en congé pour six mois ou un an, elles interrompent souvent leur travail pendant des années, et c’est là où le bât blesse », souligne Joe Nunes, président-directeur du conseil d’administration d’Actuarial Solutions.

Tous ces facteurs signifient que les femmes se dirigent vers une épargne-retraite inférieure à celle des hommes. Cependant, elles ont besoin d’épargner davantage en raison d’une espérance de vie plus longue. Une étude publiée en 2018 par Mercer a estimé que les Canadiennes doivent épargner 25 % de plus que les hommes si elles veulent prendre leur retraite à 65 ans.

Il n’existe pas de solution miracle pour résoudre un problème aussi complexe. Mais les promoteurs de régimes disposent de plusieurs leviers pour aider leurs employées à épargner davantage et à mieux se préparer à la retraite.

Compenser les congés

L’un des facteurs qui alimentent l’écart entre les sexes est le fait que les femmes prennent plus de congés que leurs collègues masculins, soit pour avoir des enfants, soit pour s’occuper d’un proche.

Pour les participantes aux régimes à cotisation déterminée (CD), cela signifie qu’elles cotisent moins et qu’elles ne bénéficient pas de la contrepartie de leur employeur pendant les mois ou les années où elles ne sont pas sur le marché du travail, explique Jillian Kennedy, responsable des régimes CD et du bien-être financier chez Mercer Canada.

Les femmes qui ont un régime à prestations déterminées (PD) peuvent souvent racheter des années de service ouvrant droit à pension pour la période où elles ont été en congé. Mais pour les femmes qui quittent leur emploi après le congé de maternité, cette option ne s’applique plus.

De plus, certains aspects de la conception du régime peuvent entraver la capacité des femmes à rattraper le temps perdu. Par exemple, le régime de retraite de la Gendarmerie royale du Canada permet aux employés de racheter des années de service ouvrant droit à pension lorsqu’ils prennent un congé prolongé non payé, mais il n’accorde pas les mêmes droits aux agents qui choisissent de partager un emploi et de travailler selon un horaire réduit.

Le régime a fait l’objet d’une poursuite par trois agentes qui ont choisi, en 1997, de partager un emploi tout en s’occupant de leurs jeunes enfants. Les agentes ont allégué que le régime était discriminatoire sur la base du sexe, car les femmes étaient sur-représentées dans le groupe de partage d’emploi, et que celles-ci cherchaient à pouvoir racheter les années où elles occupaient des postes à temps partiel. Après des années de bataille judiciaire, la Cour suprême a donné raison aux plaignantes. Dans un jugement rendu en octobre dernier, le plus haut tribunal du pays a tranché que le régime était discriminatoire envers les femmes et qu’il violait la Charte canadienne des droits et libertés. Dans la foulée du jugement, la GRC s’est engagée à revoir l’accord de partage d’emploi.

Dans tous les types de régimes de retraite, les employés peuvent cotiser pendant leur congé. Le gouvernement fédéral, la Colombie-Britannique, le Saskatchewan, l’Ontario, le Québec, la Nouvelle-Écosse et l’ Île-du- Prince-Édouard ont par ailleurs mis en place des dispositions exigeant que l’accumulation des rentes et des prestations se poursuive pendant les congés si l’employé y verse sa cotisation. Cela laisse la porte ouverte aux participantes à des régimes PD et CD – ainsi qu’à d’autres régimes de capitalisation – qui souhaitent continuer à épargner pendant leur congé.

Entre manque de connaissance et revenu réduit

Beaucoup de travailleuses ignorent toutefois ces options, déplore Jillian Kennedy. « Il faut que les femmes les connaissent avant de pouvoir les utiliser. C’est l’un des aspects que l’industrie devrait améliorer. Il s’agit de considérer les femmes comme un groupe particulier d’employées et de penser aux moments importants dans leur vie. »

Même lorsque les employées savent qu’elles peuvent maintenir leurs cotisations, elles profitent rarement de cette possibilité. « Les femmes doivent en fait trouver un moyen de continuer à y cotiser lorsqu’elles subissent une diminution importante de leurs revenus, indique Mme  Kennedy. Même si elles sont au courant, le taux de participation est extrêmement faible car elles doivent vivre avec un revenu très réduit, dans certains cas. »

Jillian Kennedy observe que certains promoteurs ont modifié leur régime CD afin que les femmes en congé puissent choisir de verser une cotisation de base automatique pour recevoir la contrepartie de l’employeur. Quant aux régimes PD, les promoteurs peuvent dispenser les employés de l’obligation de cotiser pendant leur congé, tout en leur permettant d’accumuler tout de même de l’argent grâce à la contrepartie de l’employeur, explique pour sa part Joe Nunes.

Outre les dispositions relatives aux employées en congé, d’autres modifications peuvent être apportées pour aider les employeurs à soutenir leurs travailleuses. Dans le cas d’un régime CD, Jillian Kennedy exhorte les promoteurs à examiner les données disponibles pour comparer les résultats des hommes et des femmes dans des contextes similaires.

Personnaliser pour mieux soutenir les femmes

Soulignons que les femmes sont souvent moins confiantes à l’égard de leurs finances et leur retraite.

Selon une étude de Mercer datant de 2018, 37 % des Canadiennes ne sont pas très confiantes, voire pas du tout quant à la possibilité d’avoir un revenu suffisant à la retraite, contre 22 % des hommes. En outre, seulement 43 % des femmes estiment être bien informées sur les questions financières, contre 58 % des hommes. Et 62 % des femmes ont déclaré être quelque peu ou très stressées par les questions financières, contre seulement 49 % des hommes.

L’innovation dans les régimes d’épargne complémentaires peut contribuer à réduire le stress financier des femmes, déclare Jillian Kennedy. Les employeurs peuvent verser leur cotisation de contrepartie dans un régime de retraite immobilisé, tout en laissant les employées décider si elles veulent verser leurs propres cotisations dans ce dernier, un REER ou un CELI.

Les employeurs devraient également réfléchir à la manière de personnaliser leurs programmes de retraite pour les femmes. Selon les recherches de Mercer, les femmes réagissent plus positivement au mentorat, aux conseils et à l’apprentissage d’autres femmes. Les promoteurs de régimes peuvent également personnaliser les communications destinées aux femmes en leur fournissant des études de cas auxquelles elles peuvent s’identifier.

Il y a une chose que les femmes font déjà bien : elles ont plus tendance que les hommes à se tourner vers des gestionnaires professionnels, selon un rapport de 2019 de Vanguard. « Les per-sonnes qui confient leur actif à un professionnel de l’investissement approuvé par le promoteur du régime et qui a la responsabilité fiduciaire d’agir dans leur intérêt obtiennent de meilleurs résultats que les personnes qui gèrent leur propre actif », affirme Jean Young, stratège principale à Vanguard et co-auteure du rapport.

La magie de l’adhésion automatique

En outre, étant donné que les stratégies comme l’adhésion automatique profitent largement aux épargnants à faible revenu qui n’auraient peut-être pas souscrit autrement, elles s’avèrent bénéfiques pour les femmes. L’adhésion automatique permet en effet de réduire l’écart entre hommes et femmes quant au taux de participation aux régimes d’ épargne-retraite.

« Ce que nous constatons, c’est que les femmes participent et épargnent davantage que les hommes, mais les hommes ont des soldes de compte plus élevés, et cela est uniquement attribuable à leurs salaires supérieurs, explique Jean Young. L’adhésion automatique permet d’atténuer ces différences. »

En effet, si les promoteurs de régimes veulent utiliser l’adhésion automatique pour réduire l’écart entre les sexes sur le plan de l’ épargne-retraite, ils devraient fixer un taux de cotisation par défaut. Bien qu’il s’agisse d’un pourcentage du salaire, qui demeure donc influencé par l’écart de rémunération entre les sexes, les employés épargnent à tout le moins au même niveau à la base.

En fin de compte, l’adhésion automatique et l’éducation financière peuvent constituer des outils efficaces pour aider à combler l’écart entre retraitées et retraités. Jean Young va jusqu’à dire que l’adhésion automatique est « la » solution pour faire bouger les choses. « Même si les gens changent d’emploi, l’employeur a créé une habitude d’épargne et les gens vont la conserver à l’avenir. »


• Ce texte a été publié dans l’édition de Novembre-décembre 2020 du magazine Avantages. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.