Alors que les employeurs cherchent à couvrir le cannabis thérapeutique dans leurs régimes d’assurance collective, les experts préconisent des services supplémentaires pour mieux accompagner les employés.

Après un fervent plaidoyer pour la recherche sur le cannabis médicinal, il semblait tout à fait naturel pour la Société de l’arthrite de couvrir celui-ci dans le cadre de son régime d’assurance collective. En 2017, elle a réuni un groupe d’experts, composé de médecins ayant une vaste expérience de la prescription du cannabis à des fins médicales, de pharmaciens et de conseillers issus de sa communauté scientifique, ainsi que de son propre conseiller en assurance collective. « Nous voulions nous assurer que le niveau de couverture et la façon dont nous gérions celle-ci seraient aussi efficaces que possible », explique la directrice générale des opérations, Cheryl McClellan.

Son régime couvre la marijuana thérapeutique dans le traitement de la douleur chronique liée à l’arthrite et à un certain nombre d’autres affections, comme les nausées et vomissements provoqués par la chimiothérapie et la spasticité liée à la sclérose en plaques, soit des cas pour lesquels il existe selon l’organisme des « recherches suffisantes » favorisant son utilisation. Le remboursement se fait à hauteur de 80 % jusqu’à un maximum annuel de 5 000 $ par travailleur.

Les employés peuvent également réclamer jusqu’à 150 $ pour une consultation, virtuelle ou en personne, auprès d’un médecin ou d’un autre expert en cannabis en vue de trouver le meilleur dosage et la meilleure souche. Si recommandé, un vaporisateur est remboursé jusqu’à concurrence de 300 $. Pour les services de consultation, la Société de l’arthrite fournit une liste de prescripteurs à travers le pays.

« En ce qui concerne la consultation, nous voulions nous assurer que les personnes qui utilisaient le cannabis à des fins médicales recevaient les meilleurs conseils possible en matière de formes et de posologie, explique Cheryl McClellan. Il y a un coût associé à cela et le fait de le rembourser aide à améliorer la qualité des soins. »

Depuis l’introduction de la couverture en février 2018, deux employés ont reçu l’autorisation de l’utiliser, ajoute-t-elle. La Société de l’arthrite a également élaboré un guide à l’intention d’autres employeurs intéressés à faire de même. Celui-ci contient de l’information sur la conception d’un programme qui répond aux besoins des employés, aux préoccupations en matière de santé et de sécurité et à la façon d’obtenir une autorisation.

Dans les faits, la Société de l’arthrite demeure à l’avant-garde en matière de remboursement du cannabis médicinal. Un an après la légalisation du cannabis au Canada, peu d’employeurs le couvrent à l’heure actuelle ou offrent des services de soutien. Beaucoup de promoteurs sont par contre à la recherche d’informations quant à la couverture. Pour ceux qui pensent à faire le saut, quelles sont les options envisageables?

Couvertures

La Société de l’arthrite a demandé aux pharmaciens autorisés de Cubic Health de statuer sur les réclamations et d’autoriser son assureur à les payer. « Comme le cannabis à usage médical ne possède pas de numéro d’identification (DIN), l’assureur ne se serait pas prononcé sur les demandes de règlement », dit Mme McClellan.

Bien que le cannabis médicinal soit légal depuis juillet 2001, il a fallu la légalisation du cannabis récréatif en octobre 2018 pour que les employeurs et les assureurs commencent à en parler sérieusement dans le contexte de l’assurance collective, affirme Paula Allen, vice-présidente, Recherche, analyse et innovation, chez Morneau Shepell.

Au cours des deux dernières années, plusieurs assureurs, dont la Great-West, Manuvie et Sun Life, ont ajouté la marijuana médicinale à leur couverture ou l’ont élargie. Ils ont également commencé à fournir plus d’informations aux promoteurs de régime sur l’utilisation d’un compte de soins de santé pour rembourser le cannabis à des fins médicales, explique Mme Allen, dans les cas où ils ne sont pas intéressés à le faire de façon directe par l’assurance collective.

Même si ces options sont maintenant offertes, les employeurs demeurent prudents. Mme Allen affirme avoir vu quelques promoteurs commencer à couvrir le cannabis à des fins médicales et d’autres se penchent sur la question. « Mais ce n’est pas une majorité pour l’instant. Ce n’est que le début d’une tendance qui s’installera au fil du temps », dit-elle.

Cristina dos Santos, directrice, frais médicaux, conception de produits, Garanties collectives à la Sun Life, abonde dans le même sens. « Nous nous attendions à ce que les promoteurs commencent lentement à ajouter la couverture et c’est exactement ce qui s’est produit. Cela fait environ un an et demi depuis le lancement et nous avons vu une progression lente, mais régulière, d’un mois à l’autre. »

Services connexes

Selon Kim MacFarlane, vice-présidente adjointe, produits d’assurance collective à Manuvie, les services supplémentaires sont un élément crucial de la discussion sur la couverture médicale du cannabis. La prescription de cannabis à des fins médicales est encore nouvelle, et la souche et la dose dépendent entièrement de la biologie du patient, ainsi que la maladie traitée. Sans soutien, les participants au régime devraient naviguer seuls à travers l’inconnu.

« Dans le cadre de nos échanges avec des employeurs, nous avons découvert que ceux-ci étaient curieux mais inquiets, dit Mme MacFarlane. Vu la crise des opioïdes, ainsi que la surconsommation de certains éléments de régimes d’assurance collective, nous voulions vraiment offrir aux employeurs un moyen de couvrir le cannabis médicinal qui permettrait de gérer certains des risques. »

Ryan Weiss, vice-président, produits et expérience client à la Great-West, affirme que l’assureur a eu des conversations semblables avec ses clients qui avaient les mêmes inquiétudes à l’égard des participants.

« Une des préoccupations que nous avons entendue haut et fort de la part des employeurs, c’est qu’ils ne veulent laisser leurs membres en plan, dit-il. Si vous n’accompagnez pas le patient, vous lui laissez la responsabilité d’être un expert. Nous voulions faire preuve de rigueur pour nous assurer que les gens recevaient du soutien, un dosage sûr et approprié et qu’ils pouvaient appeler pour obtenir de l’information. On doit vraiment prendre les gens par la main. »

En plus des souches et des dosages qui varient, de nombreux producteurs licenciés occupent le marché, ajoute Cristina dos Santos. « Cela peut prêter à confusion pour les patients. Je pense qu’il serait très intéressant d’offrir des services de soutien et de soins à ceux qui en ont besoin. »

Éducation

Pour ce qui est de l’éducation des participants, les assureurs commencent à agir, dit Paula Allen, mais les employeurs peuvent aussi être proactifs en fournissant de l’information aux employés. « C’est une bonne occasion pour les entreprises de sensibiliser leur main-d’œuvre à l’usage du cannabis dans le cadre de leurs programmes de mieux-être, ajoute-t-elle. Cette éducation sur le cannabis à des fins médicales et récréatives, et sur la différence entre les deux, peut faire partie d’une éducation générale sur la santé et le bien-être. »

Paula Allen suggère aux promoteurs de régime de bien définir les maladies pour lesquelles il existe des preuves solides de succès, afin d’empêcher les employés de réclamer pour des affections qui ne sont pas couvertes, de discuter de la différence entre les diverses souches et de préciser que le cannabis médicinal n’a pas d’effet euphorisant ou intoxiquant. Elle a également commencé à rencontrer des employeurs à la recherche de fournisseurs de soins de santé au courant de la prescription de cannabis pour diverses indications. « C’est une éducation en soi, donc avoir cette liste de prestataires qualifiés est utile. »

Helen Stevenson, fondatrice et présidente-directrice générale du Groupe Reformulary, affirme que les employeurs veulent fournir des ressources crédibles aux employés même s’ils ne sont pas encore prêts à couvrir le cannabis thérapeutique. « Il n’y a pas encore beaucoup de [services indépendants], par exemple, pour la prise en charge. »

L’avenir

Mike Sullivan, président-directeur général de Cubic Health, affirme que la majorité de ses clients employeurs choisissent de ne pas couvrir le cannabis médicinal ou ne font que commencer à en parler.

Parmi les rares sociétés qui le couvrent, la Société de l’arthrite est la seule qui rembourse également les participants au régime pour des services supplémentaires.

« Il y a beaucoup de services vraiment intéressants, mais je pense qu’un grand nombre de ces frais sont payés par les participants de leur poche ou remboursés par le compte de soins de santé… Ils ne font pas partie de la couverture de l’assurance », dit M. Sullivan, ajoutant que l’industrie n’en est encore qu’à ses débuts à cet égard.

« Par la suite, les services supplémentaires pourraient devenir un élément obligatoire – comme le besoin d’aller consulter des experts et de superviser le traitement, ainsi que de commencer par une faible dose pour ensuite augmenter. Je crois qu’on pourrait en arriver là, mais c’est encore très tôt. »

Couverture du cannabis thérapeutique par la Société de l’arthrite en chiffres

  • Jusqu’à 150 $ pour des services de consultation virtuelle ou en personne
  • Jusqu’à 300 $ pour un vaporisateur
  • Maximum annuel de 5 000 $ pour le cannabis
  • Remboursement de 80 % des coûts de l’employé
  • Deux employés ont fait des réclamations

• Ce texte a été publié dans l’édition de décembre 2019 du magazine d’Avantages.
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