Depuis qu’il a subi une cure de jeunesse il y a deux ans, le programme de mieux-être de la Banque Nationale, Ma santé : mon actif, a su gagner le cœur des employés. Entre les activités sportives organisées tout au long de l’année, un portail d’information en ligne, des cliniques de dépistage et des incitatifs financiers, il a recours à une multitude de stratégies pour encourager le personnel à se soucier de sa santé. Qu’est-ce qui a permis d’en faire un succès? Pour le savoir, Pierre-Luc Trudel s’est entretenu avec Bénédicte Lachaux, conseillère, santé et avantages sociaux à la Banque Nationale.

Avantages : Des études réalisées au cours des dernières années ont démontré que les programmes de mieux-être rejoignent surtout les employés déjà en bonne santé et sont très peu utilisés par les employés qui en auraient le plus besoin. Observez-vous ce phénomène à la Banque Nationale?

Bénédicte Lachaux : On essaie d’organiser différents types d’activités de façon à rejoindre le maximum de personnes. C’est certain que si on lance un défi de santé physique, nos employés les plus en santé risquent d’être surreprésentés. Mais de plus en plus, on tente de rendre notre programme de mieux-être plus équilibré et accessible à tous. Le Grand Tour BN, par exemple, qui comporte un volet pour les cyclistes et un volet pour les coureurs, rassemble des employés ayant des niveaux de forme physique très variés. On organise aussi des événements où les employés peuvent inviter leur famille. On essaie d’aller chercher tout lemonde, mais c’est certain qu’on peut encore s’améliorer à cet égard.

L’un des éléments centraux du programme de mieux-être de la Banque Nationale est la Clinique santé du cœur, au cours de laquelle les salariés peuvent se soumettre à des tests visant à dépister d’éventuels problèmes cardiovasculaires. Les employés sont-ils vraiment enclins à participer à une telle activité?

Le taux de participation est très élevé. Ça ne prend que 20 minutes et n’implique aucune prise de sang, seulement une piqûre au bout du doigt. Certains employés sont vraiment heureux d’avoir une telle opportunité sur leur lieu de travail, particulièrement ceux qui n’ont pas de médecin de famille. La clinique compense en quelque sorte l’accès parfois difficile au système de santé. Après avoir pris connaissance de leurs résultats, des gens sont allés consulter un médecin et ont appris qu’ils avaient certains problèmes. Sans la clinique, ils l’auraient sans doute découvert des années plus tard.

« La première étape consiste à identifier les problématiques et à en déterminer les causes. Ensuite, c’est primordial de sonder les employés. En dernier lieu, on peut mettre en place des actions concrètes. »

– Bénédicte Lachaux, Banque Nationale

Y a-t-il beaucoup d’inquiétudes liées à la confidentialité des données médicales chez les employés?

Oui, c’est certain qu’il y a des employés craintifs, mais ce n’est pas la majorité. On prend bien soin de leur expliquer que la Clinique santé du cœur est gérée par un fournisseur externe, pas par la banque. Nous n’avons accès à aucune information personnelle, uniquement à des rapports contenant des données dépersonnalisées, et seulement lorsqu’il y a eu au moins 50 participants. Ces données nous permettent de mieux cibler et d’améliorer les programmes en place. La cloison est également très étanche entre les données récoltées lors de ces cliniques et celles provenant du régime d’assurance collective.

Votre programme offre des incitatifs financiers aux employés qui participent à certaines activités. Des études menées sur le sujet ont conclu que de tels incitatifs n’étaient pas vraiment utiles pour mobiliser les employés. Qu’en pensez-vous?

Dans le cadre de Ma santé : mon actif, les employés de la banque accumulent des points qu’ils peuvent utiliser pour se faire rembourser des dépenses liées à l’activité physique. C’est une mesure très populaire, on reçoit même beaucoup de demandes pour que les incitatifs financiers soient bonifiés. Chez nous, il n’y a pas de doute que cela a un impact positif sur la participation des employés au programme. Certains salariés ont toutefois un peu de difficulté à comprendre comment s’opère la conversion des points accumulés en dollars. On réfléchit à une façon d’améliorer et de simplifier le système en ce moment.

Selon vous, un programme de mieux-être efficace doit-il nécessairement être doté d’un budget important?

Honnêtement, ça prend un minimum d’investissement si on veut obtenir des résultats. On évalue par exemple la possibilité d’implanter une plateforme de télémédecine. Il y a des coûts importants rattachés à cela. Mais en même temps, ce n’est pas parce qu’on est une banque que l’on va investir à n’en plus finir. L’idée, c’est de mener des projets pilotes avant de mettre des millions sur la table pour déployer une nouvelle initiative à l’échelle de l’entreprise. Il faut dire qu’on a l’appui de la haute direction de la banque. Sans un tel soutien, on ne pourrait rien faire. Il y a aussi moyen d’organiser des activités à coût nul. Par exemple, tous nos cours d’activité physique ou de méditation sont donnés bénévolement par des employés, on n’embauche jamais quelqu’un de l’extérieur. Ça permet de promouvoir les compétences et les certifications de certains membres de notre personnel. Ils sont d’ailleurs très heureux d’enseigner à leurs collègues. Il ne faut pas non plus hésiter à orienter les gens vers le programme d’aide aux employés (PAE), qui offre beaucoup de services gratuits.

Avez-vous mesuré le rendement sur l’argent investi dans votre programme de mieux-être?

On a constaté un impact très positif sur notre taux d’invalidité. Cela dit, on ne peut pas affirmer que c’est uniquement grâce au programme, car nous avons révisé parallèlement nos processus de gestion de l’invalidité. Ce qui est certain, c’est qu’on ne pourrait plus abandonner le programme, les employés y sont trop attachés. C’est vraiment important pour eux.

Les quelque 18 000 employés de la banque sont-ils bien au courant de ce que leur offre le programme de mieux-être? Le défi de communication semble immense…

La plupart de nos communications sont réalisées sur le réseau social d’entreprise Yammer. Notre groupe santé y est très actif. On compte aussi beaucoup sur le bouche-à-oreille pour faire connaître nos activités. Nos employés du siège social sont généralement bien renseignés, mais c’est sûr que c’est plus compliqué de tenir informé les employés d’une succursale en Saskatchewan, par exemple. On essaie d’être équitable envers tout notre personnel en organisant des activités partout au pays.

La Banque Nationale a annoncé qu’elle déménagera son siège social dans un tout nouvel immeuble en 2022. Votre équipe est-elle consultée dans le processus d’aménagement des nouveaux environnements de travail?

Oui, notre équipe est consultée. Depuis quelques années, nous recevons beaucoup de demandes des employés, notamment pour l’aménagement de salles d’exercice et de repos, de stationnements pour les vélos, de casiers, de douches, etc. On a récemment ajouté dans l’immeuble actuel 44 casiers réservés pour les employés qui font une activité physique récurrente, par exemple ceux qui viennent au travail en vélo à tous les jours. En quelques minutes, ils avaient déjà tous trouvé preneur ! On réalise que les besoins sont vraiment grands pour ce genre d’installations, et l’aménagement du nouveau siège social en tiendra compte. Il va aussi y avoir beaucoup de luminosité et des escaliers entre les étages, ce qui va inciter les employés à bouger davantage. Les nouveaux aménagements vont aussi favoriser le télétravail. Comme c’est déjà le cas à l’heure actuelle, nos espaces de bureau collaboratifs compteront moins de places assises qu’il y a d’employés. On travaille aussi en ce moment à déployer la technologie qui va permettre à nos employés de centres d’appel de travailler de la maison. Du côté des succursales, c’est plus difficile de mettre en place des options de travail flexibles. On est encore en mode de recherche de solutions.

Quel conseil donneriez-vous à une entreprise qui envisage d’implanter un programme de mieux-être, ou encore de moderniser son programme existant?

La première étape consiste à identifier les problématiques, l’absentéisme par exemple, et à en déterminer les causes. Ensuite, c’est primordial de sonder les employés, savoir ce qu’ils aimeraient et comprendre leurs besoins. En dernier lieu, on peut mettre en place des actions concrètes.

Quelles sont les nouvelles initiatives qui feront bientôt partie du programme de mieux-être de la banque?

Après avoir mené un projet pilote concluant, nous travaillons à l’implantation d’un service de télémédecine pour tous nos employés. Nous allons également déployer l’initiative Parcours santé (voir l’encadré) à l’échelle de l’entreprise. L’accent sera aussi mis sur la formation en santé mentale. De façon générale, nous voulons proposer des activités en lien avec les besoins que nous ont exprimés les employés.

NEUF MOIS POUR RETROUVER LA SANTÉ

Pour inciter ses employés à adopter des habitudes de vie plus saines, la Banque Nationale a lancé en septembre 2017 un projet pilote auquel ont participé 151 volontaires présentant plusieurs facteurs de risque liés à la santé physique.

Sélectionnés en fonction de leurs résultats à des tests biométriques, ces employés ont bénéficié d’un suivi personnalisé pendant neuf mois. Sept facteurs de risque ont été pris en considération, dont le tabagisme, le taux de cholestérol, le taux de glycémie, le tour de taille et la tension artérielle. Les volontaires ont aussi rempli le sondage sur l’indice de santé globale de Morneau Shepell, la firme qui a assuré le déploiement du programme.

Après une consultation initiale avec une infirmière, les participants ont eu droit à un total de sept séances téléphoniques avec un kinésiologue et de trois avec un nutritionniste. « En sachant qu’ils vont recevoir un appel d’un professionnel de la santé, les employés ont davantage de pression pour s’impliquer dans le programme et modifier durablement leurs habitudes de vie », explique Bénédicte Lachaux.

Au terme des neuf mois du programme, tous les facteurs de risque, à l’exception du tabagisme, ont enregistré une baisse chez les employés ayant pris part au projet pilote. Alors qu’au début du programme les participants présentaient en moyenne 3,1 facteurs de risque, ils n’en avaient plus que 2,1 à la fin. L’indice de santé globale mesuré par le sondage s’est aussi amélioré chez les volontaires, surtout en matière de santé physique.

Forte d’un taux de satisfaction de 98 %, la Banque Nationale compte bien réitérer l’expérience avec un nouveau groupe de participants dès janvier.


• Ce texte a été publié dans l’édition de novembre 2018 du magazine d’Avantages.
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