Des pilules

En 2018, le gouvernement canadien mettait sur pied un conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance médicaments.

Trois enjeux ont été soulevés :

  • L’accès aux médicaments n’est pas égal et à la portée de tous les citoyens;
  • Le coût des médicaments est fortement en hausse;
  • De plus en plus de médicaments très coûteux sont commercialisés.

Dans la foulée de cette réflexion, des experts de partout au pays ont cité en exemple le régime québécois comme modèle inspirant pour déterminer les paramètres d’un régime national. Chez Normandin Beaudry, nous avons aussi scruté à la loupe le régime québécois et sommes du même avis… mais avec certains ajustements.

Au ­Québec, tous les citoyens ont accès à une protection pour leurs médicaments. Cette universalité est un principe de base du régime québécois. Un citoyen n’ayant pas accès à un régime privé est assuré par le public. Voilà une cohabitation ­public-privé sûrement inspirante pour plusieurs experts, à raison.

La ­Société de compensation en assurance médicaments du ­Québec (SCAMQ) protège les régimes privés. Cet organisme à but non lucratif peut certainement se vanter de gérer le meilleur mécanisme de mise en commun du risque des médicaments au pays. Il détermine des frais concurrentiels uniformes pour tous les régimes privés comptant moins de 4 000 participants, avec des seuils de mise en commun variables selon la taille du groupe.

Toutefois, l’organisme ne contrôle pas les mesures de gestion des médicaments administrées par les différents assureurs, ce qui ouvre la porte à un encadrement inégal pouvant causer une hausse des frais pour tous. La solution : imposer des mesures de gestion minimales chez les assureurs et procéder à des audits, ce qui permettrait de surcroît de contribuer à réduire les coûts de mise en commun des régimes privés.

Les assurés des régimes privés et du régime public ne paient pas le même prix pour leurs médicaments. Deux raisons expliquent cette iniquité : le coût des molécules et les honoraires des pharmaciens.

Côté coût des molécules, le gouvernement a le loisir de fixer le prix d’un médicament et de négocier un rabais pour le public, par entente confidentielle. Ce rabais ne profite pas aux régimes privés, qui paient leurs médicaments au prix établi, sans possibilité de rabais.

Quant aux honoraires des pharmaciens, ils sont négociés avec le gouvernement, pour le public seulement, sans représentant des régimes privés à la table. Le gouvernement maintient depuis plusieurs années des honoraires jugés insuffisants par les pharmaciens. Cette insatisfaction crée une pression à la hausse sur les honoraires imputés aux participants des régimes privés, ­ceux-ci n’étant pas assujettis à des normes, contrairement au public.

Selon les dernières données produites par le ministère de la ­Santé et des ­Services sociaux et la ­Régie de l’assurance maladie du ­Québec, en 2016, l’écart moyen du prix d’un médicament acheté en pharmacie se chiffrait à 18,6 % entre les régimes privés et le régime public. Cet écart est dû aux honoraires des pharmaciens, variables selon que le régime est privé ou public.

Cependant, en 2018, au terme des négociations entre les pharmaciens et le gouvernement, un engagement commun a été pris pour poursuivre les travaux sur la mise en place d’un nouveau mode de rémunération des pharmaciens en 2020. Cette conclusion est de bon augure : si les pharmaciens étaient davantage satisfaits de leurs honoraires au public, on pourrait espérer un meilleur équilibre avec les honoraires au privé.

La solution pour le Canada?

Un régime unique ne pourrait pas s’appliquer de façon uniforme à l’échelle du pays. Chaque province devrait garder son autonomie pour appliquer le régime répondant le mieux aux besoins de sa population. Il faut toutefois un meilleur encadrement de l’assurance médicaments de la part du gouverne-ment fédéral, d’un océan à l’autre. Des enseignements profitables peuvent certainement être tirés du régime québécois pour établir le cadre national.

Soulignons finalement que le présent article ne traite pas du rôle des différentes agences fédérales et provinciales dans la commercialisation et l’établissement du prix des médicaments au ­Canada. Il existe plusieurs dédoublements et zones d’amélioration dans ces rouages et une réflexion distincte devrait être entamée sur l’efficacité de l’environnement ­pharmaco-économique actuel.

Frédéric ­Venne est associé, ­Assurance collective chez Normandin ­Beaudry.