L’été 2023 a été marqué par des phénomènes météorologiques extrêmes partout sur la planète : chaleur accablante, incendies de forêt gigantesques, smog, pluies diluviennes, inondations dévastatrices, tornades… ­Un signal d’alarme pour l’ensemble des acteurs de la société qu’il faut agir beaucoup plus vigoureusement pour lutter contre les changements climatiques. Et les employeurs ont plus de poids qu’ils ne l’imaginent.

Au cœur de cette saison estivale qui n’augure rien de bon pour l’avenir de l’humanité, la région métropolitaine a quand même eu droit à une excellente nouvelle en matière de développement durable : la mise en service du premier tronçon du Réseau express métropolitain (REM) entre ­Brossard et le ­centre-ville de ­Montréal. Plus grand projet d’infrastructure de transport collectif dans la province depuis la construction du métro, le ­REM va permettre à bien des travailleurs d’abandonner la voiture pour se rendre au travail.

C’est la dépendance à l’auto solo qui plombe l’empreinte carbone du ­Québec. En 2019, le secteur du transport représentait à lui seul 43,3 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), ce qui en fait de loin la plus grande source de pollution de la province. Considérant que 62 % des déplacements des ­Québécois sont liés au travail, selon le ministère des ­Transports, les politiques mises en place par les employeurs peuvent joueur un rôle majeur dans le bilan d’émission de ­GES.

En 2021, 73 % des travailleurs québécois se rendaient au travail en automobile, contre seulement 14 % en transport collectif et 11 % en transport actif (marche, vélo, etc.). À ­Montréal, la croissance du nombre de voitures surpasse celle de la population depuis de nombreuses années. Il faut renverser cette tendance, et vite.

En remboursant les frais de transport en commun de leurs employés, les entreprises les incitent non seulement à utiliser ce mode de déplacement au quotidien, mais ils contribuent à augmenter l’achalandage et le financement des sociétés de transport, condition sine qua non à une amélioration du service et à une expansion des réseaux de métro, de train et de bus. Dans les régions plus éloignées où les perspectives de développement de transport collectif sont plus limitées, les employeurs peuvent envisager d’autres solutions, comme l’implantation de plateformes de covoiturage.

Le télétravail est aussi une option… qui a ses limites. S’il a démontré au cours des dernières années son efficacité pour améliorer la conciliation ­travail-vie personnelle, son bilan environnemental demeure à ce jour plus mitigé. Il participe certes à diminuer le nombre de déplacements ­domicile-travail, mais il comporte aussi un effet pervers : il incite les employés à s’éloigner de leur lieu de travail. Cela favorise l’étalement urbain, ­lui-même responsable de la destruction de milieux humides et de terres agricoles, un ­non-sens à l’ère où il faut plutôt encourager la densification des milieux de vie. Dans un tel contexte, le télétravail renforce en outre la dépendance à la voiture pour l’ensemble des besoins de déplacement. Et c’est sans parler de la très forte consommation énergétique des plateformes de visioconférence et autres outils de collaboration, dont l’utilisation est exacerbée par le travail à distance.

Le télétravail ne remplace donc pas un réseau de transport collectif intégré et performant. Le gouvernement ­devrait-il demander aux employeurs de collaborer au développement de ce dernier ? ­En ­France, les sociétés de plus de 10 employés paient une taxe spéciale pouvant atteindre 2,95 % de leur masse salariale pour financer le transport collectif. À ­Paris, ces contributions représentent à elles seules la moitié des revenus des sociétés de transport. Les résultats sont là : le réseau parisien est l’un des plus denses au monde, et il va doubler de taille au cours de la prochaine décennie.

Une nouvelle taxe risque bien sûr de rebuter les entreprises québécoises, déjà lourdement imposées. Toutefois, en encourageant leurs salariés à délaisser la voiture pour se rendre au travail, les employeurs font d’une pierre deux coups : ils aident à réduire les émissions de GES et à améliorer la santé et le mieux-être de leurs effectifs. Une étude publiée dans le ­British ­Medical ­Journal a démontré que les personnes qui se rendent au travail à pied, en vélo ou en transport en commun présentent en moyenne un indice de masse corporelle inférieur aux navetteurs en voiture. Une autre étude publiée dans le ­Journal of ­Transport ­Geography a pour sa part révélé que les employés qui privilégient les modes de transport actif pour se déplacer sont plus heureux et plus productifs.

Plus fondamentalement, favoriser un environnement sain est le geste le plus significatif que les employeurs peuvent poser pour contribuer au ­bien-être de leurs employés. Parce qu’aucun travailleur n’est heureux, productif et engagé lorsqu’il a les pieds dans l’eau ou qu’il doit évacuer sa maison menacée par les flammes


• Ce texte a été publié dans l’édition de septembre 2023 du magazine Avantages.
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