Les conséquences humaines et financières de l’absentéisme sont telles que de plus en plus d’employeurs se demandent comment améliorer la situation.

Selon le sondage Sanofi Canada de 2019, 80 % des promoteurs de régimes de soins de santé au pays voudraient mieux comprendre les taux et les causes de l’absentéisme au sein de leurs effectifs. Pourtant, moins de la moitié font un suivi précis des absences. À la lumière des stratégies qui se sont avérées les plus efficaces au fil des ans, des experts en gestion de l’invalidité rappellent l’urgence de comprendre le problème et expliquent les approches à privilégier.

Même si l’assureur gère le dossier, il est important que l’employeur reste en contact avec l’employé, qu’il le tienne au courant de ce qui se passe dans le milieu de travail.
– Michèle Parent, Morneau Shepell

Si l’absentéisme préoccupe de plus en plus d’employeurs et de compagnies d’assurance, c’est notamment parce qu’il engendre des coûts importants, évalués à 16,6 milliards de dollars par année au ­Canada en 2012, selon une étude publiée par le ­Conference ­Board du ­Canada. Ce total, qui représente 2,4 % de la masse salariale annuelle brute, ne prend pas en compte les coûts indirects, comme le remplacement des travailleurs absents, les coûts administratifs ou la baisse de productivité, qui sont souvent plus difficiles à mesurer. En 2016, ­Morneau ­Shepell a évalué à 5 % de la masse salariale les coûts directs et indirects de l’absentéisme en entreprise privée, et considère qu’ils sont plus élevés dans le secteur public.

On le sait, l’absentéisme a également une incidence sur l’entreprise, qu’il importe de ne pas négliger quand vient le temps d’adopter une stratégie pour contrer le problème. Il n’est pas rare, en effet, que les employés soient contraints de redoubler d’ardeur pour accomplir la surcharge de travail liée à l’absence d’un collègue. « ­Ils peuvent se sentir débordés, éprouver de la colère et du ressentiment ainsi que présenter des risques d’invalidité », souligne ­Marie-Pierre ­Tremblay, directrice générale, développement des marchés, ­Client collectif à ­Canada ­Vie.

Malheureusement, les absences au travail ne vont pas en diminuant au fil des ans, bien au contraire. Selon ­Statistique ­Canada, le nombre de jours de travail manqués au ­Québec est passé de 10,7 en 2012 à 12 en 2017, faisant des ­Québécois les champions de l’absentéisme au pays. « ­On observe une augmentation des problèmes de santé mentale et des absences liées au stress ou à l’anxiété », indique ­Daniel ­Dufour, chef de produits, invalidité et santé ­mieux-être chez ­Desjardins ­Assurances.

Un manque de suivi

Si la grande majorité des employeurs s’entendent pour dire que l’absentéisme les préoccupe, rares sont ceux qui en font le suivi de façon optimale. Selon ­Morneau ­Shepell, en 2016, seulement 36 % des employeurs examinaient leur taux d’absence. Les raisons sont multiples, à commencer par un manque de compréhension du problème par les gestionnaires, qui croient souvent qu’il s’agit d’une question médicale. « ­Pourtant, les absences peuvent être liées à des facteurs qui se trouvent dans la sphère d’influence des gestionnaires, comme le milieu de travail, le leadership, l’engagement des employés ou les processus de gestion du rendement », indique ­Marie-Pierre ­Tremblay.
Le manque de ressources humaines et une technologie désuète figurent également parmi les raisons du ­non-suivi des absences, mais aussi les préoccupations concernant la confidentialité. Ces dernières sont particulièrement présentes dans les milieux syndiqués où le respect de la vie privée des employés fait l’objet d’une clause dans la convention collective.

Maintenir le contact avec l’employé absent

Agir efficacement pour réduire l’absentéisme dans les entreprises nécessite de cesser d’adopter une gestion purement administrative qui consiste simplement à exiger un billet du médecin. Il importe notamment, selon les experts, d’effectuer un suivi avec l’employé absent. « ­Même si l’assureur gère le dossier, il est important que l’employeur reste en contact avec l’employé, qu’il le tienne au courant de ce qui se passe dans le milieu de travail, explique ­Michèle ­Parent, directrice, services-conseils en santé chez ­Morneau ­Shepell. Cela favorise la réintégration par la suite. Garder le contact avec l’employé figure parmi les meilleures pratiques pour favoriser le retour au travail. S’il se sent apprécié et nécessaire, l’employé sera plus engagé. »

Bien sûr, l’approche devra respecter certaines règles pour que l’employé ne la juge pas intrusive. « ­Il faut garder le contact tout en préservant la confidentialité, explique ­Daniel ­Dufour. Ce n’est pas parce que l’employé est en arrêt de travail qu’il ne faut plus s’intéresser à lui. » ­Afin d’éviter les mauvaises perceptions, l’employeur pourrait, dès le départ, s’entendre avec l’employé sur la fréquence de ses appels. « ­De façon générale, il s’agit de prendre des nouvelles, en donner sur le milieu de travail, sans nécessairement parler du diagnostic. »

Les absences peuvent être liées à des facteurs qui se trouvent dans la sphère d’influence des gestionnaires, comme le milieu de travail, le leadership, l’engagement des employés ou les processus de gestion du rendement.
– Marie-Pierre Tremblay, Canada Vie

Le suivi de l’état de santé de l’employé relèvera plutôt de l’assureur. « ­Si ce volet est géré à l’interne, il est important qu’il le soit par des gens qui ont des connaissances en gestion des invalidités, précise ­Michèle ­Parent. Parfois, ils devront aider l’employé ­au-delà de ce que l’assurance collective permet de faire. Par exemple, si une personne a de la difficulté à obtenir un test diagnostique, le gestionnaire aura ­peut-être intérêt à payer ce test au privé pour que l’employé puisse avoir le traitement approprié, plutôt que de le faire attendre pendant des mois. »

Des stratégies de prévention efficaces

Les gestion efficace de l’absentéisme requiert également d’agir préventivement. « ­Les entreprises doivent s’intéresser aux données mises à leur disposition pour mieux comprendre l’absentéisme, explique ­Daniel ­Dufour. Suivre les statistiques dans le temps et les causes d’invalidité permet d’avoir un meilleur portrait de la situation et de réfléchir aux moyens à mettre en place pour remédier à un problème de santé qui serait récurrent. » ­Ainsi, les employeurs pourront développer des programmes de santé et de ­mieux-être « qui ciblent particulièrement les facteurs d’absentéisme dans leur milieu de travail », ajoute ­Marie-Pierre ­Tremblay.
Morneau ­Shepell rappelle aussi que les accommodements peuvent s’avérer un outil efficace pour aider les employés à demeurer au travail, à condition qu’ils soient définis et gérés efficacement. Il importe notamment « d’assortir les accommodements temporaires d’une durée maximale afin de bien les distinguer des accommodements pour incapacité permanente ».

Le certificat médical ­est-il nécessaire ?

En ce qui concerne les absences de courte durée, certains médecins ont exprimé leur frustration à l’égard des certificats médicaux, notamment dans le contexte de pénurie de médecins et de débordement des urgences. Michèle ­Parent croit cependant qu’ils ne sont demandés que pour des absences de plus de trois jours. « ­Ces absences génèrent des coûts importants et l’employeur doit s’assurer d’avoir un papier pour les justifier », ­dit-elle.

Récemment, la chaîne américaine de restauration ­Chipotle a engagé des infirmières pour faire le suivi des absences d’une journée auprès de ses employés. Une pratique qui n’est pas sans coût et que les experts ne jugent pas nécessaire dès lors qu’un climat de confiance a été instauré avec les employés. « L’employeur peut demander un billet de médecin pour une absence d’une journée si l’employé semble abusif ou s’il y a des motifs douteux d’absence », rappelle ­Michèle ­Parent.


• Ce texte a été publié dans l’édition de mars 2020 du magazine d’Avantages.
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