Le 4 janvier 2019 au plus tard, tous les régimes de retraite à prestations déterminées du Québec, qu’ils soient issus des secteurs municipal, universitaire ou privé, devront obligatoirement s’être dotés d’une politique de financement. Mais avant de commencer à rédiger, mieux vaut se poser quelques questions.

La politique de financement, c’est un peu le « livre de recettes » pour le financement d’un régime de retraite, a imagé ­Michel ­Montour, ­vice-président aux politiques et programmes à ­Retraite ­Québec, lors du séminaire ­de la FTQ sur la retraite en mars dernier.

« ­En résumé, elle permet d’identifier les éléments susceptibles d’affecter le financement du régime et de déterminer la marge de manœuvre que l’on veut se donner avec les cotisations. ­Veut-on des cotisations plus élevées, mais stables, ou plus faibles, mais davantage volatiles ? » ­a-t-il exposé.

La politique de financement est en quelque sorte le dernier volet de la grande réforme des régimes ­PD entreprise il y a quelques années par le gouvernement du ­Québec. Le volet qui permet de mettre en place toutes les pièces du ­casse-tête, commente ­Tina ­Hobday, associée et avocate spécialisée en régimes de retraite chez ­Langlois.

« ­Plusieurs régimes en avaient déjà de façon plus ou moins officielle, ­dit-elle. En la rendant obligatoire, ­Québec veut forcer les promoteurs à réfléchir de façon plus stratégique et formelle sur les risques et les objectifs de financement à plus long terme de leur régime. »

Le ­Régime de retraite de l’Université du ­Québec (RRUQ) fait partie de ceux qui n’ont pas attendu le législateur pour se doter d’une politique de financement. « ­En 2007, nous étions parmi les premiers régimes au ­Canada à adopter une telle politique », raconte ­Alain ­Vallée, directeur général du ­RRUQ.

Le régime regroupe des employés des dix établissements d’enseignement du réseau de l’Université du ­Québec. Il s’agit donc d’un régime unique pour un ensemble d’employeurs. « ­Comme notre régime est assez complexe, le comité de retraite avait voulu se doter de règles de fonctionnement claires à l’époque, ­explique M. Vallée. Nous avions aussi intégré depuis peu un principe d’indexation conditionnelle. L’objectif de la politique était d’élaborer des lignes directrices, déterminer comment on allait financer tout cela et quel taux de cotisation maximum on était prêts à verser. »

Pour se conformer à la nouvelle législation, le ­RRUQ a adopté en novembre dernier la deuxième mouture de sa politique de financement, un document d’une douzaine de pages. Mais l’enjeu principal était encore le même qu’il y a dix ans : s’assurer de maintenir un taux de cotisation stable.

« L’un des éléments importants de la nouvelle politique de financement du ­RRUQ a été d’établir à 22 % le taux de cotisation maximal combiné ­employeur-employés. Avec nos actuaires, nous avons réalisé une étude de projections stochastiques qui a permis de valider cet objectif », dit ­Alain ­Vallée.

Bien que la plupart des enjeux aient d’abord fait l’objet de discussions lors de négociations entre l’employeur et le syndicat, la politique de financement a permis de formaliser les objectifs du régime, ­soutient-il.

La politique de financement doit minimalement définir…

  • les principales caractéristiques de l’employeur et de son secteur d’activité
  • le type de régime, ses principales dispositions et les caractéristiques démographiques des participants et bénéficiaires
  • les objectifs de financement du régime à l’égard de la variabilité et du niveau des cotisations et des prestations
  • les principaux risques liés au financement
  • la tolérance au risque de ceux qui participent au financement

Se poser les bonnes questions

Si la nouvelle législation n’a pas trop effrayé les régimes comme le ­RRUQ qui avaient déjà rédigé une politique de financement dans le passé, elle risque de donner un peu plus de fil à retordre aux promoteurs qui se trouvent devant une feuille blanche.

« Élaborer une politique de financement peut être un exercice assez complexe, compte tenu que cela implique d’identifier et de comprendre les principaux risques auxquels le régime est exposé », prévient ­Pierre ­Bergeron, conseiller principal et associé à ­PBI ­Conseillers en actuariat.

En plus des éléments de base requis par la loi (voir l’encadré ci-dessus), une politique de financement devrait, selon M. Bergeron, inclure entre autres des fourchettes cibles de financement, des mécanismes de partage des coûts, des règles pour l’utilisation de l’excédent en capitalisation de même que des hypothèses actuarielles.

Il conseille d’abord aux régimes de se pencher sérieusement sur leur politique de prestations, car c’est sur ­celle-ci que devront reposer les objectifs de financement. Les promoteurs doivent également s’assurer de bien comprendre la nature de l’employeur et des employés, et la façon dont ­celle-ci évoluera au fil du temps. Cette analyse permettra d’évaluer divers scénarios et, plus important encore, selon ­Pierre ­Bergeron, « de se projeter dans le temps ».

« ­De ce processus de réflexion vont découler différentes décisions, notamment sur le niveau minimal de réserves, la planification des coûts et l’établissement d’une marge pour écart défavorable », ­dit-il.

« ­Avant de mettre en place leur politique de financement, les promoteurs vont devoir se poser les bonnes questions, réfléchir de façon stratégique et prendre du recul, ajoute ­Tina ­Hobday. L’erreur que les gens font souvent lorsqu’ils doivent rédiger une politique, c’est de prendre le crayon et de commencer à écrire avant même de réfléchir. »

Alain ­Vallée recommande pour sa part aux promoteurs de bien s’entourer de spécialistes durant tout le processus, et de ne surtout pas s’improviser expert. « C’est aussi essentiel de connaître le budget de cotisation avant de se lancer dans la rédaction de la politique. Tant qu’on ne sait pas combien on est prêt à mettre d’argent, on ne peut pas faire ­grand-chose. »

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